Côte d’Ivoire : l’importance des langues étrangères
(Sujet réalisé
en 2019)
Aujourd’hui, en plus du
français, plusieurs langues étrangères sont enseignées dans le système éducatif
ivoirien. L’anglais, l’allemand, l’espagnole, etc. Leur utilité et leur impact
sur notre société est parfois mis en question. Toutefois, avec la
mondialisation, ces langues n’ont jamais été scrutées aussi près.
« On a eu le nez creux
en Côte d’Ivoire en introduisant les langues étrangères dans notre système
d’apprentissage. Ce n’est qu’aujourd’hui que nous voyons l’utilité de ces
langues, cela, grâce à la mondialisation qui s’est accentuée ces dernières décennies »,
explique Gnagna Zadi Théodore, professeurs de Lettres et aussi le président de
la Centrale Plateforme nationale des organisations professionnelles publiques. La
Côte d’Ivoire est un pays multiethnique, dit-il. L’’introduction du français en
tant que langue nationale, à entendre Gnagna Zadi, ne peut être que saluée.
« Aujourd’hui, doit-on considérer le français comme une langue
étrangère ? Non, parce qu’il est devenu notre langue nationale. C’est
grâce au français que nous avons une ouverture sur le reste du monde, parce que
c’est une langue conventionnelle», ajoute-t-il.
Il ne croit pas si bien
dire, selon Dr YEO Kanabein
Oumar, enseignant de langage à l’université de Cocody, également secrétaire
général du Collectif des Enseignants-Chercheurs et Chercheurs (Codec). « Les langues
étrangères permettent de nous ouvrir sur l’étranger, d’échanger nos cultures,
parce que nos langue maternelles sont limitées », note-t-il. Pour le
secrétaire général de la Codec, le monde d’aujourd’hui implique une ouverture
et se renfermer sur soi ne peut être que préjudiciable pour une société. Or,
dit-il, la meilleure manière de cultiver l’ouverture, c’est l’échange de
culture, à travers la langue. « Partout, dans tous les domaines, nous
avons besoin des langues. Pour expliquer quelque chose, il faut le langage»,
fait-il savoir.
L’ouverture
et la mondialisation, sont-elles les uniques raisons d’apprendre les langues
étrangères ? « Ce sont aussi des sources de débouchées. Nous sommes
un pays francophone. Parler français n’est de ce fait pas une prouesse, mais
une évidence. Ce que nous cherchons à avoir, cependant, c’est une plus-value,
c’est-à-dire, parler une autre langue », explique Allah Saint-Clair, alias
Makélélé. Qui ajoute : « Dans mon cas, par exemple, je cherche à
parler le mandarin, parce que j’en ai besoin pour mes futurs projets ». En
termes de débouchées, selon le secrétaire général de la Fesci, parler une
langue étrangère permet d’étoffer son CV. « En Côte d’Ivoire, l’anglais
est pour cela devenu la langue que tout le monde veut parler, après le
français. C’est une langue commerciale. Et le commerce est ce qui régit le
monde. Pour quelqu’un qui veut avoir du travail, c’est intéressant de parler
anglais », poursuit Makelele.
Kotchy Aimé, professeur d’allemand au lycée moderne d’Abobo note
qu’aucune nation ne peut prospérer sans les autres. « Nous aurons toujours
besoins des autres. Et enseigner les langues étrangères est utile dans ce sens.
Parler une langue étrangère permet d’établir la confiance, de faciliter la
coopération avec les autres pays. C’est un créneau à prendre. Etre enseignant
d’anglais ou d’allemand sera toujours recherché en Côte d’Ivoire. Ce sont des
postes qui sont demandés dans les universités et les lycées », mentionne
M. Kotchy.
Cependant,
l’impact des langues étrangères n’est pas toujours aussi perceptibles.
« Avant, les pays dont on apprend les langues sur le sol ivoirien, nous
appuyaient dans ce sens, avec des bourses, des voyages, etc. Mais, aujourd’hui,
tout cela a cessé. À cause de ça, l’apprentissage des langues étrangères a reculé
en Côte d’Ivoire. Il n’y a que l’anglais qui prend de la place. Toute les
autres langue vivantes 2 tendent à être reléguées à un troisième plan »,
regrette Gnagna Zadi Théodore.
Ce n’est pas tout. Pour Ako Nomel, ex-secrétaire
général de la Coalition des syndicats des enseignants du secteur
éducation/formation (Cosefci), des langues comme le latin et le grec ont
presque disparu en Côte d’Ivoire. « Ces langues n’ont plus leur utilité.
Aujourd’hui, lorsqu’on apprend une langue étrangère, le but est qu’elle
puissent nous servir. À quoi peut servir d’apprendre le latin, le grec,
l’allemand, l’espagnole, pour un ivoirien ? Le colonisateurs a tenu à ce
que nous apprenions sa langue lorsqu’il est arrivé en Afrique. Mais, nous ne
sommes plus colonisés et ce que nous constatons, c’est que les Ivoiriens
veulent apprendre leurs langues maternelle », développe Ako Nomel. Est-ce
vrai le cas ?
Selon
un proche collaborateur de la ministre de l’Education nationale et de
l’Alphabétisation, des projets pilotes sont en cours en Côte d’Ivoire, pour
l’introduction des langues maternelles dans le système éducatif ivoirien.
« Ce que nous avons remarqué c’est que les Ivoiriens parlent de moins en
moins leurs langues. Or, la Côte d’Ivoire est un pays riche en ethnies. Est-ce
qu’on aimerait voir un jour notre culture disparaître ? Non »,
explique notre source. L’une des causes de ce phénomène, selon lui, reste le
français qui prend de plus en plus de place, mais aussi l’anglais. « Quoi
qu’on disent, aujourd’hui, la configuration du monde fait que l’anglais est
destinée à prendre plus de place en Côte d’Ivoire », s’étend notre
informateur. Au point où son introduction au primaire est même fortement
envisagé. La solution, pour lui, c’est d’accepter ce fait, mais aussi
d’introduire nos langues dans le système pour ne pas qu’elles prennent un coup.
« Nous
avons besoins des langues étrangères pour aller de l’avant. Mais, nous pensons
que seul l’anglais est nécessaire. Donnons lui de l’importance. Mais, à la
place des autres langues, je propose qu’on y mettent certaines langues
maternelles, comme le baoulé, le malinké», propose Claude Aka, président de
l’Organisation des parents d’élèves et d’étudiant de Côte d’Ivoire (Opeeci).
Pour
les acteurs, il ressort donc que les langues étrangères restent utiles et ont
un impact positif pour la Côte d’Ivoire. Cependant, elle pourrait contribuer à
éclipser notre culture.
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