Port-Bouët: UN DÉPOTOIR DERRIERE L’HÔPITAL EMPOISONNE LA POPULATION


Depuis quelques mois, les populations de Port-Bouët « derrière Wharf » se plaignent d’un dépotoir qui leur cause d’énormes désagréments. #Reportage#.

Port-Bouët, « derrière Wharf ». Jouxtant le centre de santé municipal « Akwaba », gît un énorme dépotoir à l’odeur fétide. Les déchets empilés les uns sur les autres forment une colline nauséabonde et horrible à regarder. Le tas d’immondices s’étend sur environ cent mètres de long et cinquante de large. Là-dessus, sont perchés oiseaux, vaches, moutons et autres animaux domestiques qui se régalent sur les détritus. Une espèce de jus noirâtre provenant de ce décor  dégoutant et écœurant  coule jusqu’aux masures et garages environnants.  Des récupérateurs d’objets plastiques et de ferraille tiennent un atelier de fortune à côté. Une poignée de gosses, entre 12 et 16 ans, font le sale boulot. Ils sont chargés de trouver ce qui peut être  recyclé. À gauche, les premières habitations précaires qui bordaient le dépotoir ont été vidées par leurs habitants. Cette eau glauque qui coule de la montagne d’ordures, a fini par envahir leurs domiciles. Le plus choquant, c’est ce spectacle de la clôture du centre de santé municipal « Akwaba » que côtoient ces déchets, dont la puanteur fait nouer l’estomac. Nous avons le cœur au bord des lèvres, la bouche pleine de salive. Les habitants, eux, en bavent. « Tout a commencé quelques semaines avant les 8ème Jeux de la Francophonie. Les gens ont commencé à venir déverser leurs ordures ici. Avant, il n’y avait qu’un bac à ordures. Aujourd’hui, c’est un véritable dépotoir », s’écœure ce matin Dehao Sévérin, un des résidents du quartier.  D’après ce maçon dans la quarantaine, la situation est devenue infernale. « Nous n’arrivons plus à respirer correctement ici. La nuit, c’est pire. J’ai quatre enfants entre 8 et 12 ans. Ils sont tous grippés », pleure le chef de famille. Il n’est pas le seul à se plaindre des désagréments du dépotoir. Oumarou Amadou, un autre résident du quartier a perdu l’appétit. « J’ai tout le temps la nausée. La nuit, c’est difficile de fermer l’œil. Je reste presque éveillé et cela a des conséquences sur mon travail », fustige ce quadragénaire qui habite les lieux depuis 6 ans.  Mais la situation est plus grave que cela. Certains habitants affirment avoir contracté diverses maladies. Adiza Abroulaye, une ménagère, a tout le corps envahi de boutons. « Quand je me suis rendue à l’hôpital, le docteur m’a dit que c’est à cause du dépotoir », raconte la femme de vingt ans. Plusieurs de ses camarades ont les mêmes soucis. C’est le cas de Drabo Mariam. « Nous sommes livrés à la mort. Il faut faire quelque chose pour nous débarrasser de ces ordures », se lamente-t-elle ce mardi matin. Parmi les victimes, il y a Kuwahé Kwashé, un pêcheur. Il vient de perdre sa femme, Justine Abla. « Elle avait des problèmes respiratoires. Ça empirait de jour en jour. C’est à la suite de cela qu’elle est décédée. Elle a laissé derrière elle un enfant de 6 mois. Dès que le décès est survenu, il y a le centre social qui est venu prendre l’enfant, parce qu’il ne pouvait pas vivre dans cet environnement », fait savoir le défunt. Il n’a pas été formellement prouvé que le décès de Justine est dû au dépotoir, mais le mari et les autres habitants n’ont pas besoin de confirmation pour le croire. Et cette hypothèse semble encore plus plausible, lorsque nous nous rendons au centre de santé municipal « Akwaba », dont les responsables en ont plus qu’assez de cette grosse poubelle à ciel ouvert qui longe leur mur. « Nous avons écrit aux autorités compétentes, pour signaler le problème. Mais jusque-là, il n’y a eu aucune réponse. C’est une situation extrêmement grave », déplore  Kra Célestin, le gestionnaire du centre. Avant de poursuivre : « Les ordures se trouvent juste derrière la maternité de l’établissement sanitaire. C’est un danger pour les patients, les bébés et le personnel ». Mais qu’est-ce que la population risque au juste? Kra Celestin détaille : « Tous ceux qui sont à proximité de ces ordures risquent de nombreuses maladies. La fièvre typhoïde, par exemple, les éruptions cutanée (boutons), les problèmes respiratoires, les diarrhées, qui peuvent entraîner des décès ». Pour lui, aussi bien les populations que le personnel du centre de santé sont en danger permanant. Dénommé « dépotoir 8 », ces tas de saleté commencent à exaspérer sérieusement les habitants du quartier. Il y a un mois, ils ont animé un meeting devant le centre de santé pour protester contre ce désastre. Alors qu’on prépare l’embellissement de la ville d’Abidjan et que les Ivoiriens s’apprêtent à accueillir le sommet UA-UE, ce genre de désagrément pourraient…entacher les efforts du gouvernement. Alors qui doit débarrasser les populations de cette poubelle?
Raphaël Tanoh

Légende photo 1 et 2: Au bout du dépotoir d’ordures, on peut voir… les murs du centre de santé. Les populations ont manifesté devant l’établissement sanitaire pour dire « Non».

Légende photo 3 : Ici, Adiza montre son corps envahi de boutons.


Encadre 1

La réaction du ministère de la Salubrité

Au niveau du ministère de la Salubrité, de l’environnement et de développement durable, un proche de la ministre Anne-Désirée Ouloto affirme que sa patronne n’a pas encore été saisie de ce problème. Toutefois, selon notre interlocuteur, cela relève du domaine de l’Agence nationale de gestion des déchets (Anaged), nouvellement créée. Problème : à l’Anaged, on attend encore la passation de charge avec l’ex-Agence nationale de la salubrité urbaine (Anasur).


Propos

Kouamé Yao Augustin, président du Conseil des consommateurs du District d’Abidjan et de l’Union fédérale des consommateurs de Port-Bouët.

« Des personnes sont décédées »

« Il y avait un bac  posé ici pour rassembler les ordures. Mais pendant les Jeux la francophonie, les structures de ramassage d’ordures nous ont dit qu’il y avait un problème de passage jusqu’à Akouédo  et qu’il fallait entreposer les ordures ici en attendant. Mais aujourd’hui, ce sont toutes  les ordures de Port-Bouët qui viennent ici. Les populations souffrent. Il y a eu beaucoup de personnes malades, d’autres sont décédées… Nous lançons un appel au chef de l’Etat afin qu’il nous débarrasse de ces ordures ».


Dr Youssouf Soumahoro, président de l’Association des sociétés de collecte d’ordures :

« C’est un problème temporaire »

« Nous sommes informés de la situation. Il faudrait que les populations se rassurent : c’est un problème temporaire. L’opérateur chargé de ramasser les ordures dans cette zone est en train d’œuvrer pour enlever tous ces déchets. Si ces ordures ont été entreposées là, c’est parce que l’on  a été confronté à un problème à Akouédo»

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