"LE PARENT D'ELEVE QUI NE PAYE PAS SA COTISATION SERA SANCTIONNE", Inspecteur général Kouadio Kouamé, directeur de l’Animation, de la promotion et du suivi des Coges




Objet de nombreuses critiques, les Comités de gestion des établissements scolaires sont défendus à juste titre à travers cette interview par son premier responsable.

Aujourd’hui objet de certaines critiques, depuis quand les Comités de gestion des établissements existent-ils ?
Les Coges ont été créés le 20 janvier 1995 par la volonté de l’Etat qui a estimé qu’on ne pouvait plus faire l’école sans la communauté. Il s’agissait de faire participer tous ceux qui ont des intérêts dans l’école : les élèves, les enseignants, le personnel d’encadrement, les intendants, les parents, sans oublier les élus locaux. Toutes ces personnes sont représentées dans les bureaux des Coges. En 2012, à l’issu de l’audit commandité par la Banque mondiale, nous avons décidé de faire le toilettage des textes afin de recadrer certaines choses. A ce jour, nous avons les maires, les conseils régionaux, les gouverneurs de district qui sont les présidents des assemblées générales des Coges. Il faut savoir qu’il existe trois assemblées générales pour lesquelles il est demandé aux maires, aux conseils régionaux et aux gouverneurs de districts de présider. Il s’agit de l’assemblée générale de la rentrée, qui prépare le plan d’action adopté, budgétisé du Bureau exécutif. Cette assemblée générale est présidée par le maire. Toutes les décisions sont adoptées lors de cette rencontre en présence de tous les acteurs. La deuxième assemblée générale intervient à mi-parcours de l’année  scolaire, c’est-à-dire vers mars. Cette réunion sert à voir ce qui a marché ou pas dans l’ensemble des décisions prises lors de l’assemblée générale de la rentrée. Enfin, vous avez l’assemblée générale-bilan.

Quels sont les décisions prises lors de l’assemblée générale de rentrée ?
Il s’agit entre autres, des questions de levée de cotisation. Je rappel que dans les textes des Coges, il n’y a pas de cotisations. Il est dit que s’il y a un besoin d’argent, alors on a recours à une cotisation exceptionnelle. Par exemple, le bâtiment décoiffé par un vent violent.

Pourquoi les cotisations existent-elles ?  
L’école est gratuite, mais l’éducation a un coût que l’Etat ne peut pas supporter. Au Sénégal, par exemple, les cotisations peuvent s’élever jusqu’à 10.000 FCfa du primaire au secondaire. En Côte d’Ivoire, l’Etat a décidé qu’on ne doit pas demander un franc à un enfant au CP1. Mais il faut que nos populations comprennent que la notion de gratuité ne veut pas dire qu’ils n’ont rien à faire. L’Etat donne des kits scolaires, qui ne suffisent pas d’ailleurs pour toute l’année, parce que les parents prennent souvent comme alibi, les récoltes qui ne sont pas encore vendues, les dépensent des fêtes, etc. Mais les fournitures complémentaires existent en dehors de ces kits. Il faut les payer ! Le parent doit savoir cela. La gratuité ne signifie pas que les parents ne doivent plus rien faire.

Cette gratuité dont on parle est donc relative...
Elle est fixée par l’Etat.

Certains parents pensent que l’école est effectivement gratuite…
Il ne faut pas le penser. Oui, l’Etat a déclaré que l’école est gratuite, qu’elle est obligatoire. Moi je dis que l’école est gratuite mais l’éducation a un coût. En fait, cette gratuité dont il est question est bien définie. L’Etat construit des salles de classe, recrute les enseignants, donne des kits scolaires. Mais il faut que les parents jouent à leur tour leur part.  Et c’est pour cela que les Coges existent, pour qu’ils puissent prendre part à la vie de l’école.

Quelles sont exactement les attributions des Coges ?
En premier lieu, ils doivent assurer l’entretien courant des bâtiments. Après avoir construit une école, 5 ans après, on constate qu’il n’y a plus de tables-bancs. Qui les a gâtés ? Ce n’est pas l’Etat. Dans les écoles confessionnelles, les tables-bancs qui ont servi depuis des dizaines d’années existent encore. Pourquoi voulez vous que l’Etat retourne dans votre école réparer ces tables-bancs ? C’est votre responsabilité ! C’est pour cela qu’il existe des cotisations. De même, des salles de classe construites ne comportent plus de peinture, 5 ans après. Là encore, il faut cotiser.

On a l’impression que ces cotisations sortent du cadre souvent, comme demander à un élève de payer le vigile, par exemple…
Ce n’est pas à l’élève de le faire, mais au parent. La sécurisation des enfants continue à l’école. S’il faut payer un vigile pour cela, on le fait. Supposons que des bandits pénètrent dans une école et que votre enfant est blessé, que direz-vous ?

Est-ce pareil pour l’entretien des bâtiments ?
Les conditions de vie d’un enfant à la maison doit être la même chose qu’à l’école. L’Etat assure le minimum. Mais les parents eux-mêmes s’organisent pour apporter leur contribution à la vie de l’école. Quand une année scolaire commence, l’Etat s’organise pour apporter le matériel pédagogique  et d’encadrement. Mais si un directeur veut que son école soit performante, il peut proposer un projet d’établissement. La Banque mondiale vient de nous dire que malgré ce que l’Etat fait, nous avons le système éducatif le plus mauvais. Je vous dis qu’il y a des écoles qui existent depuis 10 ans, 15 ans, mais qui n’ont pas de logements. L’Etat a donné une indemnité de logement aux enseignants. Mais quand ils arrivent dans le village, il n’existe pas de maison. Le Coges est une entité autonome qui se trouve dans une localité, avec les mêmes parents d’élèves. Les communautés doivent donc trouver un logement dans ce cas pour lui. Aujourd’hui, qu’est-ce que nous constatons ? Si l’école doit bien fonctionner, il faut 60.000 logements pour mettre à la disposition des enseignants. L’Etat ne peut pas trouver cet argent. C’est pour cela que je conduis en ce moment une phase pilote pour inciter les parents à construire des logements pour les enseignants.

Certains vont jusqu’à faire cotiser pour une simple ampoule…
Si on a mis une ampoule et qu’elle est grillée, pourquoi ce serait à l’Etat d’aller la changer ? Mais les missions du Coges ne se limitent pas à cela. Il a pour rôle de contribuer aussi à l’encadrement civique et moral des élèves. Vous remarquez que pour des questions de grève, les enfants vont brûler les établissements. Il faut que les parents qui sont dans les Coges concourent à éviter cela. L’un des buts du Coges, c’est de favoriser également l’intégration de l’établissement scolaire dans son milieu. Il faut que ce soit l’école du village et non l’école dans le village. La culture de chaque localité doit  être enseignée dans l’école qui s’y trouve. Dans un village, si les parents demandent aux enfants de transporter des fagots les mercredi après-midi, alors que c’est interdit à l’école, il faut s’accoutumer à cela. Les Coges doivent en plus de cela, suivre l’évolution des effectifs des élèves et enseignants à l’école. Un enseignant est affecté dans une école, quand il a fini son stage, il s’en va. Et là, on est obligé de recruter un volontaire. Qui le payera ? Là aussi, il faut faire des cotisations. Le Coges apporte un appui aux activités pédagogiques de l’établissement. Il faut noter que les compositions font partie des activités pédagogiques : tout ce qui est ballon, craie, règles, etc. L’Etat donne la craie, les rames de papiers. Mais si ces rames ou la craie finissent, en attendant que l’Etat agisse, on fait quoi ?

Les missions du Coges touchent beaucoup d’aspects a priori…
Effectivement. Une autre mission, c’est de contribuer à la résolution des problèmes liés au déficit des enseignants, d’œuvrer à la scolarisation des enfants, notamment les jeunes filles. Dans ce sens, le Coges doit sensibiliser les parents afin qu’ils emmènent leurs filles à l’école. En plus de cela, il aide à la promotion des cantines et contribue à leur installation. Un repas qui coûte 25 FCfa n’est pas équilibré. On peut s’organiser afin que l’enfant qui est à Tiébissou, par exemple, envoie des boutures d’ignames pour la cantine afin de pouvoir manger équilibré.  

Des contributions en nature en quelque sorte…
Exactement. Pourquoi tout est argent ici? Au Niger, le peuple mobilise 4 milliards pour aider l’Etat à réaliser des infrastructures. Là-bas, les salles de classe sont en paillote. Et lorsqu’on demande à un parent de cotiser 2.000 FCfa, par exemple, il peut décider de donner des bottes de pailles pour l’école. N’est-ce pas une cotisation?

Les parents savent-ils qu’ils peuvent contribuer en nature à la vie de l’école plutôt que de cotiser?
C’est quand vous allez aux réunions que vous pouvez savoir ces choses-là. Pour la réparation d’une clôture, selon ton handicap tu peux dire : ‘’je suis maçon et au lieu de cotiser pour mon enfant,  ne me payez pas la main d’œuvre, je ferai le travail’’. C’est une façon de cotiser. Il faut ajouter à toutes ces missions, que le Coges est chargé de recouvrer et gérer les ressources financières de l’établissement autres que le budget de l’Etat. Tout ce que les gens peuvent faire pour générer de l’argent au sein de l’école, est du ressort du Coges. Nous voyons des professeurs d’EPS qui font fabriquer des tee-shirts et qui les vendent. Ce n’est pas leur rôle ! Le Coges doit gérer également pour le compte de l’établissement les fonds créés par les activités génératrices de revenus. Il doit aider à la lutte contre la violence et la tricherie à l’école. Enfin, assister les autorités des établissements dans la gestion des crises. Ces missions citées depuis là-haut sont donc claires ! Et j’invite tous les acteurs à respecter ces attributions.

De votre côté, est-ce qu’il y a une sensibilisation pour éviter les préjugés au sujet de ces structures scolaires ?  
Je parcours toute la Côte d’Ivoire depuis que j’ai pris fonction. Nous avons sillonné les régions pour sensibiliser sur nos attributions. Nous avons même célébré les 20 ans des Coges l’année dernière. Je pense qu’il faut organiser des journées promotionnelles sur les Coges pour mieux informer. J’invite les chefs d’établissement à le faire. Les parents doivent venir écouter. On ne jette pas son enfant à l’école et puis on passe à autre chose.

Vous parlez de cotisation, mais les Coges bénéficient de subvention…
Oui. Ils existent 3.000 bureaux de Coges qui sont subventionnés. Ces subventions servent à payer entre autres, le matériel de travail.

Et elles arrivent…
Oui. Le problème, c’est l’année scolaire et l’année civile. Le budget est mis en place en janvier, c’est vers mars qu’on nous le notifie. C’est le budget de 2015-2016 qui sert à faire le budget de 2016-2017.

Pourquoi lever des cotisations alors ?
Parce que les subventions ne sont pas suffisantes.

L’autre constat, c’est que les gens ne respectent pas toujours le mode de fixation des cotisations.
Malheureusement non. Si vous avez recours aux cotisations, il faut l’assemblée générale, présidée par le maire. Si le maire est là et que les parents veulent lever des cotisations pour construire des salles de classe, par exemple, il faut savoir que dans le cadre de transfert de compétence aux collectivités, l’Etat transfert des fonds aux maires. Ces fonds servent à construire des salles de classe, à entretenir les bâtiments. Alors, vous comprenez que si le maire est présent à l’assemblée générale, il vous dira qu’il s’en occupe. C’est pour cela qu’on le choisit pour présider ces rencontres et dégraisser ainsi les levées de cotisations.  Une fois que le plan d’action est adopté lors de l’assemblée générale de rentrée, s’il doit y avoir une autre cotisation, l’inspecteur de l’enseignement primaire l’autorise. Mais seulement à hauteur de 3.000 FCfa. Si les parents décident de cotiser 10.000 F, la demande est transmise au Directeur régional de l’éducation nationale (Dren) qui ne peut autoriser que 5.000 F. Et jusqu’à ce que la demande arrive au ministère de l’Education nationale, l’année est terminée. C’est pour cela que les cotisations au primaire ne dépassent jamais 3.000 F.

Ce n’est pas pour autant que certains vont demander par exemple de payer 3.000 F pour une simple composition…
La composition peut comprendre la feuille, l’achat de craie et un certain nombre de chose. Mais il faut que la communauté constate que ce sont des choses qui manquent réellement. Si un inspecteur autorise une cotisation, c’est toujours au nom du ministre. Mais il faut le signaler à une assemblée générale.  

Et si ce n’est pas le cas ?
Alors, cela n’engage que cet enseignant. Ce n’est pas le Coges qui en prend la responsabilité. Le parent d’élève qui entre dans ce jeu, c’est à ses risques et périls. Si une levée de cotisation ne passe pas par l’assemblée générale, celui qui engage cette levée de cotisation en est l’unique responsable.


Que fait-on de lui ?
L’arrêt 165 de mérite et de discipline prévoit des sanctions pour ça. Si on estime que cette cotisation est exceptionnelle, on organise une assemblée générale exceptionnelle, parce qu’il y a souvent des choses imprévues. Ce n’est pas compliqué d’organiser une assemblée générale. Tous les acteurs sont dans le même lieu. Nous avons reçu beaucoup de plaintes dans ce sens. Nous faisons des contrôles inopinés. Le problème, c’est l’application des textes. Nous avons près de 10.000 bureaux de Coges avec plus de 15.000 écoles. Nous faisons tout pour régler ces problèmes en mettant en place, par exemple, des unions de Coges, qui travaillent ensemble, partagent des informations et leurs expériences. Avec cette nouvelle vision, les Coges vont corriger cette façon de faire.

Vous parlez de cette image négative véhiculée souvent à tort à propos des Coges….
Effectivement. Le bureau Coges, c’est une constituante. Les parents d’élèves sont représentés par le président des parents d’élève élu à l’assemblée générale des parents d’élève. C’est pareil pour les élèves, etc. Aucune décision n’est prise sans qu’ils n’en soit informés.

On apprend par exemple qu’on renvoie des élèves qui  n’ont pas payé leurs cotisations
Effectivement, ces informations nous reviennent. Je tiens à signaler que c’est un acte très grave. C’est pour les enfants que les Coges existent. Rien ne doit permettre qu’on mette un enfant dehors pour quel que motif que ce soit.

Et si un parent refuse de payer les cotisations ?
Si la cotisation a été décidée en assemblée générale, alors il est poursuivi est justice. Car, cette cotisation a été levée pour l’intérêt de l’école. Quiconque mettra un enfant dehors pour une levée de cotisation sera sanctionné si nous sommes saisies. Et quiconque ne payera pas les cotisations justifiées, sera poursuivie. Je demande à tous les acteurs de s’en tenir aux textes. La place de l’enfant est à l’école et nulle part ailleurs.

Réalisée par Raphaël Tanoh

Leg : Kouadio Kouamé estime que les textes du Coges ne sont pas appliqués.

Lég : Le directeur de l’Animation, de la promotion et du suivi des Coges: « On ne jette pas son enfant à l’école et puis on passe à autre chose »



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