INSÉCURITÉ: CES ZONES ENCORE DANGEREUSES...



A l’approche des élections municipales et régionales, la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire capte beaucoup plus l’attention. Si on note une relative accalmie ici et là, par rapport à l’année 2017, la sérénité n’est pas pour autant revenue dans le cœur des Ivoiriens.

Passants, commerçants, chauffeurs de gbaka (véhicule de transport public), clients…Ils peuvent tous en témoigner. Ce 11 septembre matin, entre le rond-point de la mairie d’Abobo et la Mosquée blanche, un groupe de voleurs d’un autre genre a poussé un peu plus loin l’audace, en écumant tout un tronçon. Des piétons jusqu’aux passagers des véhicules.  La bande a opéré juste derrière la brigade de gendarmerie, armées de gourdins, de machettes parfois même de faucilles, selon les témoins. Ces « requins » ont flairé le bon coup en frappant autour de 6h de matin. Pas assez de monde dehors et les gendarmes étaient tous dans le camp.  La rapidité du vol a laissé les victimes pantoises. Ils sont repartis les poches pleines et sans aucune égratignure. « Ils étaient au moins une quarantaine. Ils arrêtaient les gens, les dépouillaient à l’aide de leurs machettes ou gourdins et continuaient sans s’arrêter. C’était très spontané et vous n’avez même pas le temps de crier, ‘‘au voleur’’ », relate Bamba Ali qui a assisté à la scène. Les gendarmes ? « Ils n’auraient pas tiré même si l’attaque avait eu lieu sous leurs yeux. Parce qu’ils n’en ont pas le droit. J’ai assisté plusieurs fois à des cas similaires. C’est plus tard que nous avons compris que ni les gendarmes, ni les policiers ne peuvent intervenir dans ce genre de situation. Ils n’ont pas l’ordre de tirer. Et dans ces conditions ils ne peuvent pas aller risquer leurs vies face à des gens armées de machettes », ajoute M. Bamba. Mais cette attaque était la première du genre depuis plusieurs mois, dans la commune. A Abobo, il est loin ce temps où il fallait avoir des yeux derrière la tête quand vous marchiez dans les rues. « Depuis le début de l’année, les attaques de ‘’microbes’’ (ndlr, enfant en conflit avec la loi) ont baissé. Avant, vous pouviez être agressé à n’importe quelle heure de la journée, surtout ici à la garde d’Abobo », explique Sidibé Moussa chauffeur de gbaka, qui fait la ligne Abobo-Adjamé-Liberté. Lui qui était là en ce jour funeste de décembre 2016 quand, à quelques jours du Maoulid, des fripouilles armées jusqu’aux dents ont terrorisé à la machette et au couteau, hommes femmes et enfants.

La nouvelle technique

Presque tout le personnel de la gare a été dépouillé ce jour-là. Des gaillards comme Sidibé ont même pris leurs jambes à leur cou devant la bande de gamins dépenaillés et éméchés qui a opéré ce midi-là. « Ces choses n’arrivent plus, Dieu merci. Mais les gens continuent d’attaquer, seulement ils le font différemment », note le chauffeur. Différemment, cela signifie qu’ils y mettent un peu plus de ...style. Du moins, selon Banhoro Ismaël Isaac, chef du groupe d’autodéfense de Dokui-extension, l’un des derniers encore en activité à Abidjan.  Mi-mars, dans un restaurant d’Abobo Plaque, à l’intérieur du sous-quartier « Saint-Goudron », le propriétaire d’un restaurant a sympathisé avec ses clients, un groupe de jeunes, à qui il a servi le déjeuner, avant de se faire braquer en douceur. « C’est à peine si les gens qui passaient devant le restaurant savaient qu’il se passait quelque chose. Pourtant, ils étaient plusieurs sur les lieux », témoigne Banhoro. Et quand ils ont eu fini, à entendre notre interlocuteur, les voleurs se sont évanouis dans la nature, à la Houdini. Au Dokui-extension également, les vols ont baissé d’un cran. Finie la période où les filles se faisaient violer dans les rues infâmes de ce bled, lorsqu’elles rentraient tard du travail. « Aujourd’hui, ce sont les petits larcins. Si vous avez un véhicule, par exemple, vous risquez de le retrouver le lendemain matin, sans le poste-radio », explique le chef de la sécurité. Mais les braquages ont cessé, d’après Banhoro Ismaël Isaac. Le premier et dernier braquage que Dokui-Extension a connu depuis bien longtemps, s’est déroulé il y a quatre mois. Une triste histoire. « C’est le neveu qui est venu pour braquer son oncle, parce qu’il avait appris que ce dernier devait recevoir 3 millions FCfa. Il est rentré dans la maison armé d’un pistolet avec une cagoule sur la tête, et a tenu en respect les gens qui se trouvaient à l’intérieur. Mais pendant qu’il s’emparait de l’argent, il a perdu de vue l’un des jeunes qui se trouvait dans la maison, qui en a profité pour s’enfuir. Alors, comprenant que le jeune en question allait aller le dénoncer dehors, le voleur a aussitôt avorté son geste et a essayé de se sauver. Nous avons été alertés, le quartier a été bouclé. Voyant qu’il ne pouvait plus se sauver, il s’est refugié sur la dalle d’une maison où nous l’avons attrapé. C’est là que nous avons compris que son pistolet s’était enrayé », relate M. Banhoro.

Comité d’autodéfense

Ils sont en contact avec le Centre de coordination des décisions opérationnelles (Ccdo) et le commissariat du 14ème arrondissement d’Abobo. « Une fois, il y a bien longtemps, le commissaire du 14ème arrondissement nous a dit que lorsque nous arrêtions un voleur, il fallait éviter de le frapper, parce qu’il pouvait mourir des suites de ses blessures. Alors, depuis ce temps-là, quand nous mettons la main sur un voleur, nous les appelons et ils viennent le chercher », fait remarquer le responsable de la sécurité de Dokui-Extension, qui vient de doter ses éléments de tenues, de bombes lacrymogènes de 50 ml pour se défendre, et de matraques. Si la sécurité est revenue dans la zone pour lui, c’est en partie grâce à leurs efforts. Les 5 entrées du quartier sont régulièrement surveillées de 19h à minuit. Ensuite, ses éléments dispensés dans la zone prennent le relais. « Nous avons mis en place un système de bouclage. Tu peux entrer mais tu ne peux pas ressortir », rassure-t-il. Malgré la difficulté pour les familles de payer les 1 000 FCfa exigés par mois, ils n’ont jamais baissé les bras.  À quelques encablures de là, le quartier Anador a tenté la même expérience. Mais le comité d’autodéfense mis en place pour sécuriser le quartier a fait long feu, faute de soutiens, mais surtout d’organisation. Ce phénomène qui s’était instauré un moment à Abobo, avec le quartier « Marley » pendant la crise-postélectorale, est en train de disparaître. Il s’estompe en même temps que le phénomène des enfants en conflit avec la loi, qui ne se signalent plus que dans les zones telles qu’Abobo « derrière rail », où l’insécurité a la peau dure. Selon une source policière à la préfecture de police d’Abidjan, cette situation a un rapport avec la destruction des fumoirs. « La criminalité rime avec drogue. Il est vrai que vous n’aurez jamais dans un pays zéro criminalité, mais la situation s’est nettement améliorée avec l’enchaînement des opérations de terrain, pendant la rentrée, lors des vacances scolaires, et au cours des fêtes », explique notre source. A Yopougon également, on se balade dans la rue avec beaucoup plus de sérénité. Vous n’avez plus besoin d’avoir un œil de faucon pour repérer la menace de loin. « Le problème que nous essayons de gérer aujourd’hui à Yopougon, c’est la psychose, poursuit notre source policière. Beaucoup de personnes s’attèlent à faire courir des rumeurs, des fausses informations, dans le but de créer une sorte de psychose ». Etait-ce le cas, ce vendredi 20 juillet, lorsque le bruit d’une attaque de « microbes » a été annoncé au quartier « Camp militaire » ? Pour Bity Lazard Richmond, le président du Conseil national des jeunes (CNJ) de Yopougon, ce n’est pas impossible. « Ce n’était pas une attaque de ‘‘microbes’’, mais plutôt une bagarre de syndicalistes », explique-t-il. Selon le président du CNJ de Yopougon, il faut remonter au 31 août 2017, avec l’assassinat de ce policier à « Yopougon sable » pour voir le début d’une véritable traque des délinquants dans la commune. « Nous avons assisté à plusieurs opérations policières dans la commune, à la destruction des fumoirs ainsi que des rafles. Depuis cette période, une relative sécurité règne à Yopougon. Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont les petits vols ordinaires, dans les quartiers et non les attaques de gangs que la population avait l’habitude de voir », ajoute Bity.  Dans la commune d’Attécoubé, un officier de police du commissariat du 10ème arrondissement, relativise l’actuelle accalmie qu’ils vivent.

Une trêve ?

Selon lui, les attaques sont aujourd’hui concentrées au niveau du marché d’Attécoubé, où des individus mal intentionnés se cachent, dans le noir, pour agresser. Mais à Attécoubé comme à Abobo, les populations préfèrent avoir leur destin en main, en termes de sécurité. Si on ne peut pas parler de comité d’autodéfense, ce sont plus ou moins des organisations mises en place dans les quartiers pour faire face aux vols. Toutefois, à la mairie, on est quelque peu sceptique.  « Il est difficile d’expliquer cette accalmie, parce que nous sommes sûrs qu’à l’approche des fêtes, les vols vont reprendre », souligne le résidant au maire d’Attécoubé, Salif Coulibaly. A Treichville et Marcory, on est également certain que dans le mois de décembre, les braquages à mains armées vont refaire surface. Déjà, fin août, la commune du maire François Amichia avait été le théâtre de l’une de ces attaques dignes d’un Western. Venus en 4X4, trois individus, d’après les témoins, ont braqué un commerce non loin de la mairie, et emporté avec eux plusieurs dizaines de millions FCFA. Ici, c’est le visage qu’offre la criminalité : la kalachnikov, la cagoule, le tout-terrain et les millions dans le sac. Les attaques sont toujours fulgurantes. Les braquages spectaculaires survenus en 2017, dans la commune de Marcory sont encore dans les mémoires. Mais la mairie de Treichville est très optimiste. « A part quelques désagréments, on peut dire que la sécurité est revenue », constate aujourd’hui l’adjoint au maire, Boto Jean Roger. Cependant, ici comme ailleurs, on essaye de prendre du recul face à tout cela. Parce que pour beaucoup, cette tranquillité apparente ressemble beaucoup plus à une trêve qu’à tout autre chose.   
Raphaël Tanoh

Leg : Le banditisme aurait chuté depuis quelques mois en Côte d’Ivoire, mais difficile d’interpréter cette situation. 
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