"NOS UNIVERSITES SONT MAL GOUVERNEES", Prof. N’Guessan Kouamé, SG CNEC







  Le premier responsable de la Coordination nationale des enseignants et chercheurs de Côte d’Ivoire (Cnec) tape du poing sur la table, en pointant du doigt la gestion dans les universités publiques ivoiriennes.

Les universités Félix Houphouet-Boigny de Cocody, Péléforo Gbon Coulibaly de Korhogo et l’Ecole normale supérieur (ENS) sont paralysées en ce moment. Quel est le motif de ces arrêts de travail ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que ce sont des grèves au niveau local, dans chacune de ces structures. Cela veut dire que chaque établissement cité a ses problèmes spécifiques. Le seul problème commun à toutes ces structures, c’est la mauvaise gouvernance. A l’université Felix Houphouet-Boigny par exemple, les enseignants réclament le reliquat de leurs heures complémentaires et s’opposent au nouveau système mis en place pour les enseignants qui veulent accéder au Cames. Pour le premier cas, sachez que le président fait des ponctions sur les heures complémentaires des enseignants. Pour le second cas, c’est à lui que revient de valider le dossier des enseignants qui veulent postuler au Cames. Avant, c’était le Cames lui-même qui s’en occupait. Or, avec cette nouvelle formule, nous disons que les décisions deviennent subjectives. On ne peut pas confier les dossiers des enseignants à une personne, il faut que ce soit le Cames qui choisisse de valider leurs dossiers, sinon cela risque d’être un problème de personne.


À l’ENS, quel est le problème ?
Dans cette école qui est mal gouvernée aujourd’hui, il y a des problèmes d’ordre académique, financier et pédagogique. Côté pédagogie, l’encadrement des stagiaires n’est pas bien suivi.  Dans les normes, il faut faire cinq visites de terrain dans l’année afin de voir comment le travail se fait. Mais on n’en fait que deux. En plus de cela, les camarades qui vont pour évaluer les stagiaires, ne sont pas couverts par une assurance. Cette année, par exemple, il y a eu des décès. Un inspecteur du secondaire qui faisait partie du jury, a été tué par les coupeurs de route. Un camarade qui est parti à l’inspection a eu un malaise et est tombé. Un autre a été fauché par un véhicule vers Bongouanou. Ce sont eux-mêmes qui se prennent en charge en cas de problème. Concernant le volet académique, l’université de vacances est au point mort. Et il est en train de mourir. C’est une université instituée uniquement à l’ENS. Mais les enseignants ne font pas cours, parce qu’ils ne sont pas payés. Les étudiants inscrits à l’université de vacances n’ont donc pas de diplômes. Nous nous demandons où va l’argent destiné à cette université.  A cela s’ajoute le fait que les heures complémentaires de 2018 ne sont pas encore payées. En plus il y a les malversations autour des voyages à l’étranger. Quand les enseignants décident de participer aux colloques hors du pays, la direction refuse et préfère envoyer ses secrétaires à la place.

Est-il normal que les enseignants participent aux colloques ?
Oui, nous devons participer aux colloques, aux formations à l’étranger. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Depuis 2015 jusqu’à ce jour, ceux qui sont allés pour ces formations, l’ont fait avec leurs propres frais. Et ils n’ont pas encore été payés. Je suis dans ce cas. Je suis même allé à la gendarmerie pour me plaindre, et bientôt l’affaire sera devant le juge.
 
Et Korhogo ?
A Korhogo, le même problème de gouvernance se pose, mais avec acuité (lire l’article sur l’université de Korhogo, ndlr). Les enseignants demandent à ce que leurs heures complémentaires de 2016-2017 soient payées. Là aussi on assiste à des ponctions sur lesdites primes. Il y a aussi la question de la prime de recherche des nouvelles recrues qui est payée au prorata, au lieu de 500 mille FCfa pour le premier trimestre. Cela se passe dans toutes les structures universitaires. Or, la prime de recherche n’est pas à diviser. 

Quelles solutions à tous ces problèmes ?

A l’université de Korhogo, il faut payer le reliquat des heures complémentaires de 2017, celui des nouvelles recrues. Pareil à l’université de Cocody. Il faut revenir à l’ancienne formule concernant le problème des enseignants qui veulent postuler au Cames. A l’ENS, la direction générale a élaboré un règlement intérieur pour sanctionner les enseignants. Nous demandons que cela soit revu au cours d’un séminaire ; que les heures complémentaires de 2018 soient payées et que les personnes qui vont pour évaluer les enseignants sur le terrain aient une prime. Au niveau des voyages, un enseignant doit voyager une fois tous les deux ans. Et il faut mettre le montant sur sa prime, afin que cet argent ne soit plus la vache à lait de certaines personnes. Par rapport aux heures complémentaires, il faut recruter des enseignants pour pallier le manque. Il faut éviter qu’un enseignant se retrouve à empocher à lui seul 28 millions FCfa dans l’année.

Cela arrive ?
Oui, à force de cumuler les heures de cours. Au lieu de donner des heures aux enseignants du grade inférieur, certains préfèrent cumuler et ne pas partager avec les autres enseignants. Ça devient une sorte de ‘‘gombo’’(business, ndlr)  pour eux. Malheureusement, cela ne les rend pas efficace, parce qu’ils se retrouvent à entasser les étudiants dans une même salle. A côté de tous ces problèmes, il y a la préinscription en ligne qui est fixée à 10 000 FCFA. Où va cet argent ? Au temps du ministre Gnamien Konan, c’était gratuit. Et quand les étudiants finissent de payer cette somme, ils n’ont pas de carte d’étudiant.


Qu’en est-il de l’indemnité de logement des enseignants qui avait suscité une grève de 48h ?
Nous avons demandé la revalorisation de nos indemnités de logement à 300.000 FCfa, comme nos confrères de la sous-région. Le dossier est pour l’instant sur la table du ministre de l’Enseignement supérieur, qui nous a déjà reçus. Il y a des pourparlers qui sont déjà engagés et un comité pour la prime de logement a été mis en place. Le ministre doit nous recevoir après les élections.  Pour finir, nous disons à nos camarades de rester mobilisés. La Cnec   travaille en ce moment pour trouver des terrains pour ses membres. Une parcelle a été trouvée à Yopougon pour 100 enseignants. Une autre à Yamoussoukro pour 200 enseignants.

Interview réalisée en janvier 2018 par Raphaël Tanoh

Légende : Le SG de la Cnec demande des comptes aux dirigeants d’universités publiques.
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