Gobelet, Clotcha, Banco… #ZONES A RISQUES# CES PLAIES DE LA CAPITALE!!!
Zones à risques, ces plaies de la
capitale
Depuis
le déguerpissement de Washington, le célèbre
bidonville de Cocody, on s’interroge sur le sort des quartiers précaires
d’Abidjan, véritable frein dans la politique d’assainissement de l’Etat.
Faut-il les brûler, les soutenir ou les
ignorer ? Reportage.
Dans les annales
des quartiers précaires d’Abidjan, Gobelet n’est plus à présenter. La plupart
des Ivoiriens savent que c’est un lacis de masures étalés le long du talweg qui
part des Deux Plateaux jusqu’ à la Riviera-Attogban. Peu sont ceux qui ignorent son haleine d’égout, ses pans de terre qui
s’affaissent chaque saison sur les maisons de fortune. Hélas, derrière ce
sombre tableau se cache un spectacle encore plus frissonnant et souvent occulté
par l’actualité. L’hygiène. Peu
d’habitants s’en occupent. Ce lundi par exemple, Konfé Mohamed, président des
jeunes de « Bougouny », l’un des sous-quartiers, pense plutôt au déguerpissement entrepris par
le ministère de la Construction, du logement et de l’urbanisme. Après la
démolition de Washington (à Adjamé), il doit faire le point des réunions
auxquelles il a assisté à la mairie de Cocody. Objectif, rassurer la population
que Gobelet n’est pas pour le moment concerné par le déguerpissement. (Ndrl,
une information qui a été confirmée par une proche du ministre de la
Construction). D’ailleurs, confesse-t-il, ce quartier n’a jamais été visé.
Pourquoi ? Konfé n’en a pas la réponse. Pourtant, ce ne sont pas les
raisons qui manquent pour raser ce bled. Une grosse flaque d’eau verdâtre à
l’odeur tenace coupe Gobelet en deux. De
chaque côté de l’étang, des commerçants exposent nourritures et produits non
couverts sur des étals. Des enfants pieds nus s’amusent à côté. Leurs parents
font la cuisine ou devisent devant. Pour passer d’un quartier à un autre, il
faut marcher sur des morceaux de planche mis en travers de l’eau puante. Et si
vous avez le malheur de glisser, bonjour les dégâts. Les chemins sont serrés,
parcourus d’eau usée provenant des douches et WC. Il faut se faufiler entre les
murs des maisons pour passer. Lorsqu’on croise quelqu’un venant à l’opposé,
l’un doit s’arrêter pour laisser l’autre passer. Les maisons sont enfoncées
dans des creux, rendant les toitures si basses qu’on peut s’appuyer dessus. La
moindre parcelle de terre est soit occupée par un trou soit par une flaque
d’eau glauque ou par une bicoque. Etouffant, convulsive, Gobelet craque peu à
peu sous son propre poids. Difficile de tourner le visage sans tomber sur une vision
sidérante. Des maisons inclinées sur les
flancs du talweg, des chemins improvisés à même les pentes abrupts et qu’il
vaut mieux aborder sans glisser. Sinon c’est une dégringolade mortelle qui s’ensuivra.
C’est pourtant dans ce décor tout aussi délétère qu’insalubre qu’Housseini
Moussa et son épouse ont atterri, après avoir été chassés manu-militari de Washington. « On n’avait nulle part où aller »,
se justifie Moussa qui a finalement trouvé une cabane entourée de plastique
noire comme refuge. C’est l’un de ses cousins à Gobelet qui lui a offert l’abri.
Un quartier précaire pour un autre ? Il n’est pas le seul à trouver cette
idée…salvatrice. Des résidents de Washington lui ont emboîté le pas. A l’image
de de Barack Tierno. Ce quadragénaire a débarqué ici avec ses baluchons, son
épouse, son frère, leurs deux enfants et même son chien, Gombory. Où voulait-on
qu’il aille ? s’interroge-t-il. En attendant que Gobelet soit concerné par
le déguerpissement, Tierno loue une masure de deux pièces, à 7.000 FCFA le
mois. Au Banco1 (Yopougon), on trouve à peu près le même décor. Dans ce
quartier précaire où un éboulement a fait vingt morts en 2009, les questions
d’hygiène et d’insécurité sont légion. Ako Yapo, le chef du village s’offusque
de ce que les gens continuent de venir habiter dans le quartier, cela, malgré
les risques. Certes Banco1 n’est pas encore concerné par le déguerpissement,
selon lui. Mais une telle opération y avait été menée l’année dernière sans
aller jusqu’au bout. Alors, on ignore quand les bulldozers vont revenir. A
Abobo Clotcha, classé comme zone à risque, les mêmes problèmes se posent. A
ceci près que c’est seulement pendant les pluies que le quartier montre son
vrai visage. Inondations, eaux usées. Ce sont toujours les mêmes populations qui
boivent la tasse. Mais personne ne songe à déménager. C’est cela le paradoxe
des quartiers précaires.
Raphaël Tanoh
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