Université de Cocody: QUI POUR ASSURER LA SECURITE DES ETUDIANTS?
Après plusieurs attaques au sein de
l’université Félix Houphouet-Boigny, on se demande par quel bout prendre la
question de la sécurité des étudiants. Les différents acteurs ont leur idée là-dessus.
Le
4 avril dernier, dans la pénombre, plusieurs individus armés de machettes et de
gourdins parviennent à se déjouer des mesures sécuritaires mises en place au
sein de l’université Félix Houphouet-Boigny (Cocody). Leurs silhouettes fendent
la nuit en direction des résidences universitaires. Là-bas, c’est la pagaille.
Les visiteurs nocturnes délogent des étudiants de leurs chambres. Ce qu’ils
n’ont pas saccagé, ils les emportent avec eux. Après leur passage, on dénombre
une dizaine d’étudiants blessés. Si l’incident n’a choqué personne, c’est bien
parce que ce type d’attaque est monnaie courante dans cette prestigieuse
université, temple du savoir. Alors que le « départ nouveau » avait
planté les germes de la renaissance pour certains et de la rédemption pour
d’autres, les querelles syndicales vont finir par exhumer les vieux démons
qu’on croyait pourtant enfouis sous les revêtements flambant neufs des amphis. Ce
18 novembre
2015, les évènements qui vont conduire à la mort du jeune Wilfried Konin Christian,
ne présagent rien de tel cependant. Tout commence par une banale altercation
entre deux groupes d’étudiants, se réclamant respectivement de l’Association
générale des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Ageeci) et de la Fédération
estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci). Les organisations s’affrontent
en bataille rangée sur le quai de la Société de transport Abidjanaise (Sotra) située
à l’entrée des urgences du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Cocody. Chacun
veut avoir le contrôle et la gestion du quai. La police parvient à rétablir l’ordre.
Mais le lendemain, l’Ageeci et la Fesci croisent à nouveau le fer sur le campus.
Cette fois-ci il est question de droit sur les chambres des résidences
universitaires. On compte de nombreux blessés,
dont deux dans un état critique, immédiatement évacués au CHU de Cocody. Parmi
eux, Christian Wilfried Konin, étudiant inscrit en Master 1 de Sciences économiques
et de gestion à l’université Félix Houphouet-Boigny. Il meurt des suites de ses
blessures, le 20 novembre. Tandis que le campus panse
encore ses plaies, dans la nuit du 4 au 5
décembre, un incendie ravage la scolarité
centrale de l’université. Le feu est à mettre au
compte « d'individus identifiés comme des étudiants », dira une source
de la présidence.
Des étudiants agressés
Dans
cette période, les escarmouches entre étudiants ne se comptent plus. La police
est obligée de camper sur les lieux. Le 11 avril 2016, des étudiants s’en
prennent à ces nouveaux voisins, jugés indésirables. Plusieurs d’entre eux sont
mis aux arrêts. Mais tout comme ils étaient parvenus à obtenir le départ de la
police universitaire des lieux en 2014, les manifestants auront gain de cause.
La police décampe. Si enseignants et étudiants avaient milité pour cette
option, aujourd’hui plus personne ne se sent en sécurité au sein du campus. Les
récents évènements leur donne raison, d’ailleurs. « Nous ne sommes plus en
sécurité au sein de cette université », se lamente par exemple Apalo
Roland, le leader de la Fédération estudiantine et scolaire pour le renouveau
(Feder) qui s’interroge sur le silence actuel des autorités. Pour Charles
Kisito Fangman, président des résidences universitaires de Cocody, c’est
incompréhensible que des individus armés parviennent à pénétrer dans l’enceinte
d’une université et aillent taillader des étudiants qui dormaient
tranquillement. « Nous pensons qu’il faut prendre des mesures pour éviter
que ce genre de chose arrive. Ce n’est pas la première fois que les étudiants
sont attaqués dans leurs chambres », interpelle Charles Kisito au nom de
ses camarades. Bien qu’il note une relative sécurité par rapport aux années
noires, pour Dr Johnson Kouassi, secrétaire général de la Coordination
nationale des enseignants et chercheurs de Côte d’Ivoire (Cnec), il y a
encore des choses à corriger. « Nous avons eu à discuter avec les
étudiants eux-mêmes à plusieurs reprises pour éviter qu’il y ait des bruits au
sein du campus », indique l’enseignant. Mais l’escalade de la violence est
pour lui inhérente à l’université. C’est une simple question de comportement,
au dire de Dr Jonson Kouassi. Toutefois, selon Apalo Roland, il n’y a qu’un
seul coupable ici : la Fesci. La mort du jeune Wilfried Konin, les
attaques sporadiques dans les résidences, les affrontements avec la police, les
badauds invisibles qui pénètrent et tailladent tout le monde, sont que l’œuvre
d’une seule organisation : la Fesci. L’insécurité, d’après lui, rime avec
ce sigle. Et il faut civiliser le campus, l’expurger du monstre. Une accusation
qu’Assi Fulgence Assi, secrétaire général de la Fesci balaye du revers de la
main. Pour lui, les autres organisations estudiantines sont toutes autant
coupables. Assi Fulgence explique qu’aujourd’hui un gbaka (véhicule de
transport en commun) peut débarquer des badauds armés à l’entrée de
l’université. Le temps que la police intervienne, ils sont déjà partis après
leur forfait. « Nous pensons que seule la tolérance au niveau des
étudiants eux-mêmes peut maintenir un climat de paix. Nous avons signé la
charte Tchiffi Zié et grâce à elle la Fesci ne fait plus de violence à
l’université», ajoute le leader de la Fesci. Aussi bien à l’intérieur qu’à
l’extérieur du campus, les autorités ont tenté à maintes reprises de jouer leur
partition. Plusieurs chartes de non-violence ont ainsi vu le jour.
Une unité de sécurité plus performante
La
dernière en date reste en effet la
charte Tchiffi Zié, du nom du Jean Gervais Zié
président du Forum des Rois d’Afrique qui a mené une médiation entre les
étudiants. Mais à peine l’encre du document a-t-elle séché que les
différents protagonistes ont repris les hostilités. Les acteurs de l’université
sont d’accord que le système de sécurité mis en place par la Smdci ne permet
pas d’éviter les troubles. « Aujourd’hui n’importe qui peut entrer au sein
du campus pour attaquer les étudiants », reconnaît Assi Fulgence. Qui
préconise une unité de sécurité plus efficace. « La police universitaire a
été réduite en de simples vigiles et ils n’ont pas d’arme, relève pour sa part Apalo Roland». Contactée, une source proche du ministre de
l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique estime pour sa part
que la structure étant un Etablissement public national (EPN) les questions
liées à la sécurité du campus de Cocody concernent le campus de Cocody.
A la présidence de l’université, il a été toujours précisé que la sécurité du
campus relève de la Société d'Infrastructure
Moderne pour le Développement de la Côte d'Ivoire (Simdci). Jointe hier, la présidence a donc préféré se
réserver le droit de réagir sur cette
question plus tard. De son côté la Simdci,
elle, est catégorique : les évènements des 20 et 21 février 2014,
qui ont abouti à la dissolution de la police universitaire, ont fragilisé
la sécurité au sein de l’établissement. « Aujourd’hui,
n’importe qui peut faire irruption au sein de l’université et agresser qui il
veut. Lorsque la police universitaire était présente, nous arrivions à éviter
certaines situations », explique Loukou Kouakou Jeannot,
responsable de la communication de la police universitaire qui existe encore
dans les autres universités. Lorsque la Simdci a créé cette unité à Cocody,
selon Loukou Kouakou Jeannot, elle est parvenue à maintenir un relatif climat de
tranquillité. « Nous faisions du renseignement pour prévenir les troubles.
Lorsqu’il y avait une cassure entre l’administration et les étudiants, c’est la
police universitaire qui œuvrait pour que le dialogue se renoue », relate
M. Loukou. Tout allait bien jusqu’à ce que les 20 et 21 février 2014, à la
suite d’une agression, certains membres de cette unité soit indexés. « On
ne nous a jamais donné la parole pour comprendre ce qui s’était passé. L’unité
a été simplement dissoute. Aujourd’hui, même si elle doit changer de nom, il
faut une unité de sécurité au sein du campus», insiste-t-il. On le sait, le
dispositif actuel de la Smdci fonctionne avec quelques vigiles postés aux
différentes entrées du campus. Sans arme et en effectif réduit, ils sont là en spectateurs.
Alors, la question reste posée : qui pour assurer la sécurité des
étudiants aujourd’hui ? Peut-être eux-mêmes ?
Raphaël
Tanoh
Leg :
Aujourd’hui la sécurité des étudiants au sein du campus n’est pas garantie.
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