LES RETRAITES DE LA FONCTION PUBLIQUE PLEURENT






 
Ils avaient entamé des négociations avec le gouvernement pour bénéficier des effets financiers du déblocage des salaires, eux-aussi. Mais les retraités de la Fonction publique attendent toujours.

Dans le pâle décor d’Abobo BC, non loin du Collège Sainte foi, tout tombe en déliquescence ou presque: le système d’assainissement en piteux état; les bâtisses défraichies et désuètes; les voies creusées, cabossées ou essaimées de flaques d’eau glauques ; l’environnement constitué de carcasses de véhicules, de modestes étals et de quelques box aux étagères dégarnies, etc. Derrière ce spectacle déprimant, un vieil homme est en train de mourir à petit feu, lui aussi. Cela fait environ dix ans que Modeste Gbôkô n’est plus infirmier. Ce sexagénaire, assez atypique dans sa situation, vit dans une maison de trois pièces qu’il loue depuis 20 ans à 35000 FCfa le mois. Le proprio qui est devenu un vieil ami n’a pas osé augmenter le loyer par compassion aux souffrances de M. Gbôkô, qui n’a pas réussi à se construire ne serait-ce qu’une hutte. Mais ceci n’est que la partie visible de l’iceberg, sous le poids duquel le retraité flanche et peut s’écrouler à tout moment. Avec une vie de couple prospère, ce géniteur doit toujours s’occuper de ses quatre enfants, âgés de 27 à 14 ans. Le plus âgé a fini son diplôme d’ingénieur, mais ronge ses freins à la maison. Celui qui le suit vient de réussir à son Brevet de technicien supérieur (Bts), option gestion commerciale. La joie a très vite laissé la place au désespoir, devant la difficulté de lui trouver, même un stage. Et le vieux Gbôkô doit toujours continuer de payer la scolarité des deux derniers. L’un en 6ème, au Lycée moderne d’Abobo et l’autre, en classe de 2nd, dans le même établissement. Constamment stressé, très souvent hypertendu, le retraité passe deux fois dans le mois à l’hôpital pour surveiller son état de santé en constante dégradation. Dieux merci, ils ont encore avec eux la Mutuelle générale des fonctionnaires et agents de l’Etat (Mugef-ci). Une assurance, selon Modeste Gbôkô, qui ne suffira pas à lui redonner le goût à la vie, hélas. En vérité, son état de santé n’est que la fâcheuse conséquence des problèmes qu’il vit. Plutôt que de couler des jours paisibles dans une maison chez lui à Bondoukou, la ville aux milles mosquées, le voilà fauché, obligé de jouer les consultants dans un mensuel spécialisé dans la santé aux fins de joindre les deux bouts. «En mon temps, nous avions travaillé avec des salaires de misère jusqu’à la retraite. Et dans la famille, quand vous êtes le seul à avoir un boulot, il faut s’occuper des frères, puis de ses enfants, ensuite des parents de ton épouse. Personne ne pouvait épargner», soupire le vieil homme ce vendredi, étendu dans son hamac. Lorsque la mesure du déblocage des salaires est intervenue, dit-il, ça a été l’espoir. Mais un espoir qui s’estompe au fur et à mesure que le temps passe et que le retraité sent qu’il vit peut-être ses derniers jours. «La plupart des retraités dans ma situation n’ont pas un toit. Nous avons travaillé durement pour notre pays. Et nous avons le droit de bénéficier des effets financiers du déblocage», fait savoir l’ancien infirmier. Avec cet argent, d’après Modeste Gbôkô, ils pourront peut-être s’en sortir. Les retraités dans sa situation pullulent à Abidjan. Comme l’atteste d’ailleurs Konan Kouassi Denis, Secrétaire général du Collectif des fonctionnaires retraités après trente années de service (Cofretas) : «Beaucoup ont encore des enfants dont ils doivent encore s’occuper. Malheureusement, d’autres sont décédés sans avoir un jour bénéficié des effets financiers du déblocage». Konan Kouassi Denis, ancien conseiller régional à l’extrascolaire, ne fait pas exception à la règle et doit lui-aussi continuer de s’occuper de sa famille. A l’intérieur du pays, on vit la même situation. Ousmane Bakayoko, par exemple, habite à Divo. La soixantaine environ, cet ancien instituteur attend également la lumière au bout du tunnel. «Déjà en service en 1987, je ne bénéficiais que d’un salaire de stagiaire, qui n’a pas véritablement évolué jusqu’à ma retraite», se plaint M. Bakayoko. Tout comme M. Gbôkô, il a encore sous les bras cinq enfants à scolariser, dont certains dans le privé. Dieu merci, dit-il, son défunt père lui a laissé une vieille maison qu’il a dû aménager et où il vit aujourd’hui. Mais pour lui, les ennuis ne sont pas terminés. Parce qu’il supporte presque les mêmes charges qu’il gérait pendant qu’il était encore enseignant. La pension n’étant pas conséquente, selon lui, il faut parfois s’endetter. «J’aurais pu être prospère si j’avais bénéficié des effets financiers du déblocage», regrette-t-il. Pourtant, tout était bien parti. Le Forum social, en novembre 2012, demandé par le Premier ministre d’alors, Ahoussou Jeannot, avait suscité l’espoir. Ce jour-là, les associations des retraités de la Fonction publique, alors présentes, avaient plaidé pour être pris en compte dans le programme de déblocage des salaires des fonctionnaires. En janvier 2014, près de 38000 fonctionnaires bénéficient des effets financiers de cette mesure. Les 98000 autres restants obtiennent gain de cause, à partir de juin 2015. «Mais depuis, nous attendons et rien ne se passe», se plaint Ousmane Bakayoko. Aujourd’hui, explique notre interlocuteur, des dizaines de milliers de retraités dans sa situation broient du noir avec un plan de retraite zéro. Ils veulent faire partie de l’émergence.  Mais visiblement, cette émergence semble les laisser sur le bas-côté de la route.

Raphaël Tanoh

Leg : Les retraités de Côte d’Ivoire attendent les effets financiers du déblocage.
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