ABIDJAN: CE QUI SE CACHE DERRIERE LES BRAQUAGES



Depuis quelques semaines le nombre de braquages a augmenté à Abidjan. Pourquoi ? #Enquête#.

6 octobre 2017. Il est un peu plus de 19h lorsque des coups de feu retentissent dans l’une des rues d’Angré-Cocovico (Cocody). Sous la pluie battante, Georges Aboubacar Griffiths, ancien international ivoirien vient d’être abattu par des braqueurs. Le footballeur âgé de 27 a essayé de s’opposer au vol de son bolide, quand il a été criblé de plombs par les malfaiteurs. A peine remis de ce drame que les Abidjanais sont à nouveau choqués. Ce 19 octobre, la commune de Marcory est le théâtre d’un braquage digne d’un film d’action. Arrivés autour de midi dans une berline sombre, les bandits ont garé dans les environs d’une banque très connue. Ils savent qu’un transfert de fonds se prépare. Alors, dès que les convoyeurs sortent de l’établissement financier avec l’argent pour regagner leur fourgon blindé, nos bandits des temps modernes bondissent aussitôt sur eux. Sous la menace de leurs armes, les agents de sécurité leur remettent le magot. Ces derniers n’hésitent pas à ouvrir le feu sur l’un d’eux qui a voulu faire de la résistance. Les voleurs s’enfuient dans leur véhicule à un train d’enfer. Derrière eux, ils laissent un mort et plusieurs douilles de kalachnikovs. La banque, elle, a perdu des dizaines de millions FCFA. 23 octobre 2017 : encore un braquage. Le ‘‘modus opérandi’’ ressemble légèrement au précédent. Un véhicule de transfert de fonds de la Société des transports abidjanais (Sotra) est attaqué, ce lundi matin, dans l’une des rues de Port-Bouët. Les détrousseurs qui avaient l’itinéraire du fourgon, ont frappé au bon moment et au bon endroit. C’étaient des pros. Seule bonne nouvelle : il n’y a pas eu de mort. Mais la Sotra a perdu plusieurs millions FCFA. Deux jours plus tard, Marcory est à nouveau touché par l’insécurité. Dans la matinée de ce mercredi 25 octobre, des individus mal intentionnés rodent autour du Centre commercial Carrefour. Leur cible : un riche client des lieux. 7 millions de F Cfa sont emportés. Maigre consolation : pas de morts.

Octobre sanglant
On ne parlera pas de ce jeune douanier travaillant à l’aéroport de Port-Bouët qui a été poignardé dans la nuit du mardi 20 septembre à Koumassi, après qu’on lui a subtilisé son téléphone. Et inutile de revenir sur le cas de ce policier égorgé dans la nuit de jeudi 31 août 2017 au sous quartier « Sable » à Yopougon. « Il  y a eu une recrudescence des attaques ces derniers mois. Ce sont des braquages rocambolesques sans interpellations et cela nous inquiètent », soupire Me Yacouba Doumbia, le président du Mouvement ivoirien pour les Droits de l'Homme (Midh). Il n’a pas tort. Au ministère de l’Intérieur et de la sécurité, on prend du recul. « Il est impossible d’avoir une sécurité à 100%. Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, où la sécurité est à un certain niveau, ce genre de chose arrive», explique un collaborateur du ministre. On se souvient que face à l’insécurité grandissante, le gouvernement a arrêté en conseil des ministres, le 27 septembre dernier, un certain nombre de mesures dont l’intensification des opérations d’envergure récemment lancées, qui vont se poursuivre jusqu’au premier trimestre 2018 avec l’ « opération Epervier 3 ». Une action qui mobilise quelque 1500 éléments. Pour le commissaire divisionnaire-major, Youssouf Kouyaté, il s’agit de traquer les délinquants, rechercher et détruire les fumoirs, de boucler et ratisser les zones susceptibles d’abriter d’éventuels malfaiteurs, de lutter contre le phénomène des enfants en conflit avec la loi appelés «microbes ». Environ un mois après, soit le 25 octobre dernier, le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné annonçait après le conseil des ministres que « dans l’ensemble, (la) situation est calme sur l’ensemble du territoire national (…). L’opération de lutte contre le grand banditisme (Epervier 3) se poursuit (…) et des patrouilles mixtes de surveillance de sites stratégiques se déroulent, dans un contexte où une vigilance accrue de tous est appelée ». Or, c’est ce même jour qu’un vol spectaculaire est perpétré devant l’une des entrées du Centre commercial Carrefour. Alors, comment analyser ces séries de braquages qui ont endeuillé le mois d’octobre? Quel sens donner à cette recrudescence d’attaques à main armée ? « C’est difficile de lutter contre cette forme d’insécurité. Si vous observez bien, dans la plupart des cas, il y a forcement eu des complicités internes. Aujourd’hui, il faut reconnaître que l’opération Epervier 3 a contribué à baisser la délinquance. Vous ne pouvez pas vous baser sur deux ou trois braquages qui ont coïncidé à la même période pour parler d’insécurité. Et surtout qu’en général pendant le dernier trimestre de l’année, on assiste à ces phénomènes-là », ajoute notre source. Avant d’ajouter que le directeur général de la police nationale sera face à la presse dans les jours à venir afin d’établir un point général de la sécurité qui, selon lui, est malgré tout réjouissante. Mais le problème n’est pas aussi simple. « Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non le renseignement fait partie de la sécurité, ajoute un officier du renseignement de la gendarmerie. Or, il y a un réel problème à ce niveau : la rétention d’informations. Au total 8 services de renseignement se font la concurrence. A la présidence, il y en a 3, à la gendarmerie 3 et au ministère de l’intérieur, 2. Nous avons suivi une récemment une formation avec des officiers français et c’est ce qui est ressorti. Certains de nos supérieurs, pour paraître plus important, ne partagent pas les informations et cela peut poser un réel problème de sécurité. Pour pallier le problème, le président de la République a créé le conseil national de sécurité dont les réunions se tiennent tous les mercredis afin que les informations des différents services soient centralisées. Mais cela ne marche toujours pas ». L’un des obstacles qui favorisent ce disfonctionnement, d’après lui, ce sont les hommes. « L’une des qualités pour faire ce travail, c’est la loyauté. Lorsque nous voyons les personnes qui composent le renseignement, ce n’est pas toujours le cas. Pourtant le renseignement précède l’action sur le terrain. Si le travail est bien fait à ce niveau, il y a de nombreux cas d’insécurité qui peuvent être évités», déplore notre interlocuteur. A la préfecture de police, on a une autre idée de la situation. « Lorsque vous prenez les cas des braquages qui ont eu lieu en octobre, ce n’est pas le fait des enfants en conflit avec la loi, renchérit un officier de ce département, sous le sceau de l’anonymat. Il s’agit de gangs lourdement armés, parce qu’il y a beaucoup d’armes qui circulent à Abidjan. Aujourd’hui, les voleurs sont en général mieux armés que les policiers. Cette situation vient en partie du fait que pour avoir un permis de port d’arme de nos jours, c’est très difficile. Même pour un officier. C’est de façon illégale que les gens gardent les armes chez eux. Des armes qui ne sont pas répertoriées. L’un de nos camarades a essayé d’intervenir lors d’un braquage.  Il a reçu une balle dans la gorge. Dieu merci, il s’en est sorti. Le voleur, lui, s’est enfui. Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Au lieu de rechercher le malfrat, les services d’enquête le harcèlent et veulent savoir pourquoi il avait une arme sur lui ce jour-là. C’est tout cela qu’il faut revoir si on veut lutter contre l’insécurité». Deuxième chose, selon lui, c’est de conduire les enquêtes de moralité dans le processus de recrutement des éléments de nos forces de sécurité, dès le lancement des concours. « La sécurité commence d’abord au sein de nos éléments. Très souvent c’est lorsque l’élève finit sa formation qu’on entreprend ce processus. Mais il est déjà trop tard. Et vous pouvez vous retrouver avec des sous officiers voyous, qui ont eu un passé douteux. Nous savons où tout cela nous mène», regrette notre interlocuteur. Pour Me Doumbia Yacouba, le problème de la sécurité est bien trop complexe pour le résumer à un ou deux choses ponctuelles. «  C’est déjà bien que nous arrivions à identifier nos éléments des forces de sécurité et qu’on lutte contre les enfants en confit avec la loi, en détruisant les fumoirs. Mais il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Il faut étendre cela à la sécurité juridique et à la sécurité des affaires ».
Raphaël Tanoh
Leg : Les braquages ces derniers temps inquiètent.

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