Pr #Valy Sidibé# (ENS): "LE NIVEAU ETAIT TRES FAIBLE"
Deux
semaines après la proclamation des résultats de l’#Ens#, le premier responsable
de ce prestigieux établissement juge les candidats ainsi que l’organisation.
Après
trois ans d’interruption, le concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure
(Ens) a finalement eu lieu. Comment se sont déroulées les épreuves ?
Les candidats ont composé les 19, 20 et
21 septembre derniers. L’admission finale a eu lieu du 14 au 16 octobre. Nous avions
21.759 candidats repartis comme suit : 7.423 candidats pour les
professeurs de collège; 11.734 pour les éducateurs et 2.602 personnes qui
ont concouru pour les postes de professeurs de lycée. Les compositions ont eu
lieu à l’Ens ici, à l’université Félix Houphouet-Boigny également, compte tenu
du nombre important de candidats. Et le 19 septembre, l’Université Nangui-Abrogoua
a été bloquée pour uniquement recevoir les candidats intéressés aux postes de professeurs
de lycée. Le lendemain, ça a été au tour des étudiants qui composaient pour
devenir professeurs de collège. Ils étaient 7.423. Nous les avons repartis sur tous
les sites de Cocody. Le 21, c’était le grand groupe : 11.734 étudiants qui
ont été répartis entre les deux universités publiques d’Abidjan, l’Ens, le lycée
classique, le lycée technique et le laboratoire Piaget. Toutes les compositions
se sont faites dans les normes.
Des
étudiants ont affirmé avoir payé mais n’ont pas pu composer. Ils sont furieux…
Evidemment, ce sont les absents. Nous
avons fait un battage médiatique. Et je pense que cela montre l’inconscience de
certains candidats. Je ne peux pas concevoir que je sois à la recherche d’un
boulot, que je passe un concours pour cela, mais que je ne vienne même pas
chercher les résultats.
Certains
ne sont pas venus chercher leurs résultats?
Oui. Le jour des délibérations
d’admissions définitives, nous avons vu des gens se présenter ici pour nous
dire : ‘‘il paraît que je suis admissible…’’
Pour
en revenir aux absences, combien en avez-vous dénombrées ?
Il y a eu 782 absences signalées, à la
première composition, c’est-à-dire, avant l’admissibilité. Et j’ai été étonné
de voir ce taux élevé.
A
votre avis, quelle en était la cause?
En général, il y a des absences à chaque
composition. Mais ce taux était trop élevé. Pourtant, nous avons largement
communiqué. Nous avons même envoyé des SMS individuels à chaque candidat
inscrit. Je pense que certains candidats passaient d’autres concours au moment
des compositions. Il n’y a pas d’emploi, vous
le savez. Nous avons même eu des Dea qui se sont présentés au concours
de professeurs de collège, cette année.
A quel
moment les délibérations ont-elles été faites ?
Les délibérations d’admissibilité se
sont passées le 6 octobre. Nous avons dénombré 1.810 admissibles, toute séries
confondues. Mais en fin de compte, ce sont 1.449 candidats qui ont été déclarés
admis pour 1.910 postes disponibles. Les corrections ont été très strictes.
Nous avons fait corriger les copies par tous les établissements supérieurs :
l’Ens, les universités Félix Houphouet-Boigny, Alassane Ouattara,
Nangui-Abrogoua, Péléforo-Gbon Coulibaly. Pour dire qu’il ne pouvait pas y
avoir de combine.
Vous
confirmez alors qu’il n’y a eu aucune fraude?
Les étudiants et même les parents
peuvent rester tranquilles sur ce point. Il n’y a pas eu de fraude.
On
a vu la grande mobilisation des étudiants pour ce concours. Comment se fait-il
qu’il y ait moins d’admis par rapport au nombre de postes disponibles ?
Quand on rentre à l’Ens, c’est pour en
ressortir avec un emploi. Car des postes budgétaires ont été préétablis. Pour
les profs de collège, par exemple, il y a avait 807 postes budgétaires donnés
par le gouvernement. Nous avons eu 7.423 candidats pour ces postes-là, avec à
la fin 724 admis. L’admission n’est pas systématique, sachez-le. Et le jury est
souverain. Ce jury a donc jugé aptes 1.449 candidats en fonction de leurs
prestations intellectuelles. Et il y a des textes qui l’indiquent. Nous n’avons
fait que les appliquer. On pouvait même se retrouver avec seulement 8 admis
pour le même nombre de postes. Il existe des concours où on se retrouve avec carrément
zéro admis.
Que
fait-on des 461 postes libres?
C’est l’Etat qui les garde. Nous ne prenons
que les personnes qui ont le niveau légal pour enseigner. Si vous vous mettez à
prendre automatiquement le nombre de personnes en fonction des postes disponibles,
ce ne sera pas correct. Nous sommes dans l’Enseignement supérieur ; nous
travaillons sur l’un des matériaux les plus fragiles qui soit. Nous allons
former des enfants. Si vous prenez un minable pour le faire, vous vous
retrouverez avec des apprenants à faible niveau. La sélection doit donc être très
rigoureuse.
Etes-vous
d’accord avec le nombre de postes mis à la disposition de l’Ens, vu la
demande sans cesse croissante d’enseignants?
Je ne peux pas juger le nombre de postes
budgétaires. Parce que cela relève des capacités de l’Etat de Côte d’Ivoire.
Mais concernant le nombre de candidats admis, dans le déroulement des examens
et vu certaines copies, j’ai été choqué. Parce que bon nombre de nos enfants
ont déconnecté avec le papier. Le niveau était faible. Cela s’explique en
partie par le fait qu’on a fait concourir des gens qui ont le Dea (Bac+5), la
maîtrise (Bac+4), la licence (Bac+3) avec des personnes qui ont le Brevet de
technicien supérieur (Bts). Le plus gros lot de candidats était des détenteurs
de Bts. Et, inévitablement, cela grossit le nombre d’échecs.
Ah
oui ?
Mais oui ! En connaissance générale, une dissertation faite
par un candidat qui a le Dea et une dissertation faite par un autre flanqué
d’un Bts, ne donneront pas les mêmes résultats. Le premier l’emporte haut la
main. A mon avis, c’est cette situation qui explique en partie le faible niveau
cette année. Et puis, il faut reconnaître que beaucoup n’ont pas préparé le
concours.
Globalement,
pas d’incidents dans l’organisation ?
Dans l’organisation pratique, dans les
délibérations, etc., il n’y a pas eu d’incidents. Tout s’est bien passé depuis
les compositions jusqu’à la proclamation des résultats.
La
rentrée est fixée à quand ?
Nous avions un programme très strict. Tout
devait finir au plus tard le 19 octobre. Et cela a été respecté. A partir du 20
octobre, les candidats ont commencé à s’inscrire à la scolarité de l’Ens. 1.436
d’entre eux sont régulièrement inscrits. Le 3 novembre dernier a eu lieu la
rentrée administrative des étudiants de l’Ens. Lundi prochain, les cours
commenceront ici.
Après
la sortie de la 49ème promotion de l’Ens en juillet 2013, dénommée
promotion Soro Guillaume, il ne restait que 67 étudiants dans vos locaux. Grand
soulagement de pouvoir remplir à nouveau les amphithéâtres ?
En
effet, la promotion Soro Guillaume constituée de 834 éducateurs, professeurs de
collège et de lycée a passé le flambeau à 67 étudiants. Mais aujourd’hui, seuls
11 parmi eux sont encore là. Je peux donc vous dire qu’il n’y a pas de
stagiaire à l’Ens. Ce sont les nouvelles recrues qui viendront combler les
salles.
Quelle
satisfaction tirez-vous de ce concours, après la lutte que vous avez menée pour
que l’Ens en garde l’organisation?
Je voudrais remercier notre tutelle, le ministre
de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Gnamien Konan, qui
a donné l’autonomie totale à l’Ens afin qu’elle organise ce concours. Les
résultats sont sortis et il n’y a eu aucune interférence. Dans l’exécution des
tâches administratives, tout s’est bien déroulé. Nous tirons donc le chapeau au
ministre Gnamien Konan pour cela. L’Ens a retrouvé ses prérogatives. Et c’est
une forme de renaissance, après ce que nous avons vécu. En parlant de
renaissance, le 8 décembre, pendant la rentrée académique sonnelle, l’Ens va en
profiter pour fêter son cinquantenaire. Cet évènement sera marqué par un
symposium qui va réunir toutes les Ens francophones d’Afrique, accompagnées des
Ens de France. Nous allons harmoniser nos curricula de formation, nos diplômes,
nos visions. Et établir une plate-forme de communication entre toutes les Ens,
à travers un réseau. Cette idée vient de l’Ens d’Abidjan. En organisant ce
symposium qui est la partie scientifique du cinquantenaire, notre objectif est
de faire de cet établissement un pôle d’excellence dans la sous-région. Nous
devons être la plaque tournante de toutes les Ens francophones. Nous en avons
les moyens et la capacité.
Interview réalisée par Raphaël Tanoh
Leg : Pr Valy Sidibé veut faire de
son établissement une référence en Afrique.
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