Kramo Lanciné Fadiga, réalisateur, Etalon d’or: «Le Cinéma ivoirien? Il n’y a plus de rigueur »

Premier Ivoirien à remporter l’Etalon D’or lors du Festival panafricain du cinéma à Ouagadougou (Fespaco), Kramo Lanciné Fadika nous livre dans cet entretien sa vision du cinéma en Côte d’Ivoire.

Vous faites partie des meilleurs réalisateurs Ivoiriens, selon vous, qu’est-ce qui a valu votre succès ?

Cela n’engage que ceux qui le disent. Mais, le cinéma ne devrait pas être perçu en termes de meilleurs ou de pires réalisateurs, mais plutôt en termes de quels films ont plu ou n’ont pas plu au public. Juste pour vous dire que vous pouvez réussir une œuvre et rater celle qui suit automatiquement ou le contraire. Il y a aussi le facteur de la formation initiale ou du renforcement de capacité. Et aucun créateur ne devrait négliger cet aspect de se remettre en cause, cherchant à aller le plus loin possible dans son travail.
  
Comment entrevoyez-vous le monde du cinéma aujourd’hui en Côte d’Ivoire et en Afrique ?

Oh je ne veux pas rentrer dans la divination, mais le cinéma se déclinant sous plusieurs aspects, ou si l’on veut plusieurs déclinations, à savoir communiquer à travers des œuvres rassemblées aujourd’hui sous le vocable audiovisuel, le cinéma devrait se porter mieux, en dépit de la fermeture des salles de cinéma. Avec l’arrivée massive des chaînes de télé et d’autres moyens d’exploitation des œuvres, telles que les VOD, Internet et autres exploitations à venir que sais-je, notre cinéma se portera certainement mieux. Le tout est qu’on puisse continuer à produire.
                      
Le cinéma ivoirien a-t-il muri ?

Le cinéma ivoirien a muri, cela est certain. Mais il a également subi les effets négatifs de l’arrivée de la vidéo et du numérique, qui en démocratisant la prise de paroles par la caméra avec des coûts de production trop bas, ont plutôt affaibli les contenus. On est aujourd’hui loin de la rigueur à laquelle nous autres étions obligés d’aller, pour pouvoir se faire produire.

Que doit-on faire pour aider le cinéma ivoirien ?

Ben il y a aujourd’hui un office consacré aux activités cinématographiques, un fonds de soutien pour accompagner financièrement les projets. Mais surtout il y a aussi un cadre normatif, une loi portant industrie cinématographique qu’a réussi à faire voter par l’Assemblée Nationale le Ministre Bandaman Maurice. Mais l’aide au cinéma devrait se faire à plusieurs niveaux. D’abord au niveau de la formation des acteurs de la filière, ensuite il faudrait une aide au développement des projets, car toux ceux qui qui ont des idées n’ont pas la capacité de les développer. Il faut par conséquent consacrer de l’argent à l’écriture ou à la réécriture des scénarios. Et faire en sorte que tous les maillons de la chaîne de fabrication du film soient pris en compte, dans une chaîne industrielle. Que des personnes ou mieux des structures soient chargés de la distribution du marketing ou de la commercialisation et qu’ils soient eux aussi soutenus financièrement pour pouvoir faire exclusivement ce travail. Ce qui donnera du temps au réalisateur de travailler sur un autre projet, au lieu qu’il soit obligé de porter lui seul  toutes les casquettes de la chaîne de la production.
    
A-t-on aujourd’hui les réalisateurs et des acteurs de niveau ici ?
Il y a effectivement des réalisateurs et des acteurs de bons niveaux ici dans notre pays. Le tout est qu’ils soient constamment en train de travailler. Je vous assure que si vous mettez des dizaines d’années avant de travailler, chaque nouveau film est comme un recommencement pour tous ceux qui travaillent sur ce film.
  
Vers quoi le cinéma doit-il se tourner pour capter l’attention ?

Ben, il ne faut surtout pas oublier que le cinéma est avant tout un spectacle qui doit captiver et intéresser. Même si vous avez des choses graves à dire ou des positions à défendre, ou une morale à faire passer, le spectateur ne vient pas pour écouter un professeur, mais partager les sentiments ou des émotions ressenties par quelqu’un d’autre que lui et communier avec lui. Et puis quand quelqu’un vous accorde 90mn (long métrage en général) ou davantage de son temps, et de l’argent pour vous écouter et souvent même dans une salle obscure, il faut qu’il sorte enrichi ou au moins amusé par ce que vous lui avez raconté.
  
Le cinéma nourrit-il son homme ?

Pour le moment non ! Mais cela n’est pas normal, puisque sous certains cieux d’autres en vivent correctement. Au Nigéria aujourd’hui, des fortunes sont bâties sur le cinéma et ses activités annexes. Même si nous n’avons pas les mêmes atouts notamment démographiques, nous pouvons installer une industrie du film chez nous. Peu importera son appellation, le plus important étant qu’on travaille et qu’on en vive et non pas en survive comme c’est le cas aujourd’hui.  

 Entretien réalisé par Raphaël Tanoh
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