Plateau
Que faut-il faire des djosseurs de namas ?
Vendredi, lors d’une cérémonie, le président de la République a demandé que les djosseurs de namas soient chassés dare-dare des communes d’Abidjan. Le Centre de commandemant des opérations de sécurité (Cecos) a donc commencé une vaste opération de déblayage, menant une véritable chasse à ces jeunes. Mais, la question que tout le monde se pose, c’est que vont-ils devenir ?
« Doucement, la tantie…doucement…redressez…Allez, venez! » D’un geste de la main, un jeune homme, la trentaine, aide une coupée grise à sortir du parking bondé de véhicules, devant le Palais de justice au Plateau. La conductrice, une dame, a du mal à manœuvrer face aux voitures qui entrent dans le parking, sortent, ou passent sur la voie qui longe le temple de Thémis. C’est un désordre, mais, grâce au jeune qui lui sert de retroviseur, elle s’en sort redresse la coupée. L’homme court, accroché à la portière du véhicule. « La tantie, voilà ton petit… » La dame sort une main au-dessus de la portière, tend une piècette à son bienfaiteur et continue. Celui-ci, heureux, l’empoche et court aussitôt vers un autre véhicule qui arrive pour stationner. « Le tonton…garez ici. » Il l’aide à stationner et surveille le véhicule. Adou Dominique travaille comme djosseur de nama depuis 15 ans. Il vient là tous les matins et retourne chez lui en même temps que les travailleurs du palais de justice, quand il n’y a plus de véhicule à surveiller. Une dizaine de djosseurs de namas, entre la vingtaine et la trentaine, font ce travail depuis longtemps dans cet endroit. Les parkings sont partagés. Devant le temple de Thémis, le parking est divisé en deux. Les djosseurs de namas gèrent chaque côté deux à deux. Surveiller les véhicules et les aider à sortir moyennant quelques pièces. Devant la cathédrale Saint-Paul également, le parking a été scindé en deux. Deux djosseurs de namas dans chaque coin. Ce qui fait au total 8 jeunes pour ce bloc du Plateau. Les travailleurs du palais de la justice sont majoritairement ceux qui stationnent à ces endroits. Ce sont leurs vieux-pères (aînés). Ils leur tendent de temps en temps une piècee de 100 Fcfa, 200 Fcfa, quelquefois 500 Fcfa, pour le véhicule surveillé. Mais, ces gestes sont plus le fait du climat de sympathie qui règne entre les djosseurs de namas et les travailleurs du palais de justice. Mais, les huissiers, avocats, magistrats qui les « gèrent », selon leur propres termes, n’ont pas toujours la main facile. Comme ce qui se passe en ce moment avec Diabaté Mamdou, un autre djosseur de nama qui aide un véhicule à sortir du parking. La voiture file au grand dam du garçon qui a eu juste le temps de lancer : « le vieux père, me voilà… »
Ce lundi matin, Adou Dominique, Diabaté Mamadou, Koné Mamadou, Oza Serge, et quatre de leurs camarades djosseurs de namas sont inquiets. Ce n’est pas le souci de gagner de quoi rentrer à la maison. Une rumeur, selon laquelle le Cecos est en train de déblayer les dojosseurs de namas du Plateau les étreint d’angoisse. Et ils sont à l’affut. Ils ont écouté ou lu les propros va-t-en-guerre du président de la République vendredi à leur encontre. Laurent Gbagbo les traite de jeunes qui « pullulent le Plateau » et même de braqueur. Il demande au ministre de l’Intérieur et au directeur général de la police de les déloger à tout prix des communes, parce qu’ils font peur aux travailleurs. « Nous sommes conscients que certains d’entre nous sont des voleurs. Mais, dans toutes les corporations, il y a des brébis galeuses. Si on nous chasse d’ici où iront nous ? », s’indigne Adou Dominique. C’est au Centre commercial international d’Abidjan (Ccia) et au palais de la justice, que les cas de vol sont récurrents. « Ici, quand on attrape un djosseur de nama qui vole, aussitôt on le conduit nous même à la police », ajoute Diabaté. En novembre, par exemple, un djosseurs, Marco, a volé 5 téléphones portables dans le véhicule d’un avocat qu’il était sensé surveiller avant de filer à l’anglaise. Diabaté affirme qu’ils ont mené une enquête lui et ses copains djosseurs de nama pour épingler Marco. Avant de le livrer à la police. « L’avocat en question nous a donné un billet de 10.000 Fcfa comme récompense », explique ce trentenaire qui sera bientôt père. « Ma femme est enceinte, je paye le loyer grâce à ce travaille, je ne peux pas m’amuser à venir voler », ajoute-t-il. Aussi, des pêtits escamoteurs très substiles viennent voler dans les véhicules et disparaissent. Ce sont eux qui en font les frais. Il faut ajouter à cela des propriétaires de véhicules qui se font détrousser ailleurs, sur la voie publique. Et qui accuse le djosseur de nama chargé de surveiller son véhicule comme étant l’auteur du larcin. Ils ne sont pas tous des scélérats. Par ailleurs, beaucoup d’entre eux ont réussi aujourd’hui et sont en Europe, selon Koné Mamadou. Il faut leur donner leur chance. Cissé Youssouf, qui approche la quarantaine, fait le métier depuis 1989. Il a même passé son permis grâce à cette activité et sera bientôt chauffeur de taxi. Il est djosseur de nama derrière la Police criminelle. « J’ai payé le journal du président Gbagbo quand il était député. S’il veut nous chasser, qu’il nous trouve de l’emploi», plaide-t-il. A la rue du commerce, beaucoup pense qu’il faut plutôt organiser le secteur. Donner des badges aux djosseurs de namas, créer une association afin d’épurer le secteur des brébis galeuses. Licéni Hermane, la quarantaine, fait partie de ceux-là. Il exerce cette activité depuis 19 ans. Marié et père d’une fille, il est contraint ce matin de courir à la vue d’un 4X4 du Cecos qui patrouille. Il halète, sa plaque « stop » entre les mains, arrêté en face de Versus bank où il surveille les voitures: « C’est une politique de la mairie du Plateau qui veut nous chasser et envoyer ses propres agents surveiller les parkings. » Effectivement, à la rue des banques, devant la Biao, des agents de la mairie préparent déjà la relève. Coiffés de casquette et vêtus de tee-shirt gris avec les insignes « police municipale », ils aident des véhicules à garer où à sortir. C’est le même refrain qu’utilisent les djosseurs de nama : « Allez…venez…doucement… » Et ces agents municipaux commencent à occuper les différents parkings du Plateau.
Si le président de la République, le gouvernement, la police et la mairie les dénigrent, il n’en est pas de même pour les automobilistes qui sont en contacte avec eux.
Raphaël Tanoh
Que faut-il faire des djosseurs de namas ?
Vendredi, lors d’une cérémonie, le président de la République a demandé que les djosseurs de namas soient chassés dare-dare des communes d’Abidjan. Le Centre de commandemant des opérations de sécurité (Cecos) a donc commencé une vaste opération de déblayage, menant une véritable chasse à ces jeunes. Mais, la question que tout le monde se pose, c’est que vont-ils devenir ?
« Doucement, la tantie…doucement…redressez…Allez, venez! » D’un geste de la main, un jeune homme, la trentaine, aide une coupée grise à sortir du parking bondé de véhicules, devant le Palais de justice au Plateau. La conductrice, une dame, a du mal à manœuvrer face aux voitures qui entrent dans le parking, sortent, ou passent sur la voie qui longe le temple de Thémis. C’est un désordre, mais, grâce au jeune qui lui sert de retroviseur, elle s’en sort redresse la coupée. L’homme court, accroché à la portière du véhicule. « La tantie, voilà ton petit… » La dame sort une main au-dessus de la portière, tend une piècette à son bienfaiteur et continue. Celui-ci, heureux, l’empoche et court aussitôt vers un autre véhicule qui arrive pour stationner. « Le tonton…garez ici. » Il l’aide à stationner et surveille le véhicule. Adou Dominique travaille comme djosseur de nama depuis 15 ans. Il vient là tous les matins et retourne chez lui en même temps que les travailleurs du palais de justice, quand il n’y a plus de véhicule à surveiller. Une dizaine de djosseurs de namas, entre la vingtaine et la trentaine, font ce travail depuis longtemps dans cet endroit. Les parkings sont partagés. Devant le temple de Thémis, le parking est divisé en deux. Les djosseurs de namas gèrent chaque côté deux à deux. Surveiller les véhicules et les aider à sortir moyennant quelques pièces. Devant la cathédrale Saint-Paul également, le parking a été scindé en deux. Deux djosseurs de namas dans chaque coin. Ce qui fait au total 8 jeunes pour ce bloc du Plateau. Les travailleurs du palais de la justice sont majoritairement ceux qui stationnent à ces endroits. Ce sont leurs vieux-pères (aînés). Ils leur tendent de temps en temps une piècee de 100 Fcfa, 200 Fcfa, quelquefois 500 Fcfa, pour le véhicule surveillé. Mais, ces gestes sont plus le fait du climat de sympathie qui règne entre les djosseurs de namas et les travailleurs du palais de justice. Mais, les huissiers, avocats, magistrats qui les « gèrent », selon leur propres termes, n’ont pas toujours la main facile. Comme ce qui se passe en ce moment avec Diabaté Mamdou, un autre djosseur de nama qui aide un véhicule à sortir du parking. La voiture file au grand dam du garçon qui a eu juste le temps de lancer : « le vieux père, me voilà… »
Ce lundi matin, Adou Dominique, Diabaté Mamadou, Koné Mamadou, Oza Serge, et quatre de leurs camarades djosseurs de namas sont inquiets. Ce n’est pas le souci de gagner de quoi rentrer à la maison. Une rumeur, selon laquelle le Cecos est en train de déblayer les dojosseurs de namas du Plateau les étreint d’angoisse. Et ils sont à l’affut. Ils ont écouté ou lu les propros va-t-en-guerre du président de la République vendredi à leur encontre. Laurent Gbagbo les traite de jeunes qui « pullulent le Plateau » et même de braqueur. Il demande au ministre de l’Intérieur et au directeur général de la police de les déloger à tout prix des communes, parce qu’ils font peur aux travailleurs. « Nous sommes conscients que certains d’entre nous sont des voleurs. Mais, dans toutes les corporations, il y a des brébis galeuses. Si on nous chasse d’ici où iront nous ? », s’indigne Adou Dominique. C’est au Centre commercial international d’Abidjan (Ccia) et au palais de la justice, que les cas de vol sont récurrents. « Ici, quand on attrape un djosseur de nama qui vole, aussitôt on le conduit nous même à la police », ajoute Diabaté. En novembre, par exemple, un djosseurs, Marco, a volé 5 téléphones portables dans le véhicule d’un avocat qu’il était sensé surveiller avant de filer à l’anglaise. Diabaté affirme qu’ils ont mené une enquête lui et ses copains djosseurs de nama pour épingler Marco. Avant de le livrer à la police. « L’avocat en question nous a donné un billet de 10.000 Fcfa comme récompense », explique ce trentenaire qui sera bientôt père. « Ma femme est enceinte, je paye le loyer grâce à ce travaille, je ne peux pas m’amuser à venir voler », ajoute-t-il. Aussi, des pêtits escamoteurs très substiles viennent voler dans les véhicules et disparaissent. Ce sont eux qui en font les frais. Il faut ajouter à cela des propriétaires de véhicules qui se font détrousser ailleurs, sur la voie publique. Et qui accuse le djosseur de nama chargé de surveiller son véhicule comme étant l’auteur du larcin. Ils ne sont pas tous des scélérats. Par ailleurs, beaucoup d’entre eux ont réussi aujourd’hui et sont en Europe, selon Koné Mamadou. Il faut leur donner leur chance. Cissé Youssouf, qui approche la quarantaine, fait le métier depuis 1989. Il a même passé son permis grâce à cette activité et sera bientôt chauffeur de taxi. Il est djosseur de nama derrière la Police criminelle. « J’ai payé le journal du président Gbagbo quand il était député. S’il veut nous chasser, qu’il nous trouve de l’emploi», plaide-t-il. A la rue du commerce, beaucoup pense qu’il faut plutôt organiser le secteur. Donner des badges aux djosseurs de namas, créer une association afin d’épurer le secteur des brébis galeuses. Licéni Hermane, la quarantaine, fait partie de ceux-là. Il exerce cette activité depuis 19 ans. Marié et père d’une fille, il est contraint ce matin de courir à la vue d’un 4X4 du Cecos qui patrouille. Il halète, sa plaque « stop » entre les mains, arrêté en face de Versus bank où il surveille les voitures: « C’est une politique de la mairie du Plateau qui veut nous chasser et envoyer ses propres agents surveiller les parkings. » Effectivement, à la rue des banques, devant la Biao, des agents de la mairie préparent déjà la relève. Coiffés de casquette et vêtus de tee-shirt gris avec les insignes « police municipale », ils aident des véhicules à garer où à sortir. C’est le même refrain qu’utilisent les djosseurs de nama : « Allez…venez…doucement… » Et ces agents municipaux commencent à occuper les différents parkings du Plateau.
Si le président de la République, le gouvernement, la police et la mairie les dénigrent, il n’en est pas de même pour les automobilistes qui sont en contacte avec eux.
Raphaël Tanoh
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