POURQUOI LES 3 ECOLES ONT ETE FERMEES (ASSAKRA)
Les
populations d’Assakra attendent impatiemment l’ouverture de leurs établissements
primaires. Mais derrière cette situation se cache une macabre histoire.
Situé dans la sous-préfecture de
Kpouébo, (département de Toumodi), le gros village d’Assakra vit en ce moment
même une situation hors du commun. Ses trois écoles primaires, Epp Assakra 1, 2
et 3 viennent d’être fermées. Pour les enseignants, plus question de remettre
les pieds en classe ! Alerté, l’inspecteur de l’enseignement primaire et
préscolaire de la sous-préfecture de Kpouébo est arrivé sur les lieux pour
tenter de comprendre…ce mystère. Les faits. Il y a quelques semaines, alors que
les élèves revenaient des congés de Pâques, un enseignant de l’établissement
découvre un énorme tas d’excrément dans sa classe. Quelqu’un est venu se
soulager, là. Et l’acte est totalement délibéré. Dans certaines circonstances,
on aurait cherché à épingler le coupable et lui infliger une punition à la
hauteur de son «forfait». Mais il y a juste un problème: ce n’est pas la
première fois que cela arrive. En 2012 déjà, exaspérés par les excréments
qu’ils venaient trouver en classe parfois les matins, les enseignants s’étaient
mobilisés pour dire, stop. Il y avait eu d’âpres discussions avec les parents
d’élèves et même la chefferie d’Assakra pour tenter de trouver le coupable de
ces pratiques abominables et complètement insensées. On avait frôlé la
fermeture des trois écoles du village. Mais tout est ensuite rentré dans
l’ordre grâce aux assurances des villageois qui ont incité les instituteurs à
reprendre la craie. La goutte d’eau qui fait déborder le vase, le tas
d’excrément de trop, c’est celui que découvre un des instituteurs en cette
année 2016, de retour des congés de Pâques. C’en est assez pour ces
fonctionnaires de l’Etat qui décident de fuir l’établissement. Informé une
nouvelle fois, l’inspecteur de l’enseignement primaire et préscolaire de la
sous-préfecture de Kpouébo, N’Zi Dri, débarque sur les lieux, furieux cette
fois-ci. Qui a encore «chié» dans la classe? Comme d’habitude, personne ne le
sait. On parle d’un élève de l’établissement ou même de plusieurs, se relayant
probablement. Mais il n’y a pas de preuves. L’hypothèse d’un villageois
d’Assakra rompu dans les pratiques obscures est également abordée. Certains
vont même jusqu’à évoquer la possibilité que ce soit un enseignant. Le fait que
depuis plusieurs années le ou les «chieurs» opèrent en toute impunité inquiète.
Tout un mystère
Comment font-ils pour ne pas se faire
prendre ? Et s’il y avait des complicités au sein même du village ?
La question n’est pas tout à fait idiote parce que selon des villageois,
déféquer dans une salle ou même dans une maison n’est pas du tout surprenant à
Assakra. On parle d’une forme de rituel. D’autres y voient un acte de
sorcellerie. «C’est à cause de cette pratique que j’ai demandé à être affecté.
Dieu merci, ça a marché et toute cette histoire est désormais loin de moi»,
raconte, sous le sceau de l’anonymat, un enseignant de Toumodi qui a autrefois
enseigné à Assakra. Son passage dans l’établissement a été un véritable
cauchemar, d’après ses explications. Les instituteurs acceptent, dit-il, d’être
affectés dans des trous perdus, par sacrifice, par amour pour leur pays et
aussi à cause de la passion qui les anime.
Le concept de l’«Ecole pour tous» lancé
par le gouvernement cette année a d’ailleurs fait monter la fièvre d’un cran chez
certains enseignants, gonflés à bloc par les discours revigorants de la
ministre de l’Education nationale. Beaucoup parmi eux ont été affectés dans les
villages les plus reculés du pays pour partager la connaissance. A Assakra, le
même sentiment n’a jamais fait défaut. Selon les témoignages, les instituteurs étaient
à fond dans le métier. Ils ont bravé les problèmes d’eau, d’électricité et même
d’accès au village. Hélas, malgré toute leur détermination, leur hargne, ces
braves fonctionnaires ont été vaincus. «Aussi grande soit votre volonté,
trouver à chaque fois des tas de merde dans la classe, finit par tuer en vous
toute envie d’enseigner», confesse un enseignant de l’établissement, joint par
téléphone. Avec la fermeture des Epp Assakra 1, 2 et 3, ce sont environ 500
élèves qui sont à la maison. Pour l’instant, l’inspecteur N’Zi Ndri fait des
mains et des pieds pour que les instituteurs retournent en classe. Mais cela
ressemble à un combat contre les forces du mal.
Raphaël Tanoh
Leg : Alors que le gouvernement
prône l’Ecole pour tous, les écoles d’Assakra sont fermées.
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