«LE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS CONTRACTUELS EST UNE BOMBE A RETARDEMENT" #Abdoulaye Goro#, enseignant,
Avec
les compositions qui ont eu lieu ce week-end, le recrutement exceptionnel des
instituteurs adjoints et enseignants des lycées et collèges, continue d’alerter
les acteurs du milieu.
Le
gouvernement vient de lancer le recrutement exceptionnel de 10300 enseignants.
Que vous inspire cette idée ?
Depuis deux ans, malheureusement, nous
avons une certaine expérience de ce que ce type de recrutement a donné. Pour
tout vous dire, ce n’est pas du tout fameux. Et nous avons de grosses
inquiétudes sur l’avenir de l’école.
Le
gouvernement inscrit cela dans le cadre de sa politique sociale. Il s’agit de donner
du travail aux jeunes. N’est-ce pas une action à saluer ?
Sur le plan social, nous avons toujours
salué cette idée. Mais c’est lorsqu’on vient sur le terrain de l’école qu’il y
a problème. Ce recrutement, il faut que le gens le comprenne, est politique.
C’est un but politique que le gouvernement poursuit en le lançant. Ce n’est pas
un but éducatif.
La
question a été suffisamment étudiée avant de lancer le recrutement. Où se situe
alors vos inquiétudes ?
Comme je l’indiquais plus haut,
l’expérience que nous vivons avec les précédents recrutements exceptionnels,
est démoralisante. Ce que nous voyons et les témoignages que nous recevons sur
le niveau de certains enseignants nous amènent à nous poser des questions sur
l’avenir de l’école en Côte d’Ivoire.
Pouvez-vous
être plus précis ?
Ce que nous appelons ici les retours de
terrains, montrent que certains instituteurs n’arrivent pas à dispenser les
cours. D’autres parviennent à le faire mais ne le font pas comme il se le doit.
Il y a même le cas d’une enseignante à l’Ouest pour qui on prépare les cours,
mais ne n’arrive pas à le dispenser. On nous signale des cas où l’enseignant à
peur lui-même d’aller écrire au tableau, parce qu’il fait énormément de fautes.
Nous connaissons les noms et les lieux, nous n’incriminerons personne sur la
place publique. Mais le problème est bien réel.
Ces
cas que vous signalez sont-ils à imputer au niveau des enseignants recrutés ?
Evidemment. Il y a ici trois éléments qui
jouent en leur défaveurs. En premier lieu, ce sont les diplômes présentés pour
passer le concours. On nous parle souvent de baccalauréat, mais nous savons
tous quel est le niveau général des bacheliers en Côte d’Ivoire. Nous savons
dans quelles conditions ils obtiennent leurs diplômes. Le niveau est très
faible. A fortiori, le Bepc. En second lieu, c’est la formation. Ces personnes
qui vont être sélectionnées, ne seront pas formés comme il se le doit. Ils
recevront une formation accélérée. Et en troisième lieu, vous avez le copinage.
Et il y en a beaucoup. Des gens qui seront sélectionnés par affinité et qui
vont venir grossir le lot des incompétents. C’est pour cela que ce recrutement ne
peut pas être une bonne chose pour l’école, avec ce que nous voyons déjà après les
précédents recrutements de ce genre.
Avec
le temps, ces personnes seront peut-être mieux formées…
Aujourd’hui,
nos structures pédagogiques n’ont plus les moyens de suivre les enseignants. Et
même si elle en avait, le faible niveau des personnes recrutées fait qu’on ne
pourra pas rattraper les erreurs commises. Le problème, c’est dès le départ
qu’il faut le résoudre, sinon, après il est trop tard.
Vous
croyez que le gouvernement n’est pas conscient de tous ces problèmes ?
Nous voyons tous la vérité. Nous
connaissons tous les problèmes de l’école. Mais on ferme les yeux. En général,
ce que les politiciens font c’est de créer des bombes à retardement que
d’autres régimes viendront gérer quand ils ne seront pas là. Il y a eu des cas
de recrutements, où les enseignants ont fui, parce que les élèves se moquaient
d’eux. On a recruté des malades qui sont devenus des handicaps. Il y a eu des
cas de surdité. Je vous dis que c’est grave.
Quelles
conséquences tout cela à sur l’école ?
La première conséquence c’est la baisse du
niveau des élèves qui est déjà assez bas. On ne fera que le tirer encore vers
le bas. Avec les effectifs pléthoriques, j’ai beaucoup de craintes pour ce qui
va venir.
Comment
doit-on expliquer alors les taux de réussite scolaire ?
La guerre des chiffres. Dans toutes les
directions, les gens ne font que cela.
On se soucie moins de la qualité, mais beaucoup plus du taux de
réussite. Les réseaux de fraudes aux examens sont toujours aussi importants
qu’au début, sinon plus.
A
vous entendre, l’école ivoirienne est perdue…
Il y a longtemps que l’école ivoirienne
est perdue. Regardez les élèves eux-mêmes : ils n’ont plus l’amour pour la
chose. Parce qu’on leur a démontré que le travail n’est pas toujours ce qui
paye. Vous n’êtes pas obligé d’être fort en classe pour avoir votre examen, ni
même de bonnes notes de classe. On leur a montré qu’on pouvait être nul et puis
avoir un concours, à condition d’avoir de l’argent. On leur a montré que le
mérite ne paye pas si on veut occuper de grands postes de responsabilité :
il suffit de lécher les bottes à quelqu’un. Ceux qui ont bossé dur sans
tricher, sans corrompre, sans lécher les bottes à quelqu’un, sont en général
installés derrière une cabine téléphonique. Alors, quelle image voulez-vous
qu’ils gardent de l’école ivoirienne, hein ?
Pour
vous, que faut-il faire pour améliorer la qualité de l’enseignement en Côte
d’Ivoire ?
D’abord, il faut qu’il y ait une réelle
prise de conscience, à tous les niveaux. C’est le premier élément important. Il
faut que la morale soit à nouveau au cœur de nos projets. C’est par ces moyens
qu’on pourra redonner confiance au système. Il faut à nouveau montrer que nos
diplômes valent quelque chose, pour cela, ce type de recrutement doit se faire
dans les règles de l’art.
Entretien réalisé par Raphaël Tanoh
Leg : Abdoulaye Goro demande que ce
genre de recrutement se fasse dans les règles.
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