BTS: DUR, DUR D'AVOIR UN STAGE
Sur
81.593 bacheliers de l’année 2015-2016, 30.000 ont été orientés dans les
universités publiques et 51.593 dans les grandes écoles supérieures privées.
Soit plus de 50%. Parmi ces 51.593 étudiants, seuls 20% auront un stage en
entreprise après leurs diplômes. Les autres deviendront des laissés-pour-compte.
Certains parmi eux seront accrochés à l’espoir d’un coup de fil hypothétique
provenant d’une des entreprises où ils ont déposé leurs dossiers. Le reste n’aura
d’autre choix que de s’en remettre à ces milliers de structures qui poussent ici
et là tel des champignons, proposant des stages aux étudiants avec en
contrepartie des espèces sonnantes et trébuchantes. Ils seront lésés et
s’enfonceront encore plus dans le désespoir. Eh oui, être aujourd’hui diplômé
de Brevet de technicien supérieur (BTS) est synonyme d’angoisse,
d’incertitudes, de peur... On part chercher son carton d’admission, avec cette
interrogation : comment se dégoter un stage ? Auguste
Assalé, secrétaire général de la Fédération des élèves et étudiants de
l’enseignement professionnel et technique de Côte d’Ivoire (Fetep-ci) a dans sa
base de données des milliers de détenteurs de BTS qui ne sont même pas encore
parvenus à valider leurs diplômes. « Chaque année, ce nombre grossit. Nous
avons déjà fait un plaidoyer auprès du gouvernement. Mais rien ne change. En
son temps, nous avons dit que les nombreuses structures étatiques tel que le
Trésor, les Impôts, pouvaient prendre un quota d’étudiants pour trois mois afin
qu’ils puissent valider leurs diplômes », explique l’étudiant.
Un problème ignoré par les
syndicats d’étudiants
Mais
rien n’est fait à se niveau, à l’entendre. Ni la Fédération estudiantine et
scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), ni la Fédération des élèves et étudiants
pour le renouveau (Feder) ne se penche sur la question. En faite, la plupart des
associations d’étudiants ont d’autres chats à fouetter. « Nous savons que
la question des stages en entreprise est difficile. Beaucoup de camarades ont
eu le BTS mais ne peuvent rien faire, parce que le diplôme n’est pas validé
avec un stage. Ils sont à la maison. Nous sommes conscients de cela. Mais si
nous ne mettons pas la question des stages au centre ne nos préoccupations,
c’est pour une raison simple : l’Etat ne parvient pas à solutionner nos
problèmes pendant que nous sommes en formation. Ce ne sont pas des problèmes
post-formation qu’il règlera », relativise Apalo Roland, le leader de la
Feder. Ils ne sont pas les seuls à reconnaître leur indifférence devant la
situation. Boto Jean Roger, le président de l’Union nationale des parents
d’élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Unapeeci), parle d’impuissance.
« Aujourd’hui, seulement 20% des étudiants qui ont le BTS arrivent à
soutenir. Trois ans après leurs diplômes, beaucoup traînent à la
maison. Chaque année, l’Etat oriente la plupart des bacheliers dans les
grandes écoles et ces établissements pullulent partout comme des fourmis. Après
deux ans de formation, de nombreux étudiants sont abandonnés à leur propre
sort. Les établissements qui proposaient autrefois des stages aux élèves ne le
font plus», se désole M. Boto. Avec ce sévère diagnostic, on se demande si le
BTS est dépassé. Faut-il le réformer, comme l’avait recommandé en son temps le
ministre Gnamien Konan ? Ou doit-on simplement s’en remettre aux
formations universitaires ? Une option impensable, en réalité. Non
seulement les universités publiques actuelles ne suffisent pas, mais en plus,
avec celle de Man qui a ouvert ses portes cette année et les futures
universités de San Pedro et de Bondoukou, le compte n’y est pas toujours. L’année
prochaine, nul doute que le nombre de bacheliers frôlera les 100.000 et rien
n’indique que ce chiffre s’arrêtera là.
10.000 stages cette année
Certainement,
la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche
scientifique l’a compris. Le 15 mars dernier, lors de l’ouverture de la
Conférence de l’association mondiale des services emploi publics (Amsep), Bakayoko-Ly
Ramata a dépeint un bien triste tableau sur la situation des stages dans le
pays. Ce sont, d’après la ministre, des milliers de diplômés qui restent chaque
année sur le carreau. Malgré les réformes apportées au secteur (suppression de
certaines filières, assainissement des établissements supérieurs privés), le
phénomène prend de l’ampleur. Bakayoko-Ly Ramata espère que son homologue, Sidi
Touré Tiémoko, pourra étendre son programme de stages de formation offerts par son
Agence emploi-jeune aux grandes écoles. Mais le phénomène est si tentaculaire
qu’on ignore par quel bout le prendre. L’une des raisons qui a amené le ministre
de la Promotion de la jeunesse et du service civique à créer une plateforme sur
le site de son Agence emploi-jeune, dédié aux demandeurs de stages. Sidi Touré
a ajouté à cette politique, les partenariats avec le secteur privé qu’il ne
cesse de multiplier. Grâce à cette politique, le ministre prévoit cette année, 10.000
étudiants en stage de validation de diplôme. Afin de motiver les employeurs, des mesures fiscales en faveur de l’emploi des
jeunes ont même été prises. Lors de sa dernière visite au Centre
d’information et de communication du gouvernement (Cicg), M. Touré annonçait
que les avantages fiscaux ont été notamment renforcés dans le cadre de l’annexe
fiscale 2016 en faveur des employeurs qui offriront formellement des postes
d’apprentis et d’emplois aux jeunes. Une mesure qui coûte bonbon au
gouvernement : 4,577 milliards de F CFA. Pour autant, les choses ne
semblent pas s’accélérer sur le terrain. En faite, le problème est bien plus
complexe, selon Sylla Alhouceine, le président de l’Association des
professionnels de ressources humaines de Côte d’Ivoire (Aprhci). « C’est
une question de capacité. Il y a beaucoup plus de diplômés et chaque année, le
chiffre augmente. Ce qui donne l’impression que rien n’est fait. En réalité,
les entreprises prennent des stagiaires chaque année. Passez partout, vous en
verrez dans les bureaux. Mais ces structures ne peuvent pas simplement prendre
plus que leur capacité ne le permet », justifie Sylla Alhouceine, qui a
une grande expérience en entreprise et qui a déjà reçu des dossiers de stage.
La seconde difficulté qui se pose, à l’entendre, c’est le coût. « Prendre
un stagiaire coûte cher à l’entreprise. Il doit occuper une place, utiliser le
téléphone, les services de l’entreprise… Il faut mobiliser quelqu’un pour le
suivre, etc. Lorsque la structure n’est pas outillée, parfois, elle préfère ne
pas prendre de stagiaire. Donc, tout dépend de la capacité et des objectifs de
l’entreprise. Mais en Côte d’Ivoire, vous avez des dizaines de milliers de
diplômés pour quelques entreprises, dont la plupart ne sont pas
outillées », ajoute le président de l’Aprhci. Alors la question
demeure : que faut-il faire ?
Raphaël
Tanoh
Leg : Beaucoup de jeunes diplômés du BTS
restent sans stage
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