Assurance maladie: POURQUOI LA CMU INQUIETE





Annoncée en 2014, la Couverture maladie universelle (CMU) a connu plusieurs reports. A quand le début de son application ? Enquête-express.  

Lorsque le 30 décembre 2014 le président de la République officialisait la phase d’enrôlement de la Couverture maladie universelle (CMU) (avec sa propre inscription), on attendait alors l’entrée en vigueur de cette mesure pour le 1er janvier 2015. Une annonce avait été faite dans ce sens, le 11 décembre 2013, par le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné, à l’issue d’un conseil des ministres. Mais le 2 février 2016, lors de la cérémonie de présentation de vœux au ministre de l’Emploi et de la protection sociale, Dosso Moussa, lui-même annonçait l’ «opérationnalisation» du projet pour cette année 2016. Puis, on a ensuite annoncé 2017 comme date «raisonnable». Aujourd’hui, une source au ministère de l’Emploi indique qu’il faut plutôt voir en 2018. De reports en reports, le démarrage effectif de la CMU commence à soulever quelques inquiétudes. Et on comprend mieux lorsqu’on se réfère au petit bilan effectué le 18 avril dernier par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), fer de lance du projet. Dégbo Achi, le coordonnateur de l’opération «porte à porte» entamée à Koumassi, estimait à environ 500.000, le nombre de personnes inscrites. Depuis, la Cnam ne cesse de multiplier les contacts avec la population. Après Koumassi, Port-Bouët, Treichville, Anyama, Sogon et Bingerville, la structure a mis le cap sur les villes de l’intérieur. Dans chaque commune, chaque ville, des jeunes sont mobilisés. Avec une équipe de la Société nationale d'édition de documents administratifs et d'identification (Snedai), la sensibilisation et l’enrôlement se font en même temps.

La réticence de la population ?

C’est, depuis, devenu une course contre la montre. A combien d’enrôlés sommes-nous exactement aujourd’hui ? «Les chiffres n’ont pas d’importance», botte en touche une source au sein de la structure. Mais si les chiffres ne sont pas importants, paradoxalement, l’essentiel d’après la Cnam, c’est d’attirer le plus d’hommes possible vers les agents d’enrôlement. On le sait, le directeur général de la structure, Bamba Karim, n’a pas cessé d’expliquer le bien-fondé de ce projet d’assurance santé destiné à faciliter l’accès aux soins de santé à la population ivoirienne. Et pour combien ? Seulement 1.000 comme cotisation mensuelle. Alors, a-t-on vraiment besoin d’initier des opérations porte-à-porte pour une action aussi généreuse ? Dans les communes, dresser des bâches ne suffit pas à attirer la foule. Il faut en plus jouer de la musique. Mais même là, il n’y a que les enfants qui viennent. Parfois, le Disc jockey (DJ) est obligé d’appeler les passants au micro. Hélas, ça ne suffit toujours pas. Alors, on va frapper aux portes…Comment expliquer cette indifférence vis-à-vis de la CMU? Est-ce une méfiance ou simplement parce que les gens ne comprennent pas ? Tapé Djédjé Apollinaire, président de la Confédération des syndicats des fonctionnaires de Côte d'Ivoire (Cosyfoci), les premiers concernés, opte pour la méfiance des travailleurs à l’égard de cet «instrument». «Aujourd’hui les fonctionnaires se demandent ce que va devenir leur assurance au niveau de la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de Côte d’Ivoire (Mugefci) avec l’avènement de la CMU. Ils se méfient. A ce niveau, nous avons demandé qu’il y ait la prise en compte des acquis des travailleurs au niveau de la Mugefci, qui compte une population importante d’assurés», explique-t-il. Pour lui, il ne faudrait surtout pas que les prestations qui seront proposées par la CMU soient inférieures à celles dont ils bénéficient avec l’assurance santé de la Mugefci. «La CMU nous inquiète», tranche le travailleur. Il faut, d’après M. Tapé, un véritable arrimage entre cette nouvelle politique et les acquis des fonctionnaires de Côte d’Ivoire en termes d’assurance santé. Autant d’exigences qui entraînent, selon lui, la méfiance. «C’est pour cela que 2017 est assez prématuré pour pouvoir mettre en œuvre l’application de cette politique. Nous avons entendu dire 2018», fait-il savoir. Mais après tout, n’est-ce pas parce que les gens ne comprennent pas qu’ils se méfient ? En tout cas, c’est ce que pense la Mugefci. Le vice-président de la structure, Mesmin Komoé, ne compte même plus le nombre de séances de travail qu’ils ont eues avec la Cnam aux fins de parvenir à une meilleure application de cette mesure. «Les prestations de la CMU vont au-delà de celles de la Mugefci», s’empresse de rassurer M. Komoé, également secrétaire général du Mouvement des instituteurs pour la défense de leurs droits (Midd). Cependant, il n’ignore pas les inquiétudes de certains travailleurs. Opter pour la CMU, c’est comme ouvrir une porte qui donne sur l’inconnu.

La Mugefci rassure

«C’est un système que nous n’avons pas encore expérimenté ici», reconnaît l’enseignant. Lui et le président de la Mugef-ci, Soro Mamadou, font partie des plus optimistes quant à la réussite de cette assurance santé. «Penser qu’il faut nécessairement enrôler toute la population avant de débuter la mesure, ce serait un leurre. Je pense qu’il faudra commencer avec un échantillon raisonnable», conclut Mesmin Komoé. Pour lui, 2017 est tout à fait tenable comme date. Mais il y a un «si», à entendre le Dr Boka Ernest, le secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d'Ivoire (Synacass-ci). «L’Etat doit tenir compte de nos désidératas. Et quels sont ces désidératas? D’abord, l’équipement des structures sanitaires. Il faut mettre toutes les structures de santé à niveau. Que ce soit au Nord, au Centre ou au Sud, chaque Ivoirien devrait pouvoir se soigner. Il faut un équilibre à ce niveau, selon la pyramide. C’est vrai qu’il y a un début de travail dans ce sens, mais beaucoup reste à faire», explique le porte-parole des cadres supérieurs de la santé, acteurs incontournables dans la réussite de la CMU. En plus de cela, Boka Ernest évoque le problème de la spécialité des médecins qui n’est pas encore réglé. «Il faut reconnaître les spécialités de chaque médecin. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. S’ils ne sont pas pris en compte, qui va valider les documents de la CMU ?», s’interroge le Dr Boka. Ce n’est pas tout. Même si cela peut paraître anodin sur-le-champ, pour le médecin, la motivation du personnel dans les structures de santé sera primordiale. On se souvient notamment que l’échec de la politique de «gratuite des soins», initiée en 2012, avait été attribué à ces deux problèmes majeurs: le désintérêt du personnel soignant et le manque d’équipements. «Avec l’avènement de la CMU, l’action au niveau des centres de santé va croître, donc les travailleurs auront besoin d’être motivés, insiste-t-il. Il faut enfin un recrutement suffisant». Mais c’est trop d’exigences pour un tel projet. «En réalité, c’est un projet lourd à porter et qui demande beaucoup de patience. On a peut-être voulu aller un peu trop vite», relativise Traoré Dohia, le président de la Fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire (Fesaci), qui salue cette mesure. «Nous avons été associés, chaque fois que nous avions besoin d’information, de formation», poursuit notre interlocuteur. Sur ce point, la Cnam a mis le paquet. En plus des opérations porte-à-porte initiées çà et là, des rencontres sont continuellement organisées avec les travailleurs. La plus récente a eu lieu les 5 et 6 septembre avec la Centrale syndicale Dignité. Bli Blé David, le secrétaire général de la structure, très favorable à l’avènement de la CMU, pense que tout se résume en une seule chose: les moyens. «La CMU, c’est une grosse machine. Tout va dépendre des moyens dont l’Etat dispose pour l’appliquer», estime Bli Blé. Pour lui comme pour beaucoup d’autres, peu importe le temps que cela prendra, peu importe le nombre de personnes enrôlées à ce jour, l’essentiel est là: l’Etat est-il prêt ? 

Raphaël Tanoh
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Leg : Pour enrôler, La Cnam doit faire du porte-à-porte.


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