« NOUS ENVIONS LES SEROPOSITIFS'': Moussa Bamba, président de l’Association des dialysés et insuffisants rénaux de Côte d’Ivoire (Aidir)
Le bout du tunnel est encore loin pour les malades du rein en Côte
d’Ivoire. Et Moussa Bamba l’explique ici.
Aujourd’hui, y a-t-il de l’évolution dans la situation des
dialysés de Côte d’Ivoire ?
Dans le temps nous étions
confrontés à des ruptures fréquentes de kits de dialyse. Dieu merci, ce
problème est réglé, du moins, pour l’instant. Et nous remercions l’Etat pour
les efforts faits dans ce sens. Ce que nous demandons en plus de cela, c’est
une subvention au niveau des médicaments qui accompagnent la dialyse. Ils sont
aux frais des malades. La séance de dialyse nous revient à 1750 FCFA grâce à la
subvention, mais les médicaments sont si chers que nous ne sentons pas les
bienfaits de cette subvention.
Quels sont ces médicaments en question que le dialysé doit payer ?
Les médicaments dont le
dialysé a besoin sont, le calcium, le fer, pour ne pas être anémié. Il y a
aussi les vitamines, car il faut apporter de l’énergie au corps. Sans oublier,
les médicaments de diabète pour ceux qui ont cette maladie et les médicaments
de tension destinés aux malades qui souffrent de tension. J’ai eu mon
insuffisance rénale à cause de la tension, alors je dois acheter des
médicaments contre la tension qui, à eux seuls, me reviennent à 60 000 F en
moyenne dans le mois. Donc, nous avons besoin de subvention afin de faire face
aux frais des médicaments. Il est impossible pour un malade de vivre longtemps
sans l’aide de l’Etat.
Certains médicaments sont-ils importants que d’autres ?
Non. Par exemple, il ne faut
jamais arrêter de prendre le calcium et le fer. Avec un manque de calcium, vous
vous retrouvez déformé. Beaucoup de nos frères sont aujourd’hui dans cette
situation. Par manque de calcium, certains se sont retrouvés avec les gencives
énormes, d’autres ont la tête complètement déformée. Ce n’est pas du tout beau
à voir. Les médicaments contre la
tension sont ceux qui coûtent le plus cher. Si jamais vous arrêtez d’en
prendre, c’est l’accident vasculaire cérébral (AVC) assuré.
Y a-t-il toujours autant de morts parmi les malades ?
Avec le manque de machines de dialyse et la pauvreté, nous enregistrons en
moyenne près d’une dizaine de morts dans l’année. Le plus souvent, des
accidents vasculaires cérébraux (AVC). Et cela arrive en général chez les
anciens dialysés, parce qu’ils n’arrivent plus à payer les médicaments.
La manière de contracter cette maladie varie d’un homme à un
autre…
Exact. Comme je l’ai dit
tout à l’heure, j’ai eu mon insuffisance rénale à cause de la tension. C’était
pendant la crise de 2002 et mes magasins venaient d’être tous pillés. J’ai eu
un grand choc et mon cœur a failli lâcher. Tout est parti de là. Ma tension
s’est mise à grimper. Malgré le
traitement, je n’ai pas pu empêcher les effets sur mes reins. Il y a des
malades qui ont eu leur insuffisance rénale, à cause du diabète, d’autres à
cause du VIH/Sida. Cela peut paraître assez curieux, mais un malade
d’insuffisance rénal à tendance à envier aujourd’hui un séropositif. Parce que
ce dernier n’a qu’à prendre un comprimé et vivre paisiblement, tandis que nous
devons nous battre, tous les jours pour ne pas mourir.
Certaines personne ont cependant l’insuffisance rénale mais n’ont
pas besoin de dialyse.
Il y a deux types
d’insuffisance rénale. Vous avez l’aspect aigu et l’aspect chronique. L’aspect
aigu, c’est lorsque la maladie est très vite détectée chez vous. Tout ce que vous avez à faire, c’est d’effectuer
trois à quatre dialyses, afin de remettre le rein en marche. Le reste, c’est un
simple suivi de temps en temps avec votre médecin pour vous assurer que la
maladie ne ressurgit pas. L’aspect chronique survient quand vous détectez trop
tard le mal. En ce moment, on ne peut plus sauver les deux reins. D’où
l’importance des bilans de santé. Il
faut faire un bilan rénal, contrôler l’urée et la créa. Sans un bilan, il est
impossible de savoir que vous souffrez d’insuffisance rénale, parce qu’elle a
les mêmes manifestations que le paludisme.
Vous qui êtes à la tête des insuffisants rénaux et dialysés de
Côte d’Ivoire, à quoi attribuez-vous la propagation de cette maladie ?
Il y a de nombreux facteurs.
La boisson, par exemple, la cigarette, les médicaments de rue, l’alimentation,
etc.
Croyez-vous que les choses vont s’empirer au fil des années ?
C’est un problème national
aujourd’hui. Sur la liste d’attente, il y a plus de 500 malades inscrits. Ils
n’ont pas encore de place pour se traiter. On leur dit de patienter. Et c’est
lorsqu’un dialysé meurt que l’un des malades sur la liste d’attente peut
espérer avoir droit à des séances au public. Les personnes qui ne sont pas
inscrites sont généralement plus nombreuses. Et ceux qui ont la maladie et qui
ne le savent pas encore, le sont encore plus.
Pourquoi les gens ne vont-ils pas vers le privé ?
C’est intenable en termes de
coût. Lorsque j’ai contracté ma maladie, je faisais ma dialyse dans une
clinique du Plateau. La séance était à 110 000 F. Avec les deux séances
dans la semaine que je faisais, cela me revenait à 250 000 F par semaine, en plus des frais de
déplacement. Après, il faut payer les médicaments. Les cliniques les moins chères
vous font la dialyse à 80 000 F, la séance. Pour vous symboliser la
situation, il y a une anecdote qu’on m’a racontée au début de ma maladie. Un
milliardaire ici qui avait contracté la maladie, est mort pauvre dans un bas
quartier de la ville, parce qu’il avait dépensé tout son argent dans les frais.
Que cette histoire soit vraie ou fausse, elle montre combien le traitement est
coûteux. Alors, imaginez le cas des personnes qui n’ont plus rien ? Ce
sont des condamnés à mort.
Comment vivez-vous cette situation sur le plan professionnel et
familial?
C’est une maladie qui n’est
pas transmissible, mais nous avons l’impression que les gens nous fuient. A
part l’Etat qui nous aide, dans le privé, tous les insuffisants rénaux que je
connais qui y travaillaient ont été renvoyés. L’explication, c’est qu’ils ne
sont plus valides. Parce qu’un insuffisant rénal passe au moins deux jours de
dialyse dans la semaine. Sans compter qu’il doit se reposer. Les entreprises
privées n’aiment pas ça. Sur le plan familial, beaucoup ont vu leurs femmes les
quitter, tout comme des femmes ont vu leurs maris les lâcher. Au début, la
famille essaye toujours de vous aider. Mais deux à trois mois après, les gens
vous abandonnent.
Que pensez-vous de la transplantation rénale dont la promotion a
été si bien faite en Côte d’Ivoire ?
Trop chère. La grève de rein tourne autour
de 15 millions F. Après cela, il faut un
suivi médical, qui avoisine les
300 000 F le mois. Sans oublier qu’il faut espérer trouver un
donneur. Nous n’arrivons même pas à
faire face à des médicaments de 50 000 F le mois, la greffe de rein est
pour nous une opération inaccessible.
D’après vous, les Ivoiriens sont-ils assez sensibilisés sur les
dangers de l’insuffisance rénale ?
Hélas, non. Les gens ne
savent pas ce que c’est que l’insuffisance rénale. Il n’y a pas de véritable sensibilisation.
Lorsque je discute avec des camarades, je vois très bien qu’ils ne savent pas
de quoi je parle. Ceux qui sont les mieux placés pour sensibiliser, je crois
bien que c’est nous, les malades. Nous vivons la maladie, nous savons comment
toucher les populations. Alors, c’est notre combat.
Interview réalisée en novembre 2018 par
Raphaël Tanoh
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J'aimerais avoir le contact de Mr Moussa Bamba
RépondreSupprimerJe souhaiterais avoir le numéro de Mr Moussa Bamba Président de l'association des dialysés et insuffisant rénaux de Côte d'Ivoire? Merci d'avance
RépondreSupprimervoici son numero: 07 08 80 82 04
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