GÉNÉRAL GONDO: « LE JOUR OÙ ON A RACONTÉ À HOUPHOUËT QUE J'AVAIS VOLÉ LA COCAÏNE»
Aujourd’hui
à la retraite, le contrôleur général de police, honoraire, Emile Troh Gondo, également
ancien directeur général par intérim de la police nationale, a accepté de
partager certains moments qui ont marqué sa carrière.
En ce jour ordinaire de l’année 1989, le
directeur de la police des stupéfiants et des drogues arrive à l’aéroport Félix
Houphouët-Boigny pour soutenir ses éléments en poste. « Ils faisaient du
bon boulot et ma présence devait les encourager », se souvient le général
Emile Troh Gondo. Mais pendant qu’il sillonne le hall de l’aéroport, le
directeur des stupéfiants et des drogues, aperçoit un passager suspect qui
vient de débarquer. « Il avait l’air louche, alors j’ai ordonné qu’on
l’arrête et qu’il soit fouillé », se rappelle Gondo. Et il avait vu juste.
La police trouve 4 kilogrammes de cocaïne sur le suspect.
La substance est conservée à la direction des stupéfiants et des drogues. « Nous
avions ensuite envoyé un échantillon comme scellé au Parquet, et nous attendions
l’ordre du procureur pour détruire la drogue », se remémore le général.
Mais les choses ne se passeront pas comme prévu. Dans la nuit qui suit, la
cocaïne disparait. « Des éléments que nous n’avions jamais pu identifier
ont cassé mon bureau et sont partis avec la drogue », ajoute Gondo. A l’époque, c’est Oumar N’Dao qui était le
ministre de la Sécurité. On l’appelle à 7h pour lui signaler que le général
Gondo a volé les 4 kilos de cocaïne saisis à l’aéroport. Puis, l’information
parvient aux oreilles du président de la République Félix Houphouët-Boigny.
« On a dit à Houphouët que j’avais volé la cocaïne ; que j’avais
moi-même monté ce coup », poursuit Emile Troh Gondo. Sa chance, c’est qu’il
avait un ministre qui le soutenait. « Le ministre Oumar N’Dao a expliqué
au Président Houphouët-Boigny que je n’étais pas capable de faire ce dont on
m’accusait. Cette histoire a été l’un des mauvais souvenirs dans ma
carrière », soupire aujourd’hui le général Emile Troh Gondo, plus de 40
ans après.
La
drogue a disparu
Assis dans son modeste bureau au 1er
étage de l’immeuble BICICI, à Angré, où il assure une fonction de collaborateur
dans un cabinet, Emile Troh Gondo coule ses vieux jours de retraité. Bientôt 77
ans, pourtant les mains pleines de ressorts, le contrôleur général de police
honoraire, a cessé son dernier service en tant que fonctionnaire, il y a 14
ans. Une carrière bien remplie. Et c’est en homme fier qu’il raconte le
deuxième fait qui l’a le plus déçu pendant son vie à la police nationale.
Nous sommes alors dans les année 1990.
Emile Constant Bombet est le ministre de l’Intérieur. Et le général Emile Troh
Gondo fait la une des journaux. La lutte contre la drogue porte si bien ses
fruits que la Suisse, la Belgique et l’Allemagne apportent régulièrement leur
soutien à la direction des stupéfiants et des drogues. C’est dans cette effervescence
qu’une structure Suisse décide de construire un centre de réinsertion en Côte
d’Ivoire. « Nous avons alors écrit au maire d’Anyama qui a accepté de nous
donner deux hectares, où construire ledit centre. La structure Suisse en
question attendait notre réponse. Mais pour bénéficier des deux hectares, il
fallait l’accord du ministre. On a alors adressé un courrier à Emile Constant
Bombet », explique le retraité. Problème : la lettre disparait en
cours de route. « Quelqu’un a soustrait la lettre pour ne pas qu’elle parvienne
au ministre Bombet. La structure Suisse a attendu un an pour que nous lui
signifions si nous avions eu un terrain pour le centre. En vain. Alors, elle est
partie. Finalement, c’est un autre pays qui a bénéficié du centre de 110
millions FCFA », regrette le général. Ce fut, indique Emile Troh Gondo, sa
deuxième déception. Qui a volé la lettre adressée au ministre Bombet ?
« Des jaloux. Certes, je n’étais pas exceptionnel, mais mes hommes avaient
de bons résultats sur le terrain. Et cela rendait les gens jaloux », croit
savoir celui qui est aujourd’hui le président de la Mutuelle des retraités de
la police de CI (Murepoci).
300
millions perdus
Peu de temps après, c’est un autre coup
dur. La France qui veut construire un centre de lutte contre la drogue, envoie
300 millions FCFA à son ambassade pour qu’elle les octroie à la direction des
stupéfiants et des drogues. Gondo revoit ces évènements : « Là aussi
on devait juste trouve l’endroit où construire le centre. Nous sommes allés
jusqu’à voir le directeur de l’école de police. Mais j’ai essuyé un refus et la
France a repris son argent ».
A cette époque, d’après le général, les
gens le combattaient tellement qu’un jour, « quelqu’un a écrit au
Président Houphouët-Boigny pour lui signifier que je virais 7 millions FCFA chaque
semaine sur un compte bancaire en France. Le Président a fait vérifier, mais rien.
Je n’avais même pas 7 millions à cette époque ».
1990. Dans la presse, on vient de titrer
sur un policier abattu alors qu’il était en plein braquage. Emile Gondo tombe
des nues : « C’était l’un de mes éléments. Quelques temps avant, on
l’avait trouvé mêlé à un groupe de braqueurs entre Yamoussoukro et Bouaké. Ses
collègues l’on couvert ce jour-là, en espérant qu’il allait changer. Mais il a
été pris dans ce second braquage et on l’a abattu. C’est quelque chose qui a
failli ternir ma carrière »
Heureusement, ces faits ont été occultés
par une carrière palpitante.
Les bons souvenirs, il y en a eu presque
tout le long de sa carrière. Par exemple, le fait d’avoir réussi à faire
établir une direction d’Interpol en Côte d’Ivoire. Et surtout, la construction
d’un centre de lutte contre la drogue, à Grand Bassam.
Il
n’y a pas eu de détournement
Emile Gondo sera, en 2000, directeur
général de la police nationale pendant la transition. Cet ancien pilote
militaire de l’armée de l’air ivoirienne, directeur des enseignement généraux
et surveillance du territoire, a été décoré quatre fois. Il dit le devoir à ses
hommes qui l’ont toujours écouté. Aux personnes qu’il a rencontrées tout au
long de sa carrière. Quand il était par exemple commissaire de police à Gagnoa.
Un soir de l’année 1983, lui et ses hommes vont se retrouver en train de traquer
quatre bandits armés qui venaient de braquer des commerçants à Gagnoa. Emile
Gondo poursuit les malfrats jusqu’à Tipa-Tipa. « Les voleurs se sont terrés
dans la brousse. Il était 19h. J’ai dit qu’il fallait que j’entre dans cette
brousse. Il n’était pas question de rebrousser chemin. Alors le chef de village
de Tipa-Tipa a approuvé en ces termes : dans ce cas mes gars iront avec toi. Et
il nous a fait accompagner par des villageois dans la brousse. Nous avons mis
la main au collet de ces braqueurs ».
40 ans après, le général Emile Gondo s’attèle
à régler le problème des policiers retraitésau sein de la mutuelle des
retraités de la police de Côte d’Ivoire. Ils sont venus le chercher pour
assumer cette tâche. « Cela m’a un peu surpris, parce que quand j’étais en
fonction, beaucoup de policiers ne m’aimaient pas à cause de ma rigueur au
travail. Je n’aimais pas le racket », confesse le septuagénaire.
A côté de l’entraide, la solidarité
qu’ils ont créée au sein de la Murepoci, Gondo s’implique également à régler
certains problèmes d’ordre administratifs. Comme l’affaire du Fonds de
prévoyance de la police nationale (Fppn). Des policiers à la retraite réclament
leurs épargnes gérées par le Fppn. « Il n’y a eu aucun détournement au
Fppn, rassure le général Gondo. Je connais le directeur du Fppn et j’ai assisté
à plusieurs réunions du fonds », ajoute-t-il.
Le Fonds a juste utilisé l’argent
d’épargne pour couvrir des prestations censées être gérées par l’Etat, dans
l’optique que ce dernier lui rembourserait ensuite. Il s’agit, entre autres, de
la prise en charge de policiers blessés pendant le service. Mais, rassure le
général Gondo, le problème est en train d’être réglé.
NB: Article réalisé en 2020.
Raphaël Tanoh
C'est à juste titre que Dieu lui accorde sa grâce d'être à son âge plein de vie.
RépondreSupprimerIl est modèle pour nous qui le côtoyons chaque jour.
Félicitations mon général pour le service rendu à la Nation.