"S'IL Y A ENCORE DES MORTS, NOUS ALLONS DEMANDER LA DÉMISSION DU MINISTRE"







Dans cet entretien, le président de la fédération des ONG de développement en Côte d’Ivoire (Fedoci) et aussi, de l’Union africaine des ONG de développement (Uaod),  Satigui Koné, revient sur la gestion de la crise sanitaire.

Aujourd’hui, avec le contexte actuel de coronavirus, les ONG sont-elles leur mot à dire ?
La société civile est avant tout une émanation de la population. Les Organisations de la société civile ont mené des actions dans le cadre global de la riposte qui a été conduite par les Etats avec plus ou moins de succès. Nous pensons que la société civile doit désormais prendre davantage d’initiatives dans la lutte contre la pandémie qui continue de gagner du terrain dans la plupart des pays africains alors qu’avec la timide reprise des activités économiques, les dirigeants seront beaucoup plus préoccupés par la rechercher de solutions en vue d’endiguer la récession mondiale qui se fait menaçante.

En tant que président de la FEDOCI, comment jugez-vous la gestion de la Covid-19 en Côte d’Ivoire ? 
Globalement, il y a eu des efforts qu’il faut saluer. Au début, des ratés comme ceux de l’échec de la mise en quarantaine des voyageurs et la confusion qui avait été créée entre les vrais acteurs de la société civile et les clubs de soutiens politiques. Mais, je crois que tout cela était dû au fait que la maladie était méconnue. Jusque-là, il persiste des balbutiements. Les ONG et associations ont opté pour le sursaut national et nous avons tenu plusieurs rencontres pour inviter les acteurs de la société civile au calme. Tous les Ivoiriens ont constaté la présence de véritables essaims « d’organisations de la société civile » lourdement financés sur le terrain mais qui étaient inconnus jusque-là ! Certaines populations continuent de rester sceptiques au sujet de l’existence de la Covid-19 parce qu’elles ont été, pour la plupart,beaucoup plus coptées pour soutenir politiquement un donateur plutôt qu’informées réellement sur la pandémie ! Nous saluons la multiplication des centres de prise en charge. Mais, notre pays aurait atteint de meilleurs résultats s’il existait un partenariat fort entre l’Etat et les acteurs de la société civile.

Etes-vous inclus dans la lutte contre la pandémie, dans le plan d’urgence du gouvernement ?
Nous n’avons pas été associés au plan d’urgence, ça c’est un fait. Mais, nous avons soutenu les populations avec nos moyens et ceux que nous avons obtenus avec nos partenaires. Je connais particulièrement l’attachement singulier du président Alassane Ouattara à la question de la société civile. Et cela augmente mon étonnement face à la propension de certains de ses collaborateurs à donner à la société civile un rôle de faire-valoir ! Toute la Côte d’Ivoire connait la Fedoci, la Cnosci, la Csci, etc. Quand il y a des travaux réels, tout le monde connaît la société civile réelle. Mais, quand il s’agit de gérer de l’argent ou de bénéficier de l’appui de l’Etat, on entend certaines gens dire : « On cherche la société civile ! ». Le mandat du président Alassane Ouattara ne devraitpas prendre fin sans que le rôle et la place de la société civile ivoirienne ne soit réexaminé. Ce serait un point noir !

De manière indépendante, les ONGont-elles mené des actions en faveur de la population dans ce contexte sanitaire difficile ?
Nous avons travaillé d’arrache-pied pour accompagner les populations. La question de l’octroi des 25 mille du gouvernement, l’appui au secteur informel etc. ont été traités de façon à mettre la plupart des populations en colère. Nous espérons vérifier que les chiffres transmis quotidiennement sur les téléphones portables sont effectifs ! les centaines de milliers de familles qui sont censées avoir reçu l’aide se vérifient comment ? Nous avons mal de voir que le Président de laRépublique annonce des grandes choses et que les Ivoiriens restent constamment frustrés ! C’est presque devenu la routine. Ceux qui disent aimer Alassane Ouattara lui doivent un peu plus de loyauté et de la redevabilité vis-à-vis des citoyens. Je propose que la Présidence de la République ait un regard singulier sur l’attribution des appuis au secteur informel notamment !

Menez-vous des actions pour leur venir en aide aux populations démunies ?
Il est clair que les fermetures de frontières ont rendu les relations difficiles. Mais, cette semaine, nous préparons une vidéoconférence pour permettre aux partenariats entre la société civile des pays d’Afrique de reprendre son droit. Certains chefs d’Etats africains sont réellement au fait du rôle de la société civile. Nous allons coordonner les activités dans chaque pays pour que le continent sorte plus fort de cette crise. Les grands bonds sociologiques interviennent généralement au sortir des crises et nous espérons que l’Afrique prendra toute sa place dans le concert des Nations d’après COVID 19 !

Y a-t-il une réelle coordination aujourd’hui entre les ONG en Côte d’Ivoire ?
Les ONG et associations en Côte d’Ivoire se battent pour survivre. Chaque pays a la société civile qu’il souhaite. Tous les grands projets d’infrastructure ont au minimum un pan de sensibilisation des populations et un budget réservé à la société civile. Où va ce budget ? L’article 26 de la nouvelle Constitution ivoirienne a expliqué ce que doit être la société civile en Côte d’Ivoire. Le président de la République avait demandé un appui de plus 1,6 milliard de FCFA dans le PND 2016-2020 pour restructurer la société civile. Que s’est-il passé ? Le jour où les autorités décideront de donner à notre pays une société civile de qualité, il ne sera plus question de créer des ONG par les ministres ou les grandes personnalités et de sucer toute l’aide prévue pour les organisations de la société civile. La FEDOCI enregistre 886 ONG et associations comportant plus de 1.071.000 de nos compatriotes. Mais, ils se plaignent des injustices que leur font les ONG des ministres et des personnalités sur le terrain. Nous calmons beaucoup plus les colères qu’autres choses. Les financements de la société civile sont presque inexistants dans un pays avec près de deux chiffres de taux de croissance. C’est invraisemblable ! Nous en avons souvent honte devant nos homologues du Burkina Faso ou du Sénégal dont les dirigeants savent que la société civile peut être source d’emplois et de développement national.

La plupart des ONG arrivent-elles à intervenir sur le terrain sans soutien extérieur ?
Plus de 90% des financements de la société civile viennent de l’extérieur. Ce qui fait que certaines ONG sont « obligées » de répéter ce que l’on leur demande de dire sur leur propre pays ! C’est la triste réalité. Certains dirigeants souhaitent certainement voir la société civile disparaître. Mais, vu que cela est hors de question, ne serait-il pas plus profitable de trouver une formule intermédiaire ?


La saison des pluies a fait des victimes. En général les gens habitent dans les quartiers précaires par pauvreté. Quel est votre regard sur cette situation ?
L’argument de la pauvreté est souvent évoqué. Mais, il faut davantage de rigueur de la part du Gouvernement Ivoirien sur la question. Personne ne peut imposer un plan directeur de la ville aux autorités. Les morts chaque année commencent à devenir insupportables. Le Président a créé un ministère de la Ville. A la prochaine situation de ce genre, nous demanderons à la société civile de descendre dans la rue pour exiger la démission de ce ministre si tant est qu’aucune réponse n’existe à la question.

Interview réalisée par Raphaël Tanoh
Leg : Satigui Koné demande plus de pouvoir pour les ONG.

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