CES ETUDIANTS QUI DORMENT DANS LES AMPHIS



Depuis plusieurs années, l’université #Nangui-Abrogoua# est le théâtre d’une pratique  assez singulière. Des centaines d’étudiants ont élu domicile dans les amphithéâtres. #Reportage#.

#Université Nangui-Abrogoua#. Il n’y a pas cours ce samedi soir. L’enceinte de l’établissement supérieur public est vide. Les portes de la présidence ? Clauses. Mais un peu plus à gauche, l’amphithéâtre B présente une toute autre ambiance. A l’intérieur : une dizaine d’étudiants. Etendus sur les longs bancs rabattant, assemblés aux tables, certains dorment. Ici, il y a une jeune fille, emmitouflée dans une couverture. Là-bas, c’est un garçon qui roupille, allongé sur le dos, le jean et le tee-shirt défraichis. Au fonds de la salle, une silhouette menue enveloppée également dans un drap. Ils ne semblent pas dérangés par les bavardages des autres, qui papotent ou révisent.

 Parmi eux, N’Guessan Kouakou Georges Armand.  Cela fait maintenant trois ans que l’étudiant en L3 des Sciences et technologies des aliments (STA) crèche à l’université. Ici, ça se dit : « je suis au ‘‘kosso’’ ». ‘‘Kosso’’, étant le diminutif de Kossovo (allusion à la guerre qui y a eu lieu entre 1998 et 1999). Lorsqu’un étudiant vous dit, « je suis au Kosso », cela veut simplement dire qu’il est dans la mouise. Depuis 2015, cet amphi fait partie intégrante de la vie du jeune Armand. C’est là qu’il prendre les cours la journée, avec des centaines d’autres camarades.  C’est aussi dans cette salle qu’il reçoit ses amis, les soirs, quand les cours sont terminés et que le personnel du campus est rentré chez lui. Et c’est là qu’il dort. Un drap, un oreiller suffisent à faire oublier la rugosité du banc. Ami, elle, est en faculté de médecine Epss (tronc commun). Contrairement à Armand, c’est sur une natte qu’elle préfère se coucher. « C’est moins pénible que le banc », explique la jeune étudiante ce samedi soir. Elle vient du grand carrefour du Banco à Abobo, un emballage de nourriture en main. Le Campus étant excentrée, c’est le lieu le plus proche où ces étudiants peuvent trouver de quoi se mettre sous la dent. Mais le carrefour du Banco est à environ un kilomètre. Il faut donc emprunter un gbaka (véhicule de transport en commun). Mais parfois Ami et ses camarades doivent aller plus loin. 

A côté d’elle, Aïcha Dosso, en Epss, a aussi emmené sa natte ici. «Mes parents sont à Bouaké. Je suis avec un tuteur ici. Mais j’ai préféré venir dormir à l’université pour mieux étudier», explique-t-elle. C’est également le cas pour Alice qui vît chez un tuteur à Abidjan, mais dort au campus afin de se concentrer sur ses études. Le cas de N’Guessan Kouakou Georges Arman  n’est pas différent. « Je n’avais pas de bon résultats. Et j’ai remarqué que ceux qui dormaient au campus avaient de bonnes notes. Voilà ce qui m’a amené à quitter la maison », explique l’étudiant. L’Amphithéâtre B, n’est pas les seuls bâtiments occupé par les squatters. Les amphis A et C grouillent de locataires. Ce sont en partie des étudiants en médecine. Mais on dénombre aussi certains étudiants qui n’ont plus d’endroits où dormir et qui sont obligés de se rabattre sur les locaux du campus. Les disputent avec les tuteurs ou même le manque de tuteur, sont évoqué comme raisons. « Ce n’est pas facile, explique Ami. La nuit, nous avons peur à cause de l’insécurité. N’importe qui peut entrer et vous agresser. Surtout nous les filles. Tout peut arriver parce qu’il n’y a aucune mesure de sécurité ». C’est au vu de cette situation que la présidence de l’université a placardé plusieurs affiches devant les amphis, interdisant à quiconque de squatter les salles. Mais le message a manifestement du mal à passer. Au contraire, le nombre de squatters  grimpe au fil des années. Même les salles de travaux dirigés (TD) sont occupées. Les responsables ont donc verrouillé les salles. Mais en vain. Les serrures sont crochetées. Alors, ils ont fini par jeter l’éponge. Aujourd’hui, le hall qui mène aux toilettes est bondées de bagages. Des nattes, des valises, des sacs à main, des cartons contenant de livres, etc.  « Nous n’avons pas le choix. Nous avons demandé des chambres en résidences universitaires, mais il n’y en a pas assez », se lamente Alice. Ces étudiants combattent les moustiques, les courbatures et la faim, pour assurer à la fin de l’année académique, un bon résultat. Ce soir Alice s’apprête déjà à étendre sa natte et s’allonger. Ami et Aïcha, elles, doivent partager le modeste plat acheté au Banco. Quant à Armand, il doit bosser. C’est ça, le « Kosso ».
NB: Ce reportage a été réalisé en septembre 2017. 
Raphaël Tanoh


Leg : Ici les bagages entassés dans le hall des toilettes. 
#Tags: #Enseignants#, #université#, #CNEC#, #revendications#, #grèves#, #gouvernances#, #heures complémentaires#, #syndicats#, #étudiants#, #amphithéâtre#, # résidence universitaire# 

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