''NOUS NE SOMMES PAS CONCERNES PAS LA TREVE'': Kangouté Maïmouna Fofana, porte-parole de la Coordination des syndicats de la fonction publique (Cosyfop)
Après une semaine de
grève, Kangouté
Maïmouna Fofana, porte-parole de la Coordination des syndicats
de la fonction publique (Cosyfop), explique les raisons
de leur posture actuelle.
Vous avez entamé une grève de 5
jours qui s’est déroulée du 11 au 15 avril dernier. Quel bilan faites-vous de
ce mouvement ?
Nous
avons tenu notre assemblée générale (AG) samedi pour faire le point et déterminer
les perspectives. L’AG a noté que le message n’était pas passé sur le terrain. Elle
a recommandé au directoire de mener cette sensibilisation là où les camarades
n’avaient pas les éléments d’information. Une équipe a été mise sur pied pour
que les camarades puissent se rendre dans ces zones-là. Ils sont sur le terrain
pour aller porter l’information là où elle n’était pas arrivée.
La grève n’a pas été suivie dans
plusieurs zones. Concrètement, avez-vous les moyens aujourd’hui de paralyser
l’administration publique ?
Notre
objectif ce n’est pas tant de paralyser tout le pays que de parvenir à la
résolution de nos problèmes. Il faut être claire là-dessus. Lors de la grève,
le secteur de l’Education nationale et celui de la santé étaient engagés. Mais
comme nous l’avons indiqué, c’était une grève d’avertissement dans laquelle
certains de nos camarades n’étaient pas lancés. Maintenant que nous allons faire
la sensibilisation sur le terrain, nous sommes prêts pour la reconduction de la
grève le 24 avril prochain. Cela, pour 5 jours reconductibles.
Au début, l’opinion nationale vous
a cru du côté du gouvernement. On vous a vu notamment appeler les syndicats à
la table de négociation. Qu’est-ce qui explique ce revirement?
Je
ne parlerais pas de revirement. Tout syndicaliste sait que pour aller en grève,
il y a toute une démarche à suivre. Lorsque les négociations échouent et que
toutes les portes sont fermées, alors on utilise la grève. C’est vrai qu’au
début, nous avions privilégié les discussions. Mais c’est bien parce que le
gouvernement nous avait indiqué qu’il préparait un forum social du 23 au 25 février
2017 afin de débattre des préoccupations des fonctionnaires et agents de
l’Etat. C’était la raison pour laquelle nous avions décidé de rester dans le
dialogue, pendant que les autres syndicats s’agitaient.
L’annulation du forum social
est donc la raison pour laquelle vous êtes entrés en grève?
Le
Forum social a été annulé sans que cela ne nous ait été signifié. Nous étions
dans un principe de dialogue. Et quand l’interlocuteur ne venait pas vers nous,
nous allions à lui. Nous avons interpellé le gouvernement à travers une conférence
de presse, nous lui avons adressé un courrier, le 16 février dernier. Nous
avons insisté sur le fait que les réponses qui nous ont été données par rapport
à nos revendications étaient insuffisantes. Ces revendications concernent notamment
la réforme de 2012 sur les pensions de retraites, les 150 points d’indices dont
certains ne bénéficient pas. Sans oublier la question du stock des aérés, le
statut général de la fonction publique qui n’est pas adapté à nos réalités. Nous
avons fait beaucoup de démarches. Nous étions dans l’attente, lorsqu’on nous a
affirmé que le forum social n’aurait pas lieu.
Ce silence du gouvernement n’est-il
pas dû au faite que la plupart des revendications sont déjà prises en compte
dans le cadre comité de négociation ?
Je
pense qu’il faut qu’on soit un peu sérieux. Quand des travailleurs viennent à
vous pour discuter, même si vous estimez qu’un autre groupe est déjà passé,
dans la mesure où nous n’avons mandaté personne pour nous représenter et que
nous sommes un syndicat différent, il faut nous recevoir pour échanger et voir nos
positions. Ces groupes ne nous représentent pas dans le comité de négociation,
sinon ils auraient rétorqué que les points sur les pensions de retraite n’ont
pas été tous traités.
De quels points s’agit-il ?
En
ce qui concerne la pénalité de départ à la retraite anticipée, nous avons
souhaité qu’un travailleur qui a servi l’Etat pendant plus de 35 ans et qui
occuperait une fonction pénible, puisse faire valoir ses droits à la retraite
sans qu’il ne lui soit imposé une pénalité de 5% par année de départ à la
retraite. Quand vous prenez des emplois comme les sages-femmes, les enseignants
d’éducation sportive, ce ne sont pas des personnes qui peuvent travailler
jusqu’à 65 ans. Lorsque certains voudront aller à la retraite, qu’on le leur
accorde cela sans pénalité. Nous avons aussi demandé qu’un guichet unique soit
créé à la Caisse générale de retraite des agents de l’Etat (Cgrae) pour traiter
plus rapidement les dossiers de départ à la retraite. Aujourd’hui, dans le
traitement de ces dossiers, une partie est prise en charge par la Fonction
publique, une autre partie par le ministère de l’Economie et des finances. Très
souvent, la Cgrae qui a déjà réceptionné le dossier et est prête à faire la liquidation
de la pension se rend compte qu’il y a des dossiers incomplets. Alors, elle se
refère à la direction des ressources humaines, qui ne transmet pas
l’information au concerné. Il y a aussi le faite qu’un outil comme la Cgrae ne
compte au sein de son conseil d’administre qu’un fonctionnaire et un retraité.
Tous les autres membres sont les représentants du ministère. En plus de ces
points, il faut noter que dans la loi de 62, il existait une disposition qui
permettait à la femme fonctionnaire qui faisait valoir ses droits à la retraite
de bénéficier, pour chaque année de maternité, d’une équivalence en année de
travail. De sorte que si elle avait fait 30 ans, et avait eues 5 maternités, ces
maternités étaient prises en compte dans son anuité liquidable et permettait de
bonifier sa pension. Cela a été annulé. Nous demandons le retour de cette
disposition. En plus de cela, il y a la question de la majoration pour famille
nombreuse. Aujourd’hui, l’une des choses qui valorisait la pension de retraite,
c’était l’allocation familiale, la majoration pour famille nombreuse. On vous
dit qu’à la retraite, pour bénéficier d’une majoration pour famille nombreuse,
il faut avoir des enfants dont l’âge serait compris entre 16 et 21 ans. D’abord,
3 premiers enfants dont l’âge est compris dans cette tranche, pour pouvoir
bénéficier de 10% de sa pension. Ensuite un enfant supplémentaire dont l’âge
est compris dans cette tranche, grâce à quoi vous aurez 5% de plus de votre
pension. Il faut avoir en tout six enfants âgés entre 16 et 21 ans pour pouvoir
avoir 25% de la pension en plus. Combien de fonctionnaire peuvent avoir 6
enfants dont l’âge est compris dans cette tranche ? Nous disons qu’il faut
déplafonner cet âge jusqu’à 40 ans.
Dans la mentalité des Ivoiriens, le
Cosyfop soutient le gouvernement. Le confirmez-vous?
Beaucoup
d’intoxication ont été faites sur le terrain. Ceux qui ont fait circuler cette
rumeur, on les connaît. Nous connaissons leur motif. Je suis une personne de
principe. Je ne peux pas m’engager dans un combat pour ensuite vendre la lutte.
Certainement, tout comme beaucoup de gens, le gouvernement s’est trompé lui
aussi en pensant que nous étions à leur solde. C’est pour cela qu’ils ne
comprennent pas comment des gens qui avaient engagé le dialogue partent ainsi en
grève. Lorsqu’un syndicat décide de ne pas engager une grève de prime abord,
cela ne signifie pas qu’il est acheté. Quand quelqu’un veut aller au dialogue,
ce n’est pas pour lécher des bottes. Si nous sommes allés vers la table des
négociations au départ, c’était parce que nous pensions qu’il y avait des
personnes éprises de paix qui voulaient que nous puissions trouver des
solutions pour les fonctionnaires. Aujourd’hui, ceux qui nous avaient lancé des
pierres, ce sont eux qui disent aux fonctionnaires ne pas aller en grève, alors
que les problèmes demeurent.
Dans l’arène du front social, il y
a la Plateforme nationale des
organisations professionnelles du secteur public et l’Intersyndicale de la
Fonction publique. Comment la Cosyfop collabore-t-elle avec ces
structures ?
Chaque
syndicat fait ce qu’il a à faire. Dès le départ, nous avons adopté une démarche.
Les autres ont estimé que si nous ne sommes pas avec eux, alors nous nous
sommes contre eux. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas fermés. Ceux qui
ont fait la dissidence, ont compris notre démarche et savent que nous menons le
bon combat.
Etes-vous pour la trêve sociale ?
Nous
ne nous sentons aucunement concerné par la trêve sociale. Nous n’avons jamais
été approchés pour cette trêve. Nous avons déposé des revendications et nous
attendons qu’on nous reçoive pour ces revendications. Nous disons que la
véritable lutte se fera avec la Cosyfop qui a pris le temps d’observer. Notre
lutte n’est pas pour faire du mal à la
population. Si les gens estiment que nous ne sommes pas assez représentatifs
pour parler avec nous, qu’ils observent. Nous restons déterminés, nous restons
fermes sur ce que nous avons dit. Nous irons jusqu’au bout !
Réalisée
par Raphaël Tanoh
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Leg :
Kangouté Maïmouna a reconduit sa grève.
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