Orientation des bacheliers : l'arbre qui cache la forêt
L’orientation
des bacheliers est devenue de plus en plus préoccupant en Côte d’Ivoire.
Tout comme les frais annexes ont défrayés l’actualité à chaque rentrée
scolaire ou académique, les résultats de l’orientation des nouveaux bacheliers
sont devenus un sujet embarrassant.
Cette année, les critiques sont allés beaucoup plus loin. Les élèves, les
étudiants, les parents d’élèves et même les enseignants ont dénoncé un ‘‘mauvais
système’’. Cerise le gâteau : Le Syndicat
national des inspecteurs d'orientation de Côte d'Ivoire (Synioci) est monté au
créneau, le 29 septembre dernier, pour protester
contre les procédures d’orientation.
Commission
Début octobre, au cours
d’une invitation sur le plateau de la Radio télévision ivoirienne (RTI), le
ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, aborde le
sujet. « Nous avons une commission d’harmonisation et d’orientation des
bacheliers au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche
scientifique qui est institué par arrêté ministériel. Elle comprend le directeur de cabinet
(président de la commission), le directeur de l’orientation et des bourses, le
directeur de l’Enseignement supérieur, le directeur des systèmes d’information
(DSI), les présidents des universités publiques et le directeur général
(université virtuelle) (...) Il faut remplir les critères d’âge, de note.
Ensuite, on les classe par ordre de mérite en fonction de leur moyenne au Bac
(...) En clair, il faut que le bachelier demande l’université où il compte
aller, il faut satisfaire aux critères d’âge, au niveau des notes pour les
matières spécifiques relatives à la filière et être parmi les premiers »,
explique alors Dr Adama Diawara. Ici, il est question de choix, de critères,
d’âge.
Mais la question des
orientations est également revenue sur la table du dernier conseil des
ministres. Le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, a justifié la
situation par « la forte demande et de la capacité d'accueil limitée de nos universités
publiques ». Le pays a compté près de 87 000 bacheliers cette année.
49 712, soit 71,70% des bacheliers
préinscrits, ont été orientés dans les établissements privés
d'enseignement supérieur, contre 59 863 en 2020. Soit une régression de 16,96%.19
620, soit 28,30%, ont été orientés dans les universités publiques, contre 17
646 en 2020, soit une hausse de 11,19%, grâce a l’ouverture de l’université de
San Pedro.
200 000 candidats
Mais, cette année, le pays a enregistré
une régression historique dans le taux d’admission du baccalauréat (29%).
L’année dernière, ce taux était de 40,08%. Soit 124 000 admis. En
envisageant, ne serait-ce que les 50% de taux d’admis, on est dans les
200 000 candidats à orienter.
Au-delà donc des critères d’orientation et
du débat sur les personnes associées ou pas au processus, c’est la faible capacité
des infrastructures qui interpelle. Tout comme au secondaire, chaque année,
c’est le secteur privé qui absorbe la grande partie des élèves venant de la
terminale. Ce sont 152 universités privées et 517 grandes écoles privés du pays, contre
seulement 7 université publiques. Il n’y a pas photo.
Malgré l’ouverture de trois universités
supplémentaires au cours de ces dernières années, le retard reste important. Outre
l’université de Cocody, environ 60 000 étudiants, les autres
établissements offrent une capacité relativement faible. Adjamé et Bouaké:
environ 10 000 étudiants chacune; Daloa : autour de 5000 ;
Korhogo : près de 2000 ; Man : 3 000. Avec l’ouverture de
l’université de San Pedro, près d’un millier de places supplémentaires ont été
disponibles.
Sauf à filtrer rigoureusement
le nombre de bacheliers chaque année pour ménager la faible capacité des
infrastructures, il faudra nécessairement plus d’universités publiques. Sinon,
ce sont les écoles boutiques qui occuperont le vide laissé. À long terme,
certes, l’université de San Pedro pourra accueillir 20 000 étudiants. Celle
de Bondoukou a également été conçue dans ce sens. Mais le gaps à combler
grandit chaque année. Alors, l’Etat a le choix. Garder le contrôle sur la
qualité de la formation de ses jeunes bacheliers en leur offrant beaucoup plus
de places dans les universités publiques (Dans ce cas, investir beaucoup plus
dans le secteur). S’en remettre au secteur privé pour former ses cadres de
demain et jouer le gendarme...Ou faire les deux.
Raphaël Tanoh
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