ABIDJAN: ON ENSEIGNE DANS DES CABANES!!!
Pendant
que la politique de l’école pour tous est en train de s’étendre à toutes les
régions, à Abidjan, certains ont une autre vision de cette idée. Reportage dans
une école…très spéciale.
« Oui,
toi, Ali, au tableau !... 2x2 font…4. C’est ça ! Bravo ! Maintenant
on prend les livres d’exercice…Allez, on prend les livres !» Ce lundi
matin, dans les environs du commissariat du 30ème arrondissement de
la Riviera-Attoban (Cocody), l’EPP « Les bâtisseurs », semble en
avance sur la rentrée des classes. Normal. Ici, il n’y a pas de trouble, pas de
pétition, aucune menace de grève dans l’air. On travail dans le silence. Mais
c’est parce que l’EPP « Les bâtisseurs » n’est pas une école…ordinaire.
Dans cette salle de classe, par exemple, à peine plus grande qu’une cage d’ascenseur,
il n’y a que deux rangées de tables-bancs. Elles comportent chacune une
demi-douzaine de sièges. Les élèves sont assis à trois ou à quatre, serrés,
épaule contre épaule. Plus curieux : à gauche, la première rangée
constitue la classe de CE1 ; à droite, ce sont les CE2. Le maître ? Eh
bien, c’est superman. Non seulement il n’a pas besoin de s’asseoir, mais en
plus, il faut qu’il arrive à enseigner à la fois ces deux cycles contenus dans
une même classe. Le tableau n’est qu’une espèce de contre-plaqué accroché au
mur. Et quel mur d’ailleurs! Ce sont des planches de bois presque pourries, récupérées
probablement sur un chantier, qu’on a clouées les unes aux autres. Une vieille tôle
rouillée ici, deux embrasures là-bas, et vous avez une classe authentique. Ne
vous y trompez pas surtout: L’EPP « Les bâtisseurs » compte tous
les niveaux, comme toute école primaire qui se respecte. Longue d’environ 15
mètres sur 5, on pourrait facilement la confondre à une cabane, cachée derrière
les pâtées de maisons précaires qui pullulent dans ce sous-quartier. Les
‘‘génies’’ qui ont eu cette idée, on su mettre à profit l’espace et la main
d’œuvre. De gauche à droite, vous avez la
classe des CP1/CP2, tenue par une enseignante très serviable. Ensuite, les
CE1/CE2, puis les CM1/CM2. C’est le même décor pour toutes les classes :
deux rangées de tables-bancs (une pour une chaque cycle) et un enseignant
capable de les occuper.
Ni électricité, ni eau courante
Pensez
ce que vous voudrez, ici on en a cure. L’EPP « Les bâtisseurs » est
aussi trouée qu’une passoire. Les termites font la fête sur une partie du bois.
Mais elle a quand même un air…charmant, lié sans doute à ses résultats
scolaires. «Nous avons reçu cette année
la visite de quelques élèves venant d’établissements primaires publics du
quartier. Leurs parents les ont amenés ici parce qu’ils n’avaient pas de bonnes
moyennes », explique Maïga Housseini, le directeur de cette école
primaire. A entendre ce quadragénaire taciturne et très circonspect quant à
notre présence sur les lieux, l’EPP « Les bâtisseurs » casse la
baraque. « Nous avons eu presque 100% de réussite à l’entrée en 6ème »,
peut se réjouir notre interlocuteur. A la question, comment le ministère de
l’Education nationale a-t-il accepté d’accueillir les élèves d’un établissement
aussi…précaire, il s’empresse de rectifier : « la véritable EPP « Les bâtisseurs » se trouve au
quartier ‘‘Colombie’’, vers le Zoo. Ici, c’est un démembrement de
l’école ». Mais selon les informations que nous recueillons dans le
quartier, cette école se trouvait en réalité dans le talweg qui coupe ce
secteur de la Riviera-Attoban, communément appelé « Gobelet ». A la
suite d’une opération de déguerpissement menée en 2014 par le ministère de la
Construction, l’EPP « Les bâtisseurs » a été purement et simplement rasée,
tout comme de nombreuses habitations précaires, situées dans cette zone. Alors,
les responsables de l’école l’ont reconstruite, en quittant le Talweg cette
fois-ci pour remonter. Le gros trou béant qui serpente la zone n’est que
derrière, à une centaine de mètres. Mais ici, les gosses semblent plus en
sécurité, parce que l’endroit ne fait pas partie des zones à risques
cartographiées par le gouvernement. Maïga Housseini ajoute qu’il leur est même
venu à l’idée d’agrandir l’école, parce qu’on s’y sent un peu à l’étroit. Ce
n’est pas la demande qui manque, à l’entendre, puisque les parents ne regardent
que leurs taux de réussite. La scolarité ? Tenez-vous bien : 40.000
FCFA ! « Ce n’est pas assez,
tente de relativiser le directeur. Parce que nous louons ces classes à 20.000
FCFA par mois ». Comment cela se peut-il ? Il n’y a ni eau courante,
ni électricité. Lorsqu’il pleut, il faut tout arrêter parce que le bâtiment
n’offre aucune protection. D’ailleurs, les fondateurs de cette école n’aiment pas
trop ça. Est-ce pour cela que Maïga refuse toute prise de photo, ce lundi?
« Je dois avoir la permission de mes supérieurs d’abord », explique
le directeur. Après quoi on le voit se mettre à l’écart, le téléphone collé à
la tempe. À l’autre bout de la ligne, c’est son patron, le fondateur de l’EPP
« Les bâtisseurs ».
Apparemment, ce dernier n’a pas envie de voir son école exposée en
public. Il dit « niet », pour les photos et le reportage. Mais
pendant que M. Maïga essaye de le rassurer, nous avons le temps de prendre
quelques images en catimini. Désolé de ne pas pouvoir se montrer utile, le
directeur de l’EPP « Les bâtisseurs », nous passe son patron. C’est
un homme méfiant comme une belette. Il parle tout bas. On a l’impression qu’il
chuchote. Le patron ne veut pas de reportage, la discussion est clause. Que
cache-t-il ? Pourtant, les enseignants, des bénévoles avec quelques
connaissances, semblent satisfaits de leurs travail. Ici, il n’y a pas de frais
annexes, pas de Coges, pas de Fesci. Et tous le monde est fier de participer à
cet esprit inculqué par le gouvernement : Les cabanes pour tous…euh
pardon, l’Ecole pour tous !
Raphaël
Tanoh
#Tags:#enseignants#, #école#, #résultats#, #primaire#, #secondaire#, #établissements#, #programmes#, #scolaire#, #résultats#, #grèves#, #revendications#, #cours le mercredi#.#cabane#
#Tags:#enseignants#, #école#, #résultats#, #primaire#, #secondaire#, #établissements#, #programmes#, #scolaire#, #résultats#, #grèves#, #revendications#, #cours le mercredi#.#cabane#
Commentaires
Enregistrer un commentaire