HADJ 2020: LE SPECTRE D'UNE ANNULATION HANTE LES ORGANISATEURS


Fin janvier, lorsque le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation procédait au lancement du Hadj 2020, Touré était loin de se douter que  4 mois plus tard, il serait réduit à espérer un concours de circonstances pour fouler la Terre Sainte. « On nous a demandé de rester à l’écoute. Si la situation sanitaire s’améliore, je pense que nous allons entamer le voyage, mais cela ne dépend que de Dieu », explique ce transporteur dans la soixantaine qui veut accomplir le 5ème pilier de l’islam, le énième dans sa grande famille, pieuse dans l’âme.  Comme lui, près de 7000 personnes inscrites dans le contingent étatique pour le Hadj 2020, attendent d’être situés sur un probable départ pour l’Arabie Saoudite. L’imam Bacounadi Ouattara a une poignée de proches parmi ces probables El Hadj et Adja. « Certains sont ici, d’autres sont à Bouaké. Ils ont tous fini leurs inscriptions et attendent », explique l’imam de la mosquée de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). L’angoisse d’une annulation ? Pour Touré, le contexte sanitaire fait qu’une telle situation ne serait pour personne une tragédie. « Dans ce cas, la Côte d’Ivoire ne serait pas le seul pays à annuler le hadj, si jamais cela devait arriver. Et tout le monde comprendrait la situation. Ce serait dommage mais on comprendrait », note ce volontaire au 5ème pilier de l’islam. Même raisonnement pour l’imam Ouattara. « Tout cela est une question de foi. Ceux qui ne réussiront pas à partir cette année, ne doivent pas prendre la situation comme prétexte pour annuler leur hadj, sauf en cas de décès. Et si vous décédez dans ces conditions alors que vous vous êtes déjà inscrit pour le pèlerinage, Dieu vous enverra au paradis », indique l’imam de la Maca.
Tout le monde ne peut pas en dire autant. Au niveau des organisateurs privés, le tableau n’est pas aussi stoïque. En témoigne l’imam Mamadou Dosso, organisateur privé du Hadj depuis de nombreuses années. « L’Etat a bouclé son quota, mais au niveau des organisateurs privés, nous en sommes encore aux inscriptions. Or, avec la situation, les gens se montrent réticents. Cette période est censée être le moment où nous formons les fidèles pour le hadj mais personne ne vient », explique l’imam. Dans les mosquées, le message a été passé aux intéressés. En vain. « Nous croyons que les gens ne veulent pas s’afficher de peur que le Hadj soit annulé et qu’ils deviennent la risée de leurs proches. Alors, vu la situation sanitaire, ils préfèrent rester discrets. Voir quelqu’un à une formation pour le hadj signifie automatiquement  qu’il veut aller à La Mecque», explique l’imam Dosso.  Du point de vu des organisateurs, 22 agences privées de voyage agréées cette année pour 3000 places, une annulation causerait d’énormes préjudices. « Rien que les frais liés à la communication, sont importants. Pour les organisateurs privés il faut attirer la clientèle. De notre point de vu, une annulation du pèlerinage porterait un grand coup à notre activité », fait savoir  Mamadou Dosso. Pour autant, les signaux sont-ils en faveur d’une annulation de ce pèlerinage 2020 au goût particulier ? « Personne ne peut le dire avec exactitude. Mais, nous savons que l’Arabie Saoudite reste plutôt réservée sur la question. Les mesures sanitaires en Terre Sainte sont très rigoureuses. Et, ici l’ambassade ne peut pas communiquer sur la question, car c’est le ministère des Affaires étrangères qui décide en fin de compte. De notre point de vu, il faut tout envisager », indique Mamadou Dosso. Touré, lui, relativise : «  l’annulation du hadj peut arriver, quand on voit ce que ce virus fait. Mais même le prophète a eu à annuler son pèlerinage, lorsqu’à l’entrée de La Mecque, les mécréants se sont opposés à lui ».

Certains ne sont pas de cet avis. C’est notamment le cas pour l’imam Youssouf Konaté, impliqué dans l’organisation du hadj. La tendance est plutôt à un maintient du pèlerinage, à l’entendre. « L’Arabie Saoudite est en train de procéder à son déconfinement. Les vols à l’intérieur du royaume ont repris, le couvre-feu a été allégé. Nous sommes encore à deux mois du pèlerinage. La tendance est plutôt du côté d’un retour à la normale », explique-t-il. Et l’imam de poursuivre : « pour des raisons économiques, tout le monde y gagnerait à ce que le hadj ait lieu. Le royaume a déjà annulé le petit pèlerinage, ce qui constitue un manque à gagner. En plus, le prix du baril du pétrole n’est  pas encourageant. Le tourisme constituant l’un des principaux revenus de l’Arabie Saoudite, nous pensons qu’elle œuvrera pour que le hadj ait lieu. Déjà, des dispositifs de dépistage sont en train d’être installés à l’entrée de certaines grandes mosquées du Royaume. Les autorités saoudiennes pourraient demander aux pèlerins de se faire dépister dans leurs pays avant de venir accomplir le 5ème pilier de l’islam ».
Au commissariat du Hadj, on est plutôt circonspect sur le sujet. « Tout est en stand-by pour l’instant », indique un proche collaborateur du commissaire du Hadj. Les réservations ? Suspendues ! La formation des pèlerins ? Différées ! « Normalement, à partir de début juin, les candidats au pèlerinage ont une idée de leur vol. À partir du 8 juillet, c’est le début des départs pour la Terre sainte. Mais nous sommes suspendus à la décision finale de l’Arabie Saoudite.  Jusqu’à mi-juin, nous aurons besoin d’une réponse claire. Au-delà de cette date, on tendra vers l’annulation pure et simple du pèlerinage », indique-t-il. Si cela arrive, ce que beaucoup redoutent, les personnes inscrites pourraient être remboursées si elles le demandent. « Il n’y a pas d’inquiétude à avoir à ce niveau. S’il faut rembourser les pèlerins, l’Etat le fera. Cela a déjà été fait en 2006 » 
Raphaël Tanoh
Leg : Les organisateurs du hadj 2020 sont suspendus à la décision de l’Arabie Saoudite. .

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