SERVICE D’ÉVEIL: LA GUÉRISON DES ENFANTS PAR LE SOURIRE
NB:Ce reportage a été réalisé en 2020.
C’est
un service particulier. Emanant du ministère des Affaires sociales, le centre
d’éveil a souvent été incompris dans nos hôpitaux. Pourtant le rôle qu’il joue
auprès des enfants va au-delà de l’affectif. Immersion dans un monde de contes,
de jouets et de jeux.
Centre hospitalier
universitaire de Cocody (CHU). Dans l’une des salles d’hospitalisation de la
pédiatrie, une poignée d’enfants alités, jambe bandée, bras plâtrés, ou sous
perfusion, suit le ‘‘conteur d’histoires’’. L’homme qui se prend pour Alexis
Djisso (la star de mensonge d’un soir), est affublé d’une blouse blanche avec
le bras enfoncé dans une poupée de chiffon qu’il manipule bien, tel un
marionnettiste. Mais le plus intéressant, ce sont les trois jeunes femmes qui
chantent et dansent autour de lui, en jouant avec des calebasses à cauris. Le
conte est celui d’« Affounin, la bossue » méprisée par tout le
village à cause de son physique. Un jour, alors qu’elle est chassée de la bourgade,
Affounin fait la rencontre d’une poule magique qui lui donne la forme d’une
très belle femme. Mais Affounin se met alors à faire souffrir tous ceux qui la
courtisent. Elle n’hésite pas à écraser les personnes qui osent lui donner des
conseils. Affounin finit même par manger la poule magique lorsque celle-ci a le
culot de juger à sa conduite. Mais tandis qu’elle broie les os de la poule,
Affounin redevient subitement la femme bossue qu’elle étaient, car la magie de
la poule a cessé d’opérer. « A toyi toyi ! », lance le conteur. « Ça
ne peut pas finir ! », répondent en chœur les trois jeunes dames qui
continuent de danser autour de lui. Tout comme le faisait Alexis Djisso avec ça
célèbre réplique ‘‘matiassa’’, le conteur d’histoires reprend : « a
toyi toyi ! ». Et aux danseuses de répondre à nouveau :
« ça ne peut pas finir !».
Etrange
apparition
Les enfants qui suivent le conte les pupilles
dilatées, ne peuvent s’empêcher de rire à certaines parties, par exemple,
lorsque l’homme à la blouse blanche leur explique qu’Affounin est redevenue si
laide qu’elle bavait en marchant. D’autres, comme Mannuella (11 ans) qui a la
jambe bandée, filment avec leurs téléphones portables. Quelques parents dans la
salle, se sont joints au ‘‘conteur d’histoires’’ et dansentmême avec les
filles. L’ambiance dans la salle est
hilarante. Des malades qui chantent, leurs parents qui dansent. « Alors,
les enfants, quelle est la morale de l’histoire ?», interroge le conteur. Chacun
explique ce qu’il a retenu du conte d’« Affounin la bossue ». Située
au 8ème étage, la salle d’hospitalisation, jadis triste et
angoissante, s’est transformée en un instant en une salle de joie. Ce ne sont
pas seulement les enfants qui ont aimé cette irruption étrange dans leur
dortoir, mais aussi les parents. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils
se retrouvent devant un spectacle aussi curieux. Un conteur et des danseuses
dans une salle d’hospitalisation pour égayer les enfants, ce n’est pas
tous les jours qu’on en voit. « Je n’ai jamais vu ça. Au début, quand ils
sont entrés dans la salle, je croyais que c’était le docteur et ses assistantes
qui venaient prendre nos nouvelles. Ma fille Innocente en classe de CE1 est
hospitalisée ici depuis deux jours et doit être opérée. Quand il se sont mis à
chanter et à raconter une histoire, nous avons tous ri et les enfants aussi. Je
crois que c’est une bonne chose, ce qu’ils font », explique Nibié Sali. Le
conteur n’en est pourtant pas un. Ce n’est même pas un personnel soignant. Il
s’agit en fait de maître Assi Yapi Andoche, éducateur préscolaire. Les trois
jeunes filles avec lui, Diane, Viviane etDiabagaté sont des assistantes
sociales en stage ici au centre d’éveil du CHU de Cocody. Ce service d’éveil
qui existe depuis une vingtaine d’années au sein du centre hospitalier, est
méconnu de bon nombre d’Ivoiriens. Pourtant, il joue un rôle fondamental dans
la guérison des gosses. Maître Assi dont la formation a pris en compte la
psychologie de l’enfant, la psychologie pédagogique, sociologique, etc. a
appris à cerner les tout-petits dès le premier contact et à le rassurer. Chacun
venant d’un milieu social différent doit être approché différemment.
Rassurer
les enfants
Ce travail qu’il vient
d’effectuer ce mardi matin au 8ème étage de la pédiatrie, est répété
presque tous les jours, dans de nombreuses salles où sont hospitalisés les
enfants pour diverses raisons. En
Chirurgie pédiatrique et en pédiatrie médicale, surtout. Visites, contes, berceuses,
cadeaux, sont généralement prévus dans la matinée par le centre d’éveil qui
compote en tout cinq employés. L’activité se limite le plus souvent à la
pédiatrie. « Mais il peut y avoir un enfant qui a un problème pulmonaire au
12ème, dans ce cas nous allons le voir », spécifie maître Assi.
S’il est aussi bon et aimé des enfants, c’est parce que cela fait déjà 13 ans
qu’il traîne sa bosse ici. Lui et son équipe conçoivent des programmes pour
amuser les enfants qui viennent au CHU de Cocody. L’objectif du centre d’éveil
est de rassurer l’enfant, lui permettre de mieux accepter les soins médicaux,
de mieux guérir, d’oublier l’angoisse des hôpitaux. « Ici, nous sommes en
contact avec les enfants souffrant d’insuffisance rénale, de méningite, de
toutes sortes de maux et, qu’ils soient hospitalisés ou de passage, il faut
leur donner de l’affection, les rassurer », insiste Assi. Au-début, lorsque que le centre d’éveil a été
créé ici, le personnel soignant ne voyait pas son utilité. Ce n’est qu’au fur
et à mesure, les résultats aidant, que la structure a été acceptée et continue
de faire ses preuves. L’histoire qui a le plus marqué le CHU de Cocody reste sans
conteste celle de cette jeune enfant dans le coma, il y a quelques années de
cela. Ce jour-là, une stagiaire vient dans la salle d’hospitalisation pour
chanter une berceuse, au cours d’une évaluation. Et pendant le chant, la jeune
fille qui est dans le coma se réveille et se met à chanter la mélodie.
« C’était incroyable ! Du jamais vu », se souvient Assi Yapi Andoche. « Tous ceux qui était là
n’en croyaient pas leurs yeux. Et comme c’était un jour de supervision, Dieu a
fait que l’une des superviseuses qui était contre le service d’éveil a assisté
à la scène.La dame a aussitôt arrêté l’activité et donné 18/20 à la stagiaire
comme note et elle nous a applaudis », renchérit HoviAtté Julienne,
inspecteur en éducation spécialisée, responsable du centre d’éveil de Cocody.
Ici, plus personne n’ose mettre en doute la capacité du centre ici. Les
pédiatres eux-mêmes sont d’accord pour dire qu’il est important de rassurer
l’enfant avant et après les soins. « Cela peut l’aider à mieux accepter
les soins. Ce qui est fondamentale dans le processus de guérison. Beaucoup ont
ce problème-là. Il faut éviter de
brusquer l’enfants ou l’obliger à prendre les médicaments. Il a besoin au
contraire qu’on lui explique ce qu’on fait », indique Dr Anoman Serges,
pédiatre à Cocody. Aujourd’hui, après vingt ans d’une existence plus ou moins
méconnue, le centre d’éveil du CHU de Cocody, a besoin qu’on lui donne la
dimension qu’il mérite. Les deux salle (au 5ème et au 8 étage) qui
lui servent de locaux, sont exiguës. Or, c’est là que les enfants viennent
passer du temps, quand ils peuvent se déplacer. Les dessins, les jeux, la
télévision sont là pour cela. Mais au 8ème étage, on a besoin d’un
poste téléviseur. Les deux locaux manquent également de commodité. Il n’y a pas
de réfrigérateur pour conserver, par exemple, les jus destinés aux enfants. « Nous
avons aussi besoin de Wifi pour faire des recherches, tirer des activités
adaptées », ajoute maître Assi. Et par-dessus tout, ce service qui
travaille dans l’ombre, a besoin d’être connu de tous.
Raphaël Tanoh
Encadré
L’origine
des centres d’éveil en Côte d’Ivoire
Le centre d’éveil du
CHU de Cocody n’est pas le seul. L’idée de création des centres d’éveil est
venue de Prof. Marguerite Timité, qui était chef du service pédiatrie au CHU de
Yopougon, et aujourd’hui à la retraite. C’est au cours d’une de ses missions en
Europe que Mme Timité remarque l’existence de cette unité dans les hôpitaux et
surtout ses bienfaits. De retour chez elle, au CHU de Yopougon, elle milite
pour la création du premier centre d’éveil. Il sera suivi de la création d’un
autre centre en cardiologie à Treichville, puis en dermatologie,en pédiatrie…et
au CHU de Cocody. Mais tous partagent aujourd’hui les mêmes difficultés. Si
dans les CHU de Yopougon et de Treichville, presque chaque service est doté
d’un éducateur préscolaire, il n’en reste pas moins que les besoins sont
énormes. Les éducateurs ont par exemple besoin d’être formés, d’étendre leurs
activités, d’offrir plus de divertissement aux enfants. Et surtout, le suivi
doit continuer après que l’enfant a quitté l’hôpital. Ce qui n’est pas le cas. Pour
les autorités, il faudra surtout songer à une prime de risques pour ces braves
personnes qui sont en contacts physique avec les enfants. Car, selon les travailleurs
de ce service, ils n’ont pas de protection médicales. Le médecin, lui, se
protège quand il sait qu’un malade peut être contagieux. Mais maître Assi et
ses camarades sont, eux, exposés à tout : tuberculose, méningite, etc.
pour l’amour des enfants.
Encadré 2
300
enfants séropositifs tendent la main
Ils sont environ 300
enfants séropositifs au CHU de Cocody. Des gosses innocents dont l’avenir s’est
assombri par la faute de circonstances malheureuses. Afin de leur offrir de la
joie, Maître Assi Yapi Andoche a créé une colonie de vacance en leur nom.
L’idée étant de permettre à ces enfants souvent marginalisés, d’avoir le
sourire. Le hic, c’est que le projet rencontre des difficultés financières.
« Tout ce que nous avons demandé c’est que des partenaires ou des personnes
de bonne volonté décident de parrainer un enfant, par exemple, chaque année
afin de lui offrir la chance de s’amuser. Nous continuons à plaider auprès de
toute personne sensibles au sort de ces enfants-là. Aidez-les à retrouver le
sourire », exhorte l’initiateur du projet.
RT
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