"KIKOKO, L'HOMME QUI PARLAIT AVEC SON CORPS
Si
la Côte d’Ivoire est la plaque tournante de la musique africaine, c’est aussi parce
qu’il y a de vrais danseurs. Zoom sur un talent naissant.
Au début était la danse
classique, la #danse# codifiée promue sous le règne du roi Louis XIV. Et puis, peu
à peu, on a trouvé cela monotone, trop ennuyeux. Voilà comment verra le jour la
danse contemporaine, leste, volatile, libre. Elle n’a pas de limite et se
charge du sens dont on veut bien la doter. Aspirez-là, elle viendra à
vous ; donnez-lui une tout petite impulsion, vous la verrez voltiger dans
l’autre sens, telle une plume. Bien sûr, il est question ici de danse
professionnelle. Et c’est dans cet univers affranchi que sont nés des talents
comme Gahé
Nestor, chorégraphe aujourd’hui en Allemagne ou encore Bohouo Hypolyte,
également chorégraphe en Belgique. Des monuments qui ont inspiré Yao Kikoko
Harmann au ‘‘Club d’art et de ballet africain’’ du campus de Cocody. Ce jeune artiste
chorégraphe et danseur est déjà un champion national. S’il le dit tout bas,
c’est bien parce que son humilité n’a d’égale que son talent. Le meilleur chorégraphe 2012 du festival ‘‘Vacance culture’’
dans la discipline danse et création est aussi l’homme choisi par la structure
spécialisée dans l’évènementiel, Azen Prod, pour diriger la chorégraphie de
l’une des plus grandes représentations dans le milieu : « Le Bolero
de Ravel », un grand classique
européen monté par plusieurs grands chorégraphes de renom dont Maurice Bejart. Cette pièce est jouée par
60 personnes. D’où la maestria du jeune Kikoko Hermann qui en frémit encore de
bonheur : « ça été une chance de gérer une telle chorégraphie ».
La grande première a eu lieu le 8 décembre dernier à l’institut Français. Et la
critique l’a encensé. La prochaine pièce est prévue pour février. Certes, le
chorégraphe peut prendre part à sa propre pièce, saccader son corps luisant
sous les regards charmé du public, comme il sait le faire. Mais dans cette
pièce, Kikoko n’a fait que diriger. Cet extraordinaire danseur a déjà conquis
son public. Il vient juste de terminer un solo (pièce exécutée par une
personne). Le titre, « Moi seul », lui a permis de sillonner la Côte
d’Ivoire et des pays tel que le Burkina Faso. L’histoire lui a été inspirée par
un fait vécu. Yao marchait lorsqu’il est soudain frappé par le spectacle d’une
femme qui tenait son bébé malade dans la main, cherchant sa voie vers une
clinique. Le problème, c’est qu’un cortège présidentiel s’apprêtait à passer en
ce moment-là, et la sécurité barrait l’accès à l’établissement sanitaire.
« Je l’ai vue chercher sa voie parmi les policiers qui l’empêchaient de
passer. Cela m’a choqué ». Dans sa pièce de danse, « Moi seul »,
il tente de dénoncer l’abus de pouvoir sur le vieux continent, avec son corps parlant.
Pour ceux qui l’ignorent, plusieurs
styles ont été créés afin de transmettre un message par la danse: la Narration,
l’abstrait, la narration et l’abstrait combinés. « L’abstrait est adressé
à un public averti. Le message est souvent complexe. Le public se limite donc à
l’aspect esthétique de la danse, alors que le narratif montre de façon directe,
le message par des gestes simples. On
comprend ce que le danseur veut dire rien qu’en suivant ses gestes »,
explique Yao Kikoko Hermann. La première version de « Moi seul » a
été présentée en Côte d’Ivoire, à Ouagadougou, puis au Togo avec des
mannequins. La raison? « Les mannequins représentent le peuple, statique,
qui se laisse malmener. Toutefois le message n’est pas bien passé »,
ajoute Kikoko. Alors qu’est-ce qu’il fait ? Notre champion remplace les
mannequins par des légumes. Aujourd’hui directeur artistique du groupe de danse
« Dumalé », qui signifie miroir
en ‘‘koulango’’, l’artiste chorégraphe et danseur est animé par la flamme de la danse depuis la
classe de 6ème au lycée d’Oumé. Il participait aux clubs de ballets.
Frappé par cette silhouette malléable, le proviseur le nomme aussitôt
responsable de club. Kikoko va suivre un cursus scolaire normal et sera même inscrit
en physique-chimie à l’université. Mais sa rencontre avec Gahé Nestor et Bohouo
Hypolyte le pousse à passer le concours d’entrée à l'Institut
national supérieur des arts et de l'action culturelle (Insaac) en 2009. Il est admis et intègre l’Ecole nationale de
théâtre et de danse. Après 4 ans, l’enfant terrible de la scène décroche son
diplôme d’études supérieur artistique option danse en 2012. Quand on lui
demande, pourquoi la danse ? Il répond les yeux pétillants :
« j’ai constaté que les gens parlaient de théâtre, de conte. Mais au
niveau de la danse, il y avait un vide à combler. Les bons danseurs, il y
en a partout mais ceux qui peuvent écrire un projet, le défendre, il y en a
très peu ». Son ambition ? Parvenir à créer une école de danse. Et
aussi voir un jour le ministère de la Culture créer un fonds pour ce créneau,
mais également des textes précis. « Les danseurs n’ont pas de statut. Sur
un projet de 2 à 3 millions FCFA par exemple, on ne lui donne que 400.000 FCFA.
La Côte d’Ivoire est l’un des pays les riches en matière de danse. Le problème
c’est qu’il n’y a pas d’organisation, pas d’association, pas de syndicat. Et
par-dessus tout, une mauvaise gestion, se désole-t-il. Au Burkina Faso où je suis allé, j’ai vu
qu’il y avait de la solidarité. Si un artiste comédien ou un danseur organise
un spectacle, vous y verrez 90% des comédiens ou des danseurs. Ici ce n’est pas
le cas ».
Tag: #KIKOKO#, #AVEC SON CORPS#, #danse#, #théâtre#
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