"LA HAUSSE DES CONTAMINATIONS EST DUE AU LAXISME DE L'ETAT" : Marius Comoé, président du Conseil national des organisations de consommateurs (CNOC)
Le
Conseil national des organisations de consommateurs est par essence, l’instance
chargée de la gestion et de la régulation de l’activité de consommateur de Cote
d’Ivoire. Dans cet entretien, son président revient sur la crise sanitaire.
La
reprise des activités à été ordonnée en Côte d’Ivoire, dès début juin.
Aujourd’hui, direz-vous que cette décision a été précipitée ?
J’estime que nous sommes un pays pauvre
et très endetté. Nous avons nos réalités. En tant que tel, il n’était pas
judicieux de programmer notre retour à la normal en se basant à peu près sur ce
que font les Européens. En décidant de
déconfiner les Ivoiriens très tôt, nous avons mis la charrue avant les bœufs.
Aujourd’hui, nous le voyons tous, c’est une véritable dérive. De chiffres en
nette régression, nous sommes passés à des chiffres en pleine croissance. En
vérité, les chiffres font peur.
Croyez-vous
que l’ouverture des écoles aurait pu attendre un peu ?
Ça été une grosse erreur de recouvrir
les écoles. Rien que le déplacement de nos élèves, à l’intérieur du pays, constitue
un gros risque. Nous n’avions pas de cas dans les villes de l’intérieur,
c’était l’une de nos satisfactions. Aujourd’hui, on dénombre de nombreuses
personnes infectées dans de nombreuses communes. En plus des écoles, nous
pensons que l’ouverture des maquis n’était pas une bonne idée. Ce sont des
endroits où on retrouve beaucoup de personnes à proximité, qui se laissent
aller.
La
gestion sanitaire de la crise vous satisfait-elle ?
Le ministère de la Santé et de l’hygiène
publique, il faut le reconnaître, fait un énorme boulot. La prise en charge des
personnes malades, est bien faite.
Beaucoup
pointent du doigt la distribution des masques…
La Pharmacie de la santé publique a reçu
les masques comme convenu. Elle les a ensuite distribués. Les masques ont été
acheminés vers qui de droit selon la répartition du ministère de la Santé et de
l’hygiène publique. Mais les gens qui
les ont reçus n’ont pas joué leurs rôles. Les plus nécessiteux n’ont pas reçu
de masques.
La
forte croissance des cas est imputée à ‘incivisme. Est-ce votre avis ?
En partie, oui. En Europe, les
populations sont plus inciviques, mais l’ordre et la loi règne. Pourquoi ?
C’est parce que l’Etat se donne les moyens de faire appliquer les mesures qu’il
prend. Il faut un Etat fort avec des
institutions fortes pour faire appliquer les mesures dans un pays. En Côte
d’Ivoire, je pense que nous manquons un peu de rigueur dans la mise en
application des mesures. Dans les maquis, on ne respecte pas les règles de
distanciation et que fait-on ? Rien. Dans les véhicules de transport en
commun, on ne porte pas de masque de protection et que fait-on ? Rien.
Etes-vous
en train de taxer l’Etat de laxisme ?
C’est une évidence. En tout cas, pour ce
qui est de faire appliquer les mesures, il y a du chemin à faire. C’est la
principale raison de la hausse des cas d’infection. Il y a certes l’incivisme,
mais il y a surtout le laxisme de l’Etat.
Comment
voulez-vous que l’Etat procède alors ?
Concernant les amendes, par exemple,
nous estimons qu’elles ne sont pas assez dissuasives. Pour nous qui sommes au
contact des populations, les amendes ne font peur à personne. Si vous savez
qu’en cas de faute, vous allez y laisser des plumes, vous faites attention.
Mais si vous savez qu’en cas de faute, vous pouvez vous en tirer à bon compte,
c’est différent. Dans cet ordre d’idées, les forces de l’ordre doivent
apprendre à faire appliquer les mesures. Il faut arrêter le racket. La police
et la gendarmerie doivent être républicaines.
En
dépit de tout, les chiffres de guérison sont quand même satisfaisants en Côte
d’Ivoire. Et il y a très peu de cas de décès. C’est un bon point…
Les personnes qui sont malades ne sont
pas encore tirées d’affaire. Quant aux chiffres de guérison, nous disons que ce
sont des chiffres annoncés.
Doutez-vous
des chiffres annoncés par les autorités ?
Je dis simplement que cela manque de
transparence. Pourquoi, à votre avis, la population ne croit pas à la
maladie ? C’est parce qu’on ne voit rien. Les autorités de nous montrent
pas les malades, ni les conditions dans lesquelles on les prend en charge.
C’est une nouvelle maladie, il faut la montrer aux gens.
C’est
quand même sérieux…les malades ne veulent pas qu’on les filme.
Oui, mais le Premier ministre et le
ministre d’Etat on communiqué sur leur état quand ils ont été contaminés. Il
n’y a pas de drame à montrer des malades. Ça été pareil pour le Sida. Beaucoup
n’y croyaient pas jusqu’à ce qu’ils ne voient la maladie.
Le
soutien de l’Etat aux populations vous convient-il ?
Nous avons mené une enquête de terrain
afin de voir si les gens avaient de l’aide dans cette période, la cible étant
les personnes démunies. Je peux vous dire que beaucoup parmi ceux que nous
avons interrogés nous ont affirmé n’avoir pas reçu de l’aide de l’Etat. Par
contre, certaines familles qu’on disait démunies étaient bien aisées en réalité,
mais elles ont reçu un allègement dans le payement de leurs facteurs
d’électricité. Tout simplement parce qu’elles avaient des compteurs de 5 ampères.
C’est
pourtant le critère pour bénéficier d’une annulation de facture. Il faut avoir
un compteur de 5 ampères…
Le but étant d’aider les populations
démunies, ce critère a faussé la donne. Nous avons vu des familles avec plus de
5 ampères comme compteur d’électricité, mais qui n’avaient plus les moyens dans
cette période. Par contre, il y a des familles qui ont 5 ampères, mais qui sont
aisées dans cette période, mais qui ont bénéficié d’aide.
Peut-on
juger l’aide de l’Etat en faveur de la population transparente?
Qui est pauvre et qui ne l’est
pas ? L’institut national de la statistique indique que plus de 47% des ménages
en Côte d’Ivoire, vivent sous le seul de la pauvreté, pour environ 22 millions
d’habitants. Comment fait-on pour dénombrer les personnes qui doivent bénéficier
de l’aide ? Aujourd’hui, la grande majorité des gens sont pauvres, pendant
qu’une petite classe s’approprie les richesses du pays. Nous pensons que la gestion sanitaire de la
covid-19 est bonne, mais la gestion financière est un désastre.
Craignez-vous
le pire avec la hausse des cas ?
Nous sommes déjà dans une aggravation de
cas. Plus il y aura de cas, plus il y
aura une hausse de décès et plus la prise en charge sera difficile. Ajouté à
cela le relâchement de vigilance des Ivoiriens, la situation va s’aggraver. Les
foyers de contamination sont à l’intérieur du pays. Nous craignons vraiment le
pire. Nous invitons les Ivoiriens à suivre les mesures barrières. Il faut
éviter de se saluer, même avec le coude. Aux parents d’élèves, donnez les
masques à vos enfants.
Raphaël Tanoh
Leg : Marius Comoé appelle l’Etat à
augmenter les amendes pour dissuader les populations.
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