ABIDJAN ": ON ENTERRE LES MORTS DANS L'INSECURITE"


Objet de profanation, les cimetières sont également devenus le lieu de rendez-vous de voleurs et de fumeurs de haschich. Zoom sur un phénomène exécrable.

Fin-août 2018. La police du 11ème arrondissement de Williamsville vient de mettre hors d’état de nuire, trois individus spécialisés dans les vols au sein des cimetières. Le lieu de prédilection de ces fripouilles : le cimetière municipal de Williamsville. Le modus opérandi du gang était assez basique. Ils profitaient de l’affluence provoquée par les enterrements pour se glisser, incognito, dans la cohue. Leur cible favorite, c’étaient les véhicules, ou du moins, ce qui se trouve à l’intérieur des véhicules. Après avoir désactivé le mécanisme de verrouillage, ou brisé la vitre, ils prenaient le contenu de l’automobile. Sac à main, ordinateurs, téléphones portable, etc. Et parfois, quand il n’y avait rien à se mettre sous la dent, ces voleurs d’un autre âge se contentaient d’emporter le poste radio de la voiture. Et si vous aviez un objet de valeur dans le coffre, là aussi vous pouviez lui dire adieu. Selon un officier de police du 11ème arrondissement, les plaintes à ce sujet pleuvaient sur le commissariat. Les vols étaient d’autant plus faciles pour ces détrousseurs qu’à chaque fois, c’étaient de  nouveaux pigeons non avisés à qui ils avaient affaire. Toutefois, ce qu’il faut savoir et qui fait frissonner d’ailleurs, d’après notre informateur, c’est que ces trois individus arrêtés n’expliquent pas à eux seuls ces cas de vols signalés.

Vols et agressions

Et au cimetière de Williamsville, s’il n’y avait que ce type de délits, les gens seraient moins inquiets. Malheureusement, une autre forme d’agression a cours dans ce village de trépassés. Si elle a l’air plus civilisée, elle n’en demeure pas moins préoccupante pour ceux qui fréquentent les lieux. « J’étais venu me recueillir sur la tombe de mon père. Il y avait des gamins qui traînaient là et qui m’ont proposé de réciter des versets coraniques pour le défunt, ce que j’ai accepté sans arrière pensée. Seulement, quand j’ai eu fini de me recueillir sur la tombe de mon père et que je voulais me retirer, ils m’ont accosté », explique Cissé dont le paternel est enterré au cimetière de Williamsville depuis plusieurs années. Les gamins lui demandent de payer pour les versets coraniques récités à l’endroit de son défunt père. Surpris, le visiteur s’excuse et leur explique qu’il n’a pas d’argent sur lui. Nos ‘‘dévots’’ ne l’entendent pas de cette oreille. Sûr que leur interlocuteur a de quoi payer, ils veulent employer la manière forte. C’est alors que des jeunes du cimetière qui aperçoivent la scène volent à son secours. « J’était sur le point de me faire agresser », se rappelle-t-il. Mis en échec, les gamins se sauvent. Chose curieuse, Cissé vivra ce genre d’agression à deux reprises, dans le même cimetière. Parfois, c’est à un spectacle immoral que l’on assiste en plein jour au cimetière de Williamsville. « Ça se passait dans l’après-midi. On les voyait entrer dans le cimetière en groupe. Puis, ils allaient se mettre dans un coin pour fumer du cannabis », explique un des jeunes qui travaillent dans l’enceinte du cimetière. Ils débroussaillent les tombes, font l’entretien, aident les familles à transporter les corps jusque dans la tombe. A l’entendre, il y a quelques semaines, lorsque la police a détruit le fumoir situé dans le quartier précaire des Deux-Plateaux, les drogués n’arrêtaient pas de les importuner. « Ils venaient là régulièrement pour fumer. Le problème, c’étaient les gars de la police criminelle. Quand ils arrivaient après avoir reçu l’information, c’est nous qu’on accusait. Alors un jour, nous avons pris notre courage à deux mains et nous avons demandé à ces gens de ne plus venir fumer ici », ajoute le garçon. Plus de peur que de mal. La bande de drogués obtempère. Si certains viennent encore pour fumer ici, c’est discrètement. Les 48 hectares du cimetière de Williamsville sont difficiles à surveiller, surtout qu’il n’y a pas de clôture. A Abobo, on vit le même genre de problème.


Attaqué après la prière

Le cimetière municipal d’Abobo-Baoulé  est depuis longtemps le nid de toute sorte de délits. Moussa Konaté, l’un des résidents d’Abobo-Belleville, affirme avoir été attaqué par un jeune alors qu’il était venu faire la prière dans la mosquée située à l’entrée du cimetière. L’individu qui se trouvait déjà dans le lieu, se faisait passer pour quelqu’un qui était venu prier. C’est à sa sortie que l’homme, après s’être assuré qu’il n’y avait personne à proximité qui pouvait lui porter secours, a sorti un petit couteau et lui a demandé de donner son téléphone portable. Après quoi, il a pris ses jambes à son cou, comme un dératé. Ici aussi pendant les enterrements, il faut faire gaffe aux véhicules. Beaucoup de clients se sont déjà plaints à l’administration du cimetière après avoir été victimes de vols. « Nos garçons ici ont même déjà été cités comme auteurs de certains de ces vols, ce qui est totalement faux. Regardez le cimetière, il n’y a pas de clôture. N’importe qui entre ici et ressort comme dans un moulin. Il y a une partie du cimetière qu’on ne voit pas. Régulièrement, les petits délinquants rentrent par là et ressortent sans même que vous ne vous doutiez de leur présence », se plaint le commis à l’entrée ce samedi. Les plaintes ? Ils en ont fait, à la police, à leur direction. « Rien ne change », souffle-t-il. C’est une ambiance commune dans les cimetières d’Abobo. Et Yopougon n’est pas en reste. A Bonikro, par exemple, le cimetière, bien que clôturé, est parfois la cible de délinquants. La particularité ici, c’est que les agressions, au dire des témoins, se déroulent tout autour. Et c’est le fait de certains habitants du quartier bâti dans les environs. Quelles soient sporadiques ou régulières, graves ou anodines, les agressions dans les cimetières passent mal aux yeux des populations, du fait de leur nature même. Et maintenant, c’est le personnel qui en a mare.
Raphaël Tanoh
Leg : Les cimetières sont les lieux de plusieurs types d’agressions.

Encadré 1

Les responsables de cimetière, dépassés

C’est un N’Goran Kouakou dépité qui ressasse ce vendredi, ses problèmes. Le responsable du cimetière de Williamsville va plus loin en dépeignant la situation. «Certains viennent prier ici et se font agresser », ajoute-t-il à la liste. Mais tous ces cas d’agressions et de vols qui ont lieu ici, sont le fait d’individus venus d’ailleurs. « Nos jeunes qui travaillent ici n’y sont absolument pour rien », s’empresse-t-il d’ajouter. Et ce sont les délinquants du quartier en amont du cimetière, les auteurs de tous ces méfaits, selon N’Goran Kouakou. En évoquant les vols à l’intérieur des véhicules, le responsable du cimetière poursuit : « le plus souvent, ce sont les clients eux-mêmes qui font entrer les voleurs quand ils viennent pour les enterrements ». S’il condamne ces cas d’insécurité, M. Kouakou pense qu’il faut s’estimer heureux car la situation s’est nettement améliorer. « Il y a quelques années, c’était pire, à cause de la broussaille. Aujourd’hui, le cimetière est plus aéré, on peut voir un individu de loin », explique N’Goran Kouakou. Son Souhait ? Que l’on bâtisse une clôture autour du cimetière. Une préoccupation partagée par les responsables du cimetière d’Abobo-Baoulé. Pour eux, la construction d’une clôture forte, réduira considérablement les agressions au sein de ces lieux sacrés. A Abobo, on souhaite surtout que le cimetière soit éclairé. « Les délinquants viennent ici pour voler le matériel à chaque fois que nous rétablissons l’électricité », fait-on savoir dans ce cimetière. 
RT


Encadré 2

Le cimetière, un lieu sacré  

La morale, le bon sens, la religieux, etc. Ce sont autant de valeurs qui sont foulées au pied, par ces individus sans foi ni loi qui volent, agressent et fument de la drogue dans les cimetières. Pour montrer l’ampleur de l’offense, du sacrilège, du blasphème et de la profanation, Youssouf  Konaté, l’imam de la base naval de Lokodjro, explique que dans un état islamique, on n’hésiterait pas à exécuté ces forbans. « Le cimetière est un lieu sacré, un endroit où tout le monde va se reposer.  En islam, quand on entre dans un cimetière, il faut saluer en disant ‘‘Assalamu alaykum ‘’, pour l’esprit des morts. Il faut respecter cela. Ailleurs, les cimetières sont propres et bien entretenus », poursuit le guide religieux qui pense qu’il est temps que ce soit le cas en Côte d’Ivoire. En assimilant les auteurs de vols et d’agressions dans les cimetières à des violeurs, à des coupeurs de route, l’imam Youssouf Konaté pense qu’il n’y a pas pire sacrilège.
RT
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