Emplois: Le difficile chantier
Quel est l’effectif réel des chômeurs aujourd’hui
en Côte d’Ivoire ? Combien d’Ivoiriens sont-ils en situation d’emploi et
combien peut-on considérer comme des sous-employés ? Autant
d’interrogations qui turlupinent, en l’absence de données récentes émanant de
l’Institut national de la statistiques (INS).
En 2020, la Banque mondiale estimait le taux de chômage dans le pays à 3,4%. Meilleur
que celui de la France qui se situait à la même époque à 8%. Mais un taux qualifié
de taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT). En effet,
selon la définition du chômeur établie par cette structure, même le gérant de
cabine en Côte d’Ivoire est considéré comme un travailleur. Ce que les
Ivoiriens refusent de concevoir.
Pour mieux comprendre
cette situation, en 2014, le gouvernement avait estimé le taux de chômage à
9,4%. Avant de préciser qu’en tenant compte des sous-emplois, très souvent
rémunérés en-dessous du Salaire minimum
interprofessionnel garanti (Smig), ce taux montait à 25%. Cette
même année, Dosso Moussa, alors ministre de l'Emploi, avait chiffré à 6
millions, « le nombre de personnes en situation de sous-emploi ou de non-emploi
». Depuis, le taux de chômage n’a plus été donné en tenant compte des fameux sous-emplois.
Le seuil de pauvreté
7 ans après, beaucoup d’observateurs fixent le nombre de
sous-employés en Côte d’Ivoire, à environ 4 millions. L’INS n’a pas encore
communiqué de chiffres. Toutefois, les données de la Banque mondiale situent
plus ou moins sur la question. En 2020, l’institution de Bretton Woods fixait à
45%, le taux de la population qui vit sous le seuil de pauvreté, dans le pays.
Contraste : la Côte d’Ivoire affiche l’un des meilleurs
taux de chômage au monde, pourtant, la question de l’emploi a toujours figuré
parmi les priorités de l’Etat.
Depuis son élection à la tête de l’Etat, Alassane Ouattara a
placé ce volet au cœur de sa politique. Le seul regret des autorités aujourd’hui,
est que les plans d’insertion des jeunes aient buté sur plusieurs problèmes. Outre
la fonction publique, les autres leviers ne sont pas aux mains de l’Etat. Or, les
clignotants sont déjà au rouge, au niveau de la masse salariale ivoirienne.
Elle représente aujourd’hui, 42% des recettes fiscales. Alors qu’elle devait
tourner autour des 35%, selon les recommandations de l’Union économique et
monétaire ouest africaine (Uemoa). Ce mardi, lors de la cérémonie de rentrée
académique à l’université de Cocody, le ministre de l’Enseignement supérieur et
de la recherche scientifique, a informé que l’Etat œuvrait pour ramener la
masse salariale à environ 38% des recettes fiscales. Pour y parvenir, il faudra
nécessairement réduire les recrutements.
Secteur privé
Quid du secteur privé ? À la traine. Malgré les accords
et les nombreuses rencontres avec les entreprises, le taux d’absorption des
chômeurs reste très décevant. Le climat des affaires, l’imposition ivoirienne
sont toujours pointés du doigt.
Si le secteur public n’est plus le réservoir qu’il était et
que le privé continue de pratiquer la prudence, reste l’entreprenariat. Voilà
pourquoi de nombreux projets ont été initiés dans ce sens ces dernières années.
Ont-ils assez d’impact sur le quotidien des Ivoiriens? Les
chiffres du ministère de la Promotion de la jeunesse, de l'insertion professionnelle et
du service civique parlent d’eux-mêmes.
Le levier sur lequel le ministre Mamadou a beaucoup agi, est
celui de l’entrepreneuriat, qui comprendre le projet Agir pour les jeunes
(AGR), les projets structurants, les micros et petites entreprises (MPE).Après
avoir touché près de 2000 jeunes à sa première édition, l’entreprenariat a
concerné pour 2019, 34 399 jeunes. À côté, les travaux à haute intensité de
main d’œuvre (Thimo), ont permis d’aider 6 550 jeunes à avoir des emplois plus
ou moins temporaires.
En 2020, l’agence-emploi jeunes, le programme social du
gouvernement et Le bureau de coordination du programme emploi (BCP-E), ont
soutenu plus de 5 000 jeunes, pour un objectif initial de 165 000 personnes.
Il faut dire que la pandémie à coronavirus a contrecarré les plans des
autorités.
Les programmes d’autonomisation mis en œuvre en faveur
des jeunes dans le cadre du Programme social du gouvernement ont permis à ce
jour à 194 878 jeunes d’être pris en charge par les différents programmes. Même
si ces prises en charges ne sont pas toujours des emplois.
8 millions d’emplois
C’est conscient de ces faiblesses que l’Etat a décidé de
revoir sa copie. En avril dernier, lors du séminaire du gouvernement, le
Premier ministre a décidé d’impliquer le secteurs privé dans les travaux.
« Notre ambition est de permettre à la Côte d’Ivoire
d’intégrer la classe des pays à revenus intermédiaires d’ici à 2030. Cela exige
de maintenir durablement un taux de croissance économique élevé et de créer
plus de huit millions de nouveaux emplois sur la décennie qui vient, pour
insérer durablement l’incroyable croissance de notre population active », a
expliqué Patrick Achi.
Inclus dans le programme « Côte d’Ivoire solidaire »,
le plan du gouvernement pour offrir plus d’emplois consistants aux jeunes est
basé en grande partie sur la bonne santé du secteur privé. Plus il y aura
d’investissements, plus les jeunes auront du boulots. Ainsi, pour le Premier ministre, la question
de l’emploi doit être dorénavant «un
combat politique quotidien, une cause nationale permanente», pour les membres
du gouvernement. Reste à voir comment
cela va se concrétiser sur le terrain.
Raphaël
Tanoh
Leg : Les Ivoiriens attendent des
emplois consistants
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