GREVE DES FONCTIONNAIRES: CE QUI NE VA PAS DANS LE DIALOGUE SOCIAL
Grèves et menaces de grève des fonctionnaires
Dialogue social : ce qui ne va
pas
Depuis plusieurs mois, le front social
est agité. Les discussions entre l’Etat et les travailleurs sont difficiles et les menaces
fusent de part et d’autres. Qu’est-ce qui explique cela ? Les acteurs
expliquent.
C’est
un ouf de soulagement. Les enseignants des 14 syndicats du primaire public ont
repris la craie. L’Intersyndicale refuse toutefois de lever son mot d’ordre de
grève. C’était le souhait du gouvernement mais selon Zunon Achille, le
secrétaire général des syndicats autonomes de l’enseignement primaire public
(Saeppci) ils ont préféré « suspendre »…pour mieux la reconduire en
cas de désaccord avec les autorités lors des négociations. Les parents d’élèves pour qui cette rentrée
2016-2017 a très mal débuté, s’inquiètent. Ils le savent : Même si l’Etat parvient
à rassurer définitivement ses interlocuteurs, l’école ne sera pas pour autant
sauvée. Parce que ces mêmes enseignants font partie de la Plateforme nationale des organisations
professionnelles du secteur public de Côte d’Ivoire, dirigée par Gnagna Zady
Théodore. Et M. Zady vient justement de
donner un ultimatum. Si en janvier, leurs revendications ne sont pas
satisfaites, c’est le débrayage total. L’administration publique va en pâtir !
Il y a deux semaines, Gnagna Zady Théodore et
ses camarades avaient démontré leur force
de frappe en bloquant pendant trois jours, hôpitaux, universités publiques
ainsi que de nombreux services de l’Etat. Or, cette fois-ci, la Plateforme ne
sera pas seule dans l’arène en cas d’insatisfaction. La Confédération des syndicats
des fonctionnaires de Côte d'Ivoire (Cosyfoci) a lui aussi prévenu le
gouvernement : En janvier, la
Cosyfoci veut voir ses demandes être honorées, faute de quoi ils vont déterrer
la hache de guerre, qui n’est jamais enfouie profondément d’ailleurs. Dans une
interview qu’il nous a accordée en fin de semaine, Tapé Djédjé Apollinaire, son
leader, a demandé que la Plateforme et le Cosyfoci coordonnent leurs efforts en
janvier pour faire très mal aux structures de l’Etat. Avant cette échéance, il faut espérer que la
Coordination nationale des enseignants et chercheurs du supérieur (Cnec) ne se
manifestent pas au campus, histoire d’annoncer les couleurs. C’est peut dire :
le front social est mouvementé. Depuis
deux mois, il ne se passe quasiment pas de jour sans réunion de crise. On
chuchote ici, on braille là-bas. Quand ce ne sont pas les syndicats, c’est du
coté du ministère de l’Education nationale ou de celui de la Fonction publique
et de la modernisation de l’administration qu’on s’active. Quelquefois, le
département de l’Enseignement supérieur doit se réunir dare-dare. Pourtant, le Comité chargé du dialogue social créé au sein du
ministère de la Fonction publique et de la modernisation de l’administration,
ne chôme pas. Mis en place pour veiller, anticiper, faire les médiations
nécessaires afin de prévenir « et de régler « tous les types de
conflits survenant au sein des institutions de la République », cet outil compte
assurer la consolidation de la paix sociale dans le secteur public. Mais là
tâche ne semble pas du tout aisée. Pour Mamadou Diomandé, le secrétaire général
de la Plateforme, l’outil n’existe que de nom. « Nous n’avons jamais été
reçus dans le cadre de ce comité-là. Les seules fois où le gouvernement nous a
rencontrés, c’était le ministre de la Fonction publique et son cabinet »,
regrette le syndicaliste. Dr Kouassi Johnson, secrétaire général de la Cnec,
section Cocody déplore, lui, l’ambiance qui règne dans le cadre des échanges.
Pension de retraite, le point
d’achoppement
« Nous
avons déjà tout entendu. Et nous ne voulons plus aller à des rencontres
budgétivores. Le ministre nous a parlé d’un forum pour régler les problèmes,
nous disons non», explique l’enseignant de l’université Félix Houphouet-Boigny.
Un proche du ministre de la Fonction publique Pascal Abinan Kouakou
corrige : « Le ministre est tout à fait ouvert. Il reçoit sans
rendez-vous. Et le Comité fonctionne». Notre source reconnaît que tous les 19
membres qui composent ce Comité ne sont
pas toujours présents, mais cela n’a jamais empêché les rencontres. « Le
problème, c’est que les syndicats préfèrent souvent contourner le comité de
dialogue social pour rencontrer directement le ministre et cela se fait. Ce
dernier les a toujours reçus, soit à sa propre demande soit à leur
demande », ajoute notre interlocuteur.
Alors, pourquoi ce bras de fer permanent des syndicats à l’égard du
gouvernement qui va jusqu’à laisser croire à certains hauts cadres de la
Fonction publique que tout ceci n’est que de la manipulation politique ?
Le président de la République a été lui-même obligé d’intervenir pour demander
que les grévistes cessent d’agir en toute illégalité. Pourtant, le ministère de
la Fonction publique a fait des efforts. Pascal Abinan Kouakou s’est engagé récemment
à résoudre la question des journaliers à la Fonction publique. Pareil pour le
retour du recrutement des instituteurs adjoints. D’après
plusieurs sources au sein des syndicats, le point d’achoppement, c’est la
question des pensions de retraite. Sur les cours le mercredi, les enseignants
sont prêts à expérimenter l’arrêté de la ministre Kandia Camara. Et même s’ils
insistent sur les stocks des arriérés de salaire des enseignants depuis 2009,
cette revendication ne parait pas réaliste.
Ces stocks qui s’élèvent à 243 milliards FCfa, ont été soit « gelés »
pour le gouvernement soit « écartés » selon Pascal Abinan. La somme
est trop élevée et elle ne concerne qu’un corps. C’est la réforme de la pension
de retraite qui a donné du poids à la dernière grève des fonctionnaires et
qui pourrait à nouveau les mobiliser en janvier si rien n’est fait. Or, le
ministre reste ferme sur sa position. Interrogé sur les antennes
d’Onucifm la semaine dernière, M. Abinan Kouakou a loué au contraire le bienfait
de cette mesure. Une position qui ne plaît pas du tout aux syndicats. Ils n’ont
pas l’intention de lui laisser le dernier mot. « Nous disons qu’au sujet
de la pension de retraite, si le gouvernement ne peut pas améliorer notre
situation, qu’on revienne à l’ancien système, un point c’est tout. Pas question
d’accepter cette réforme ! », tranche Dr Johnson. La réforme sur la
retraite, c’est l’élément fédérateur. Les fonctionnaires estiment qu’ils
cotisent plus avec à la fin de maigres pensions de retraite. Mais cette réforme
a permis de sauver la Caisse générale de retraite des agents de l’Etat (Cgrae),
la structure même qui paye les pensions. Et pour Abinan, il est inenvisageable
qu’elle soit retirée. Vous avez dit
dialogue social ?
Raphaël
Tanoh
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Leg :
Le gouvernement pourra-t-il éviter la grève de janvier ?
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