MACA: POURQUOI L'ETAT ACHETE LA BAGUETTE DE PAIN A 800 FCFA
Après les plaintes de certains
fournisseurs, nous avons enquêté sur la vente du pain à 800 FCfa à la Maca.
Derrière les murs jaunes de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan
(Maca), il n’y a pas que de l’amertume. Les prisonniers apprennent des métiers,
assistent à des prières et, naturellement, prennent leurs repas quotidiens.
Parmi ces repas, il y a le déjeuner, avec comme aliment protéiné, de la viande
de bœuf. Mais bien avant, c’est le petit déjeuner : de la bouillie ou du
café accompagné de pain. Oui, du pain.
Et c’est là qu’il semble y avoir… un tout petit souci. Chaque année, le
ministère de la Justice lance des appels d’offres pour choisir un fournisseur
de viande et de pain. Ce dernier a pour mission d’approvisionner la cuisine des
pensionnaires de la Maca. Cette année, les autorités n’ont pas dérogé à cette
tâche. Le problème, c’est qu’au terme de l’appel d’offres, le fournisseur qui a
été choisi n’est pas du goût de certains parmi ceux qui ont postulé. La
raison : ce dernier vend la baguette de pain à 8.00 FCfa et le kilogramme de viande à 3.000
F. D’après les mêmes fournisseurs qui veulent absolument rester dans
l’anonymat, il y avait des offres de 250 F la baguette de pain et 2.500 F le
kilo de viande ; 300 F la baguette, 2.500 F le kilo de viande, etc.
Ceux-là, à les entendre, pouvaient fournir annuellement environ 20.000
baguettes de pain. Tandis que celui qui facture le pain à 800 F l’unité ne peut
en livrer qu’autour de 4.500 dans l’année. Pour eux, l’appel d’offres a été
biaisé, parce que le choix de ce fournisseur n’est pas logique. Pour comprendre
les tenants et les aboutissants de cette affaire, nous nous sommes rendus à la
direction des affaires financières du ministère de la Justice, sise à Angré. Et
ce qui ressort de notre investigation, c’est que le fournisseur choisi propose
effectivement la baguette de pain à 800 F. Mais aussi curieux que cela puisse
paraître, il reste celui-là même qui répondait le plus aux critères, parmi les
16 fournisseurs qui ont envoyé leurs dossiers. Selon une source au sein de ce
département qui nous a reçus, les plaignants sont complètement dans l’erreur. Parce que quiconque connaît le
fonctionnement des marchés publics, sait que la désignation de l’heureux
bénéficiaire de cet appel d’offres a tenu compte d’un seuil des offres
financières appelé SF2. Ce calcul détermine d’abord la moyenne des offres
financières appelée ‘‘Q’’. Ensuite, M2, qui est la moyenne pondérée calculée à
partir de l’estimation administrative (prix unitaire). Enfin, on calcule le
seuil des offres financières anormalement bases appelé SF2 (80%xM2). Bref, il
faut simplement retenir que l’offre cumulée de chaque fournisseur (viande plus
pain) doit être le plus proche possible de SF2. Et dans le cadre de cet appel
d’offres, SF2 était égal à 3.721 FCfa. Pour remporter le marché, il fallait
avoir un prix cumulé supérieur ou égal à ce chiffre, selon les termes de la
commission. Or, il s’avère que le fournisseur qui proposait le pain à 800 F et
la viande à 3.000 F avait une offre cumulée de 3800 F. C’était, d’après notre
source, l’offre qui était la plus proche de SF2, c'est-à-dire, 3.721 F.
« Ce n’est pas parce qu’on a proposé le pain moins cher et la viande moins
chère qu’on est plus apte à remporter l’appel d’offres. Il y a une donnée dont
il faut tenir compte, c’est la fluctuation des prix sur le marché. Si vous
proposez un prix bas et que le coût des denrées augmente après, vous serez dans
l’incapacité d’approvisionner», explique notre interlocuteur. Pour lui, c’est à cause de ce fait qu’on
détermine un chiffre qui est le seuil des offres financières anormalement
basses (SF2). C’est un mode de calcul approuvé par l’Autorité nationale de régulation
des marchés publics (Anrmp), rappelle-t-il. Les plaignants, au dire de notre
hôte du jour, auraient dû venir se renseigner à la source plutôt que de se
plaindre. Quant au prix du pain à 800 F, cela fait partie des aléas des
critères de l’appel d’offres établis par l’Anrmp, se désole le cadre du
ministère de la Justice. Avant de conclure : « Nous n’avons fait que
respecter la procédure ». Ceux qui en pâtissent, ce sont évidemment les
prisonniers, parce que le budget alloué à l’achat du pain, lui, est une
constante ‘‘C’’ : Il ne change pas.
Ce qui veut dire qu’il y aura moins de pain au petit déjeuner !
Raphaël Tanoh
Leg :#maca#, #prisonnier#, #pain#
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