''ENFANTS MICROBES'' LES COMITÉS D’AUTODÉFENSE S'ORGANISENT


Vidéos amateurs, photos, témoignages, etc. On ne se lasse plus de voir les scènes de règlements de comptes entre populations et délinquants. Zoom sur un phénomène inquiétant


L’individu, qui ressemble à un adolescent, est menu et frêle. Son accoutrement semble avoir été fait à dessein. Sous le blazer sombre et trop gros pour son gabarit, on peut voir plusieurs chemises enfilées les unes sur les autres. Il court, trébuche et tombe. La foule qui le poursuit ne lui laisse pas de repit. Chacun veut le frapper avec son gourdin ou sa machette. Les coups pleuvent sur l’infortuné à terre. Pendant un instant, on pense que c’en est fini pour lui. Mais dans un ultime instinct de survie, il se relève et réussit à se traîner hors de portée de la foule. Étrangement, ses bourreaux décident de ne pas lui courir après. Il va disparaître dans cet environnement dominé par des box de commerces et des masures désuets. Cette vidéo amateur, beaucoup l’on visionnée sur le Web. Son auteur a filmé ce qu’on pourrait prendre pour le lynchage d’un ‘‘microbe’’ par la population.  Les détails sur le lieu et le jour manquent. Mais le message n’échappe à personne. Parce qu’on se rappelle d’autres scènes de ce type. 17 août 2017. Dans le quartier de Williamsville, plus précisément au « Garage Mercedes », on vient de signaler le décès de deux quidams, torturés et tabassés à mort par les riverains. Ils sont si jeunes… Leur erreur ? C’est d’avoir agressé des passants au couteau et à la machette, en plein jour. Les autres ont réussi à s’enfuir, mais ceux-là n’ont pas eu de bol. La population a décidé qu’ils devaient prendre leur retraite, ici même.  

Des groupes d’autodéfense se créent
10 juin 2017, aux environs de 2 h. Interpellée, la police du 9ème arrondissement vient d’éviter un massacre dans un quartier de Marcory. Le corps sans vie d’un jeune gît au sol, sur le macadam. Un autre lutte entre la vie et la mort, aux mains de ses bourreaux. Ces derniers l’ont aspergée d’essence et s’apprêtaient à craquer une allumette. Si les flics étaient arrivés avec une minute de retard, on aurait eu deux cadavres sous la main. Les témoins expliqueront qu’ils ont été pris en train d’agresser de paisibles citoyens. 2 se sont enfuis, pour échapper au lynchage. On ne compte plus ces règlements de comptes à Abidjan. Accusés à tort ou à raison d’être des ‘‘microbes’’, des dizaines de jeunes ou d’adolescents subissent le courroux de la population. Si les autorités estiment que cela vient en partie de l’appellation ‘‘enfant microbes’’ et qu’il  faut plutôt opter pour ‘‘ enfant en conflit avec la loi’’, dans les quartiers, la réalité est tout autre. Les groupes d’autodéfense se créent ici et là. C’est le cas du quartier Dokui-Cocoteraie. En janvier dernier, Bonhoro Ismaël Isaac, le président des jeunes du quartier et aussi le chef du groupe de sécurité du quartier, a mis fin à une attaque de ceux qu’il appelle ‘‘les microbes’’. Les malfrats sont arrivés la nuit, au nombre de six, armés de machettes. Et, par on ne sait quel génie, ils ont décidé de détrousser les habitants de tout un immeuble, près de la grande mosquée du quartier. « Nous avons été alertés. Et nous avons réussi à mettre fin à cette opération. 4 jeunes ont été arrêtés, 2 ont réussi à prendre la fuite », explique ce vendredi, Bonhoro Ismaël Isaac. Dans ce secteur creux et isolé d’Abobo - où les chemins slaloment entre pâtées de maisons et ravins et où l’éclairage public fait cruellement défaut - difficile de faire appel à la police. Les habitants ont donc formé l’un des tout premiers groupes d’autodéfense d’Abobo. Grâce aux cotisations de 1.000 FCFA par ménage, ils sont parvenus à se doter de tenus jaunes et noirs, de rangers et même de teaser. « Dokui-Cocoteraie est une zone enclavée où la police refuse de venir. Alors, nous avons décidé de prendre les choses en main. Les attaques de ‘‘microbes’’ ont baissé depuis que nous sommes-là », se réjouit le président du groupe de sécurité. Pourquoi lyncher leurs agresseurs, quand ils peuvent les conduire à la police ? « Ce n’est pas volontaire. Nous avons arrêté plusieurs ‘‘microbes’’ ici et les avons conduits devant la police, sans les tabasser. Mais parfois, nous nous retrouvons face à des cas de résistances. C’est dans ces situations que nous les lynchons. Quand c’est ainsi, on préfère terminer le boulot. Plus besoin de les conduire à un commissariat », confesse Bonhoro. A Abobo-Gare aussi (Banco 2, près de la mosquée), on a décidé de faire de même. « Nous sommes en train de constituer notre propre groupe d’autodéfense », explique Bamba Ali, qui vient de perdre son neveu dans une attaque fulgurante, perpétrée récemment par des individus identifiés comme étant des ‘‘enfants microbes’’.  Lorsqu’ils sont allés voir les éléments du 15 et du 21ème arrondissement, selon M. Bamba, ces derniers leurs ont clairement expliqué qu’il fallait s’organiser à leur niveau pour régler le problème. « Alors, c’est ce que nous allons faire. Aujourd’hui, chacun de nous a plus ou moins été victime d’une attaque de ‘‘microbes’’. Si les gens décident de les lyncher au lieu de les conduire à la police, c’est parce qu’ils en ont gros sur le cœur. Ils sont laissés pour compte par la sécurité publique », se lamente notre interlocuteur du jour. En parcourant le modeste quartier, on peut ressentir des envies de meurtre dans les regards, à l’endroit de ces ‘‘assaillants’’. Et ils n’hésitent pas à le dire.  Non loin de là, à « Marley », il y a longtemps que les jeunes ont pris les devants. Ils se sont organisés en groupe d’autodéfense. Dans ce bled plutôt terreux, avec ses pâtées de maisons agglutinées et ses ruelles étroites, difficile d’agresser quelqu’un. ‘‘Microbes’’, bandits, délinquants, appelez-les comme vous voulez. Pour Djibril Konaté, l’un des résidents de « Marley », ils ne pourront pas attaquer ici. Contrairement à Bamba Ali ou Bonhoro, Konaté et ses camarades savent qui agresse. « Nous savons qui ils sont et où ils habitent. Quand ils veulent agir, ils vont le faire ailleurs », laisse-t-il entendre. Ici, depuis la crise postélectorale, les habitants n’ont jamais confié leur sécurité ni à la police ni à la gendarmerie. Ce sont eux qui portent leur destin en main. Et cela semble marcher. A Marcory, pour faire face aux attaques répétées à l’arme blanche dans le secteur, des ‘‘gros bras’’ se sont organisés en comités d’autodéfense. Un peu partout à Abidjan, face à la recrudescence de la délinquance juvénile, les populations ont commencé à s’armer pour apporter la riposte adéquate à ces agresseurs à la machette et au couteau. Mais jusqu’où ira-t-on? Et les autorités, qu’en pensent-elles ?

Raphaël Tanoh

Leg : Pour lutter contre la délinquance, des groupes d’autodéfense se sont créés dans les quartiers.


Encadré

« Des innocents sont tués »
Lundi dernier, au cours d’une rencontre interministérielle sur l’ « opération Epervier 3 », Vincent Toh Bi Irié, le directeur de cabinet du ministre l’Intérieur et de la sécurité confesse : « le ministre lui-même a reconnu qu’il y a trop de lynchages ». Articulé autour du thème : « Quelles propositions formuler face à la problématique de la délinquance mineure ?», la réunion avait pour but majeur d’apporter une solution collégiale, face à cette montée du phénomène. Joint hier au téléphone, un proche du ministre de l’Intérieur et de la sécurité a déploré la floraison de ces exécutions sommaires dans les quartiers. « Nous voulons éviter cela. Parfois, ce sont des innocents qui sont tabassés ou même tués. Il suffit de voir des gens avec des accoutrements bizarres dans le quartier et aussitôt ont s’en prend à eux. C’est pour cela qu’il faut éviter de les appeler ainsi (‘‘microbes’’). Cela rend difficile leur insertion », explique notre source. Lors de la réunion du lundi, le même problème a été évoqué. Pour Vincent Toh Bi Irié, désormais, tous le monde doit s’impliquer. Responsables techniques des ministères, maires, directeurs, responsables de la sécurité, etc. Il n’y a que par une réponse concertée, selon lui, que le phénomène sera efficacement combattu. Hafiza Berté, directrice de cabinet du ministre de la Solidarité, de la femme et de la protection de l’enfant, conviée à cette séance de travail, en avait profité pour insister sur leur rôle par ces mots : « nous avons pour charge l’insertion sociale de ces enfants, de les éduquer. C’est pour cela que l’action ne peut être seulement mise sur le volet sécuritaire. (…) Nous avons le devoir d’aider la société à pouvoir prendre en charge ces enfants». Concomitamment à cette recherche de solutions, des opérations de terrains sont menées quotidiennement dans les quartiers, à travers l’ « opération Epervier 3 ». Mais seront-elles plus efficace que les groupes d’autodéfense? L’avenir nous le dira.
RT
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