"C'EST UNE ACTIVITÉ PUNIE PAR LA LOI" : Kouamé Yssoufou, directeur régional de la Promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant





Dans cet entretien, le directeur régional de la #promotion de la femme# et de la protection de l’enfant déplore le phénomène des ‘‘#enfants pousseurs de brouettes#’’ qu’il considère comme une forme de maltraitance des enfants.

A la direction régionale de la promotion de la femme et de la protection, comment jugez-vous ce phénomène des ‘‘enfants pousseurs de brouettes’’ ?

Ce que vous devez savoir c’est que la question des ‘’enfants pousseurs de brouettes’’ n’est pas spécifique à la ville de Man, ni même à la région du Tonkpi. Je me souviens, quand j’avais en charge les régions du Guémon et du Cavally, j’avais également fait le même constat dans ces zones. Dans d’autres villes de la Côte d’ Ivoire, ce phénomène existe. Malheureusement au niveau national, il n’y a aucune étude qui donne véritablement les statistiques de ces enfants-là. Alors nous, dans la région du Tonkpi, dans le cadre de nos activités de protection de l’enfant, en 2015, nous avons fait une cartographie de la personne et de la protection de l’enfant. Et cette cartographie nous a emmené à ressortir plusieurs thématiques en lien avec la protection de l’enfant. Parmi ces thématiques qui sont nombreuses, nous avons identifié 5 qui sont prioritaires: La question des mutilations génitales féminines, la question des grossesses en milieu scolaire, la question des extraits de naissances, la question de jeunes filles professionnelles du sexe et enfin la question des ‘‘enfants pousseurs de brouette’’.  Et nous nous sommes donnés pour mission d’ici 2020, de réduire de façon significative ces différents problématiques en lien avec la protection de l’enfant. Cela, à travers des activités que nous organisons dans le cadre de la lutte contre ces phénomènes.


De façon spécifique, comment va se faire la lutte contre les ‘‘enfants pousseurs de brouettes’’ ?

Concernant les ‘‘enfants pousseurs de brouette’’, nous avons effectivement fait le constat que dans nos marchés, il y a des enfants qui doivent se retrouver normalement à l’école, parce que la scolarisation est obligatoire aujourd’hui jusqu’à l’âge de 16 ans. Et au lieu de se retrouver sur les bancs de l’école, ils se retrouvent malheureusement dans nos marchés en train de pousser des brouettes. Alors nous nous sommes penchés un peu sur la question, et ce que nous avons pu faire aujourd’hui, c’est une première approche avec ces enfants. Cela nous a emmené à comprendre que ces enfant-là ne sont pas tous des orphelins, comme certains pourraient le laisser croire. Ce ne sont pas non plus des enfants qui vivent dans la rue. Ce sont des enfants issus de domiciles, de familles et de foyers. Pour la plupart des cas, les deux parents vivent.  Et ces enfants sont ceux-là même qui sont pourvoyeurs de ressources financières de la famille. Ils se présentent bizarrement comme des chefs de ménages. Ce qui nous intrigue le plus, c’est que l’activité génératrice de revenus de l’enfant ne lui profite pas directement. Quand ils finissent la journée, ils s’en vont reverser la recette à une tierce personne. Ça peut être la maman tout comme ça peut être le père ou une tierce personne. Suite aux recherches que nous avons effectuées, nous avons également constaté que ces brouettes n’appartiennent pas à ces enfants-là. Elles appartiennent à des adultes qui les louent à ces enfants. Ce qui nous emmène à nous interroger si derrière il n’y a pas une forme d’exploitation, une forme de traite d’enfants. Parce que quand on parle de traite d’enfant, il faut qu’un certain nombre de situations soient réunies. C'est-à-dire qu’on va recruter un enfant quelque part, on le transporte pour des fins d’exploitation.


Croyez-vous que ce soit le cas ?

Quand nous avons eu un premier contact avec ces enfants où nous avons pu recenser et identifier certains d’entre eux, nous avons vu qu’ils sont pour la plupart d’une autre origine que leurs parents. Alors, est ce que ces enfants ne sont pas pris quelque part où ont fait croire aux véritables parents qu’ils viennent fréquenter ? Et arrivé ici l’enfant subit une forme d’exploitation qui est de pousser des brouettes pour reverser des gains à une tierce personne. Si c’est le cas, je dis bien si c’est le cas, nous avons affaire à une forme de traite des enfants.  Mais si ce sont les parents biologiques qui mettent ces enfants au travail, c’est une forme d’exploitation des enfants. Mais, dans tous les cas, nous sommes en train de  nous pencher véritablement sur ces questions-là afin de savoir exactement de quoi il s’agit dans notre zone.

En Côte d’Ivoire, y a-t-il des dispositions légales qui sanctionnent ces pratiques ?
S’il est confirmé qu’il y a traite des enfants, il faut le dire, la traite des enfants est punie par le code pénal ivoirien. Aujourd’hui, nous avons un comité interministériel, et nous avons une autre structure qui est dirigée par la Première dame qui lutte véritablement contre la traite des enfants. Il vrai qu’on met plus l’accent sur la traite en lien avec la cacao culture, mais quand on parle de traite des enfants, il faut savoir que cela regroupe plusieurs types d’activités. Ça peut être des activités minières, ça peut aussi concerner les enfants pousseurs de brouettes, etc. Et donc, c’est véritablement puni par la loi. 

Cette activité est-elle réellement classée parmi les pires formes de travail des enfants ?
Mais oui, tout à fait. On peut vous sortir la classification des poids qu’un enfant doit pouvoir soulever par rapport à son âge. Mais aujourd’hui, c’est une démission totale de la communauté. Parce que quand vous allez dans les marchés, ce sont des hommes, des femmes qui donnent ces charges lourdes-là à ces enfants. Souvent pour 100 F. Quelque chose qu’ils n’accepteraient pas que leurs propres enfants transportent. C’est bien une forme d’exploitation des enfants et surtout de maltraitance qui devrait pouvoir être puni par la loi. Mais malheureusement, tout le monde ferme les yeux là-dessus. Et je pense que cela a donné lieu à une synergie d’actions. Parce que là où on voit des enfants de 8 à 16 ans qui travaillent, mais il y a l’Education nationale qui doit intervenir, il y a l’Emplois jeunes qui doit intervenir aussi, sans oublier la mairie, le conseil régional, l’administration, bref, tout le monde doit jouer sa partition. On doit se mettre ensemble. Bien sûr en commençant par les forces de l’ordre pour juguler cette situation. Nous avons la chance d’avoir au niveau de Man une commission régionale de protection de l’enfant qui a été installée et dirigée par le préfet de région. Quand nous avons fait notre cartographie, nous l’avons présenté à la préfecture, en présence de tous les membres de la commission. Alors je pense qu’ensemble, nous allons nous y mettre pour que même si nous n’arrivons pas véritablement à éradiquer cette situation, nous puissions avoir une baisse significative. Avec nos partenaires, Unicef et l’Organisation internationale pour la migration (OIM), nous allons entamer d’ici la deuxième moitié du mois de février, un projet sur les enfants migrants. Et comme je l’ai dit, s’il s’est avéré que parmi ces enfants il y a des cas de traite, c’est à dire recrutement, pour des fins d’exploitation, on peut mettre ces enfants dans ce projet et voir comment les sortir de là et les mettre dans des activités qui vont leur permettre d’avoir une bonne vie professionnelle plus tard. Tout le monde ne peut pas aller à l’école parce que pour certains c’est déjà trop tard. Mais on peut leur donner une formation adéquate pour qu’ils puissent avoir un avenir meilleur.

Quels sont les dangers que courent ces enfants?
Les dangers sont de plusieurs sortes. Sur le plan physique, le port de charges lourdes peut avoir des conséquences néfastes sur son développement physique parce que l’enfant n’a pas encore fini son développement. Il peut avoir par exemple des problèmes au niveau de sa colonne vertébrale. Ce sont des enfants qui sont dans la rue toute la journée au soleil, ils se nourrissent eux même avec des moyens de bord. S’il a un gain à déposer à la fin de la journée, il est clair qu’il sera obligé de rationner l’argent qu’il gagne afin de pouvoir satisfaire le contrat qui le lie à son patron.  Et avoir quelque chose à manger. Il est donc clair que l’enfant est mal nourri. Ce qui l’expose à la malnutrition et aux cas d’anémie sévère. Généralement c’est quand il pleut qu’ils font plus de recette parce que les gens sont presser de rentrer chez eux. A côté de cela, ils sont mal vus et confondus aux enfants de la rue. Il y a aussi les risques d’accidents de la circulation  auxquelles ils sont exposés, sans oublier les agressions physiques et morales.

A qui incombe la protection de ces enfants ?
La protection de l’enfant part d’abord de la cellule familiale. La famille nucléaire que sont les parents biologiques et les parents de substitution. Ce sont eux qui ont prioritairement en charge l’encadrement et l’éducation de l’enfant. Après ça, il y a la cellule familiale autour de la communauté qui doit jouer une partition dans l’éducation de l’enfant. C’est après ces deux entités que viennent les structures formelles que sont les centres sociaux et structures spécialisées, l’éducation nationale et autre. Donc il faut que chaque maillon puisse véritablement jouer son rôle. Mais, malheureusement, comme je le disais tantôt, on assiste à la démission de certains parents. Il est bon de mettre ces personnes face à leurs responsabilités. Après quoi, les projets que les structures formelles développent dans nos régions peuvent intervenir. Mais ce qu’il faut déplorer c’est qu’au niveau des ‘‘enfants pousseurs de brouettes’’, aucune ONG ne s’est véritablement attaquer à leur cas. Je ne sais pas si c’est par peur,  parce que s’il y a des cas de la traite c’est qu’il y a forcément des gourous derrière. Et généralement on a peur de s’attaquer à ces phénomènes-là quand on n’a pas un minimum de sécurité derrière. C’est le lieu pour moi de lancer un appel à toutes ces personnes qui sollicitent les services de ces enfants. Il faut tout de même avoir un peu de dignité, un peu de cœur. Ce que vous ne pouvez pas faire faire à vos enfants, il faut éviter de le faire faire aux enfants des autres. Pour cette année 2019, nous allons passer à une phase active dans la lutte contre ce phénomène. Il est difficile de mobiliser ces enfants pour les sensibiliser. Parce que pour eux chaque minute qu’il passe avec nous c’est de l’argent qu’ils perdent. Mais avec notre partenaires Unicef et OIM nous allons orienter les activités vers cette cible afin de la sortir de cette situation criminogène.

Interview réalisée par Raphaël Tanoh, envoyé spécial à Man
Leg : Kouamé Yssoufou appelle à une synergie d’actions contre le phénomène.
#Tags: #Enfants#, #microbes#, #maltraitances#, #violences#, #sociologue#, #société#, #parents#, #bandes#, #groupes#, #éducation#, #comportement#, #Ong#,  #phénomène#, #GALÉRE#, #ENFANTS#, #BELARDS#, #MAN#, #Kouamé Yssoufou#




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

GÉNÉRAL GONDO: « LE JOUR OÙ ON A RACONTÉ À HOUPHOUËT QUE J'AVAIS VOLÉ LA COCAÏNE»

VISA: UNE STRUCTURE ARNAQUE DES CENTAINES D'IVOIRIENS

"DES SANCTIONS CONTRE LES MÉDECINS DANS LES CLINIQUES PRIVEES": Dr Edi Ossohou Albert, directeur de la #médecine hospitalière# et de proximité au #ministère de la Santé# et de l’hygiène publique