Adamo : dessinateur sans bras ni jambe

 

Pour ceux qui ont l’habitude d’aller à l’hypermarché Sococé, un spectacle bien insolite s’offre à eux à l’entrée : Adamo, prix d’excellence 2016. Portait d’un handicapé qui veut repousser les limites.


 


Hypermarché Sococé des Deux-Plateaux. Une moitié d’homme scotchée à l’entrée principale observe les passants. Deux personnes sur trois seront tout de suite tentées de lui jeter des piécettes. Mais la troisième ferait attention aux étranges dessins fait sur des papiers cansons qu’il semble surveiller. Un vendeur ? Mieux encore : un dessinateur qui cherche à écouler ses propres œuvres. Les images, vivifiantes, représentent des fleurs, des arbres…la verdure. Et l’auteur n’est personne d’autre que ce handicapé lui-même, amputé des deux membres, qui donne l’impression d’être là pour mendier. Depuis environ 5 ans, Adama Traoré squatte l’entrée principale de Sococé pour vendre ses dessins dont les prix varient entre 5.000 et 50.000 Fcfa, selon le format. Pour ceux qui doutent qu’il soit l’auteur de ces magnifiques dessins, place à la démonstration. Le stylo coincé entre le menton et le bout du bras, l’artiste se met à la besogne. Le stylo suit les mouvements étonnamment précis qu’il exécute à l’aide des muscles du cou, le coin de l’œil figé sur le papier canson. Et, peu à peu, apparaît un bien curieux paysage de fleurs. Les formes, les contours et les proportions sont d’une telle régularité qu’ils donnent le sentiment d’avoir été exécutés par un homme normal. Les couleurs feront le reste. Pour cela, notre attraction du jour à encore un tour dans sa manche : les gouaches. Avec des mélanges harmonieux et des dosages méticuleux dont lui seul a le secret, notre artiste donne à son œuvre une âme. « Je dessine sur du papier canson et au stylo. J’utilise la gouache pour faire les couleurs. Je fais moi-même les mélanges. Et c’est là toute ma force». Son style ? Ressortir la beauté de la nature à travers son coup de pinceau et un savant mélange de gouache. C’est en la nature qu’il tire son inspiration. En une journée, Adamo peut peindre un à deux paquets de papier canson. Mais d’où vient cet audacieux handicapé de 35 ans ?  Treichville. Adamo affirme avoir vécu dans cette commune avec ses parents jusqu’à l’âge de 9 ans. Né avec une malformation au niveau des membres, il ne marche pas et sera amputé. Adamo ne verra jamais la couleur d’une salle de classe. C’est le centre pour enfants handicapés, « la Providence » à Abobo Bc qui l’accueille. On l’y apprend à marcher, à parler le français, à se laver lui-même et surtout à dessiner. « A part la lessive, je fais tout. Je me brosse, m’habille moi-même ».  En 2000, il quitte le centre et se retrouvera dans la rue. Avant de décider de mettre son talent en valeur. Il s’installera devant la pâtisserie « Paco Gourmand », pour vendre ses œuvres. Après un court passage dans un long métrage, « Roue libre », les choses semblent toujours compliquées pour le handicapé, qui finit par s’installer à Sococé. « Mon souhait aujourd’hui, c’est sortir mes œuvres de la rue. Si je suis bien installé, c’est là que je montrerais ma vraie valeur », soutient-il. Disposer de son propre atelier, selon Adamo, pourrait l’amener à aller plus loin, à repousser les limites. En attendant, il vit à Adjamé-Macaci avec son frère où il loue une maison à 20.000 Fcfa/mois. Pour le handicapé, la vie n’est pas toujours reluisante. Les moyens font cruellement défaut et les choses tels que le mariage et la stabilité semblent toujours hypothéquées. Mais l’artiste croit en son étoile, un jour elle s’illuminera.


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