Marius Comoé: "NOUS AVONS UN RETARD DE PLUS DE 300 MILLIARDS..."
Dans cet entretien, Marius Comoé, Président
du Conseil national des organisations de Consommateurs de Côte d'Ivoire
(Cnoc-CI)), aborde les désagréments qui ont été liés aux coupures intempestives
d’électricité, mais aussi la hausse des prix sur le marché.
Comment
avez-vous vécu la période des coupures intempestives d’électricité?
Coupures intempestives d’électricité équivaut
à un délestage pour nous. Sous le régime du Président Laurent Gbagbo, nous avions
identifié un certain nombre de paramètres qui étaient à la base des
dysfonctionnements dans le secteur. Et nous étions déjà à 200 milliards FCFA de
retard d’investissement. Sous le régime du Président Alassane Ouattara, je dois
vous dire que ce retard est passé à plus de 300 milliards, dans le secteur de l’énergie.
Ce
sont des chiffres officiels?
Oui. Nous sommes une institution
crédible. C’est le Conseil national des
organisations de Côte d'Ivoire qui vous donne ces chiffres.
Des
chiffres corroborés par l’Etat?
Ce sont des chiffres officiels.
Pourquoi
un tel gaps ?
Parce
que, depuis le président Félix Houphouët-Boigny, il n’y a pas eu de véritable
investissement dans le secteur de l’énergie. C’est ce qui a entraîné ces
problèmes. On nous a donné comme délais les mois de juillet et août pour rétablir
la normalité dans la fourniture d’électricité. Pourquoi ? Parce que nous
vivions sur nos réserves au niveau des barrages hydroélectriques et que c’est
dans cette période qu’elle pouvaient atteindre leur pleine capacité. Aujourd’hui,
il faut songer à diversifier nos techniques de production d’électricité. On ne
devrait plus penser à produire le courant seulement avec les barrages
hydroélectriques.
Que
préconisez-vous ?
Investir dans l’énergie solaire, le gaz,
les éoliennes et même le nucléaire.
L’Etat
y a déjà songé…
L’Etat parle en parabole. L’Etat parle
de manière imagée. Nous disons clairement les choses.
La
population a ressenti les conséquences de ces coupures intempestives. Avez-vous
fait un point au niveau des prix des produits sur le
marché?
La veille est régulièrement faite par
les organisations des consommateurs. Si les consommateurs ne se plaignent pas,
c’est que le marché roule régulièrement. Cependant, il faut savoir que des hausses
de prix ont été faites de façon malhonnête par des opérateurs véreux. On ne
peut pas justifier une hausse par des
coupures d’électricité. Parce que tout le monde a été touché.
Comment
avez-vous jugé le cas des cimentiers ?
Il ne fallait pas les accompagner dans
cette idée, en procédant à un réajustement des prix. C’est une manière de leur
dire que vous avez eu raison, quelque part.
Maîtrise-t-on
réellement le mécanisme de la hausse des prix ?
L’Etat est le régulateur dans le
secteur. Il a le pouvoir d’obliger un opérateur économique à réguler ses prix.
Pourquoi
a-t-on l’impression que les gens augmentent d’abord les prix avant d’en
informer les autorités ou la population ?
En réalité, toute augmentation du prix d’un
produit subit au préalable des discussions avec l’autorité. Heureusement, en
Côte d’Ivoire, le ministre du Commerce est en même temps le ministre de l’Industrie.
Ce qui devait faciliter les choses. Mais ce n’est pas toujours ce que nous
voyons. Un cimentier, fabriquant, ne doit pas dépasser normalement une marge
bénéficière de 3% sur sa production. Ce sont des normes internationales. Le grossiste ne doit pas dépasser une marge
financière de 6%. Le détaillant ne doit pas dépasser une marge bénéficière de
12%, au final.
Ce
n’est pas respecter ?
Non. Cela s’est vu sur le cas du ciment.
Comment
avez-vous géré la hausse du kilogramme de la viande ? Nous ne reprochons
rien aux bouchers en réalité, ni aux éleveurs Maliens. C’est à nous, d’être autosuffisant
en protéine animale. Nous l’avons réussi avec la volaille, pourquoi pas avec
les bovins ? Au Burkina et au Mali, les éleveurs sont confrontés à la
sécheresse. Nous, ici, avons plus de ressources pour nous auto suffire en bœuf.
C’est pareil pour le riz. Au temps d’Houphouët, il y avait la Sodrepra et la Soderiz.
Nous étions autosuffisant en riz et en bœuf.
La
population augmenté…
Alors, il faut penser à augmenter la politique de production.
En
tant qu’organisations des consommateurs, arrivez-vous à influencer le marché ?
Nous ne sommes pas des structures qui
ont un parti pris. Nous dénonçons les dysfonctionnements. Aujourd’hui, en bas
de votre petit écran, il y a une note signalétique pour éviter que les enfants
suivent des programmes indécents à la télé. La loi sur la consommation, c’est
nous. Les amendes de l’Oser passées de 10 000 FCFA à 2000 FCFA pour une contravention
de 3ème classe, c’est aussi grâce à nous.
Et
concernant de la cherté de la vie ?
En 2008, les émeutes sur la vie chère, c’était
nous. Nous avons fait fermer des stations d’essence, pour la hausse du prix du carburant.
Nous avons toujours fait notre travail.
En
même temps, les prix ont commencé à flamber sur le marché, en Côte d’Ivoire…
C’est aussi le constat que nous avons
fait. Le Conseil national de la
consommation doit faire des propositions au gouvernement, en tenant compte des
demandes des consommateurs. Pareil pour la Commission nationale de la
concurrence qui existe depuis 2013. Que fait-elle ? Rien. Il y a un même
le Conseil national de lutte contre la vie chère. Si ces structures n’arrivent
pas à jouer pleinement leur rôle, les populations vont toujours subir la loi du
marché. C’est comme ça.
Interview réalisée par Raphaël Tanoh
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