Irié Tra Bi Clément: "IL FAUT EMPECHER LES PARENTS DE JETER LEURS ENFANTS''
Dans cette interview, Irié Tra Bi, président de l'ONG #Cavoéquiva# attire l’attention des autorités sur le #phénomène#.
Dites nous la raison de la création
de l’ONG Cavoéquiva
Nous
avons créé cette structure pour protéger les enfants contre toute sorte d'abus.
Depuis 2003, date de la création de Cavoéquiva, ce sont près de 6.000 enfants,
filles comme garçon que nous avons secourus. Mais ici dans le centre de
transit, nous n'avons que des filles aujourd’hui. Cela, depuis la fin de la
crise postélectorale. Avant, les enfants, filles comme garçons venaient passer
la journée ici, mais n’y dormaient pas. Parce qu'il n'y avait pas de cadre pour
les maintenir. Malheureusement, certaines étaient violées dehors. C’est pour
cela que nous avons décidé de les loger. Dans les marchés, nous avons des
points focaux qui se chargent de nous prévenir lorsqu'il y a un cas d'abus ou
de maltraitance. Il y a des bébés que les gens ramassent et qu’ils nous
envoient. Nous avons ramassé plus de 25 bébés dans les rues. Mais avec le
temps, nous nous confrontons à des cas de maltraitance assez particuliers. Comme
vous l’avez constaté, nous venons de secourir des enfants que les parents ont
accusés de sorcellerie.
Pourquoi les traite-t-ils de
sorciers, selon vous?
La
plupart de ces enfants ont perdu l'un de leurs parents. Et ils vivent souvent
chez un oncle ou une tante ou quelque fois chez un parent qui s'est remarié.
Bref, en aucun cas, ce type d'accusation ne se passe en présence des deux
parents.
Et vous, qu'en pensez-vous?
Je
suis un croyant. Je me dis que ces personnes, si elles sont vraiment des sorcières,
ne peuvent pas m'atteindre.
Donc, vous y croyez, vous aussi ?
Ici,
nous sommes là pour faire du bien aux gens.
Si quelqu'un veut nous faire du mal, Dieu le combattra. Il y a deux filles
que nous avons recueillies ici en 2014 qui ont démontré qu’elles étaient
véritablement des sorcières. La première était une fille de neuf ans, appelée
Chantal. Elle avait des boutons au visage lorsqu’elle est arrivée ici. La seconde
était une fille de huit ans que les parent avait chassé parce qu'elle marchait
déjà à six mois. Elle se prénommait, Rachel. Un jour, Chantal a dit à la directrice
que si cette dernière ne soignait pas ses boutons d’ici le lendemain, tous les
enfants allaient en avoir comme elle. Effectivement,
le lendemain, tous les enfants de cavoéquiva avaient des boutons sur leurs
corps, dans la bouche, les narines...
Et vous en avez déduit que c'était
Chantal qui leur avaient lancé un sort?
Souvent,
la parole simple peu provoquer des malheurs. Quand j'ai questionné les enfants,
ils m'ont dit que la veille de l’apparition de leurs boutons, deux hiboux sont
venus s'asseoir sur la toiture de la maison. Et les jours suivants. Les surveillants
ont corroborés ces dires. Et ce sont de grandes personnes. J'ai demandé à
Chantale et à Rachel de se débrouiller afin que les hiboux ne reviennent plus
hanter les autres filles. Je leur ai aussi demandé de s'arranger pour que les
boutons disparaissent.
Vous croyiez qu'elles étaient
capables de le faire?
Pour
être franc, je n'étais sûr de rien, mais c'était une façon de voir si c'était
vraiment des #filles sorcières#.
En avez-vous eu la preuve?
Le
lendemain, effectivement, les hiboux ne sont pas revenus. J’ignore si c’était
un hasard.
Et concernant les boutons sur les
enfants?
Difficile
de tirer une conclusion. Parce qu'on avait acheté des médicaments pendant ce
temps pour soigner les boutons. Ils ont disparu au fur et à mesure. Avec Save
the Children, nous sommes partis à Issia avec 4 enfants pour les remettre à
leurs familles. Et nous y avons retrouvé les parents de Rachel. Une vieille qui
nous a accueillis, nous a dit que c'était sa petite fille. Mais qu’elle a été chassée
du village parce qu’elle est une sorcière.
Chassée du village?
Oui.
Le village tout entier, après une réunion. De retour à Abidjan, nous avons donc
informé Rachel. Elle est devenue subitement triste quand elle a appris qu’elle
retournerait dans son village. Un jour, pendant qu'elle était à l'école, Rachel
a disparu. Mais c’est ce qui s’est passé après qui était inquiétant. Deux jours
après, les enfants ont affirmé que Rachel était revenue à la maison vers minuit
pour leur rendre visite. Ce qui est impossible.
Pourquoi ?
L'ONG
est une structure où il n'y a qu’une seule entrée et une sortie hermétiquement
fermée la nuit. Selon les enfants, lorsqu'elle elle revenue, Rachel a fait des
incantations et ils étaient tous cloués sur leurs couchette.
Et où étaient les surveillants?
Aucun
d'eux n'a vu Rachel entrer. Le jour suivant, les mêmes faits ont été relaté par
les enfants qui étaient morts de peur. Alors, nous sommes allés voir un pasteur. Il
nous a dit de vérifier si Rachel avait oublié des affaires ici. Nous avons
trouvé en effet certains de ses vêtements. Alors, il nous a demandé de les
jeter à la poubelle. Puis, il a prié sur la maison. Depuis ce jour, nous n'avons
pas entendu parler de Rachel.
Comment arrivez-vous à vous occuper
de tous ces enfants ?
C'est
un centre de transit communautaire qui n'était pas prévu pour loger les
enfants. Il n'y avait que 16 places au début. Que ce soit la sous-direction de
la Lutte contre la traite des enfants, la police ou la gendarmerie, lorsqu'il y
a des enfants rejetés par leurs parents, c'est ici qu'ils viennent. Vu le
nombre croissant de filles, nous avons décidé de ne pas accueillir de garçon.
Nous avons donc 38 filles ici. Nous les nourrissons avec nos propres moyens.
Grâce à un projet que nous avons monté avec Save the Children, nous arrivons à
nous occuper d’eux pour ce qui est des soins médicaux et de la nourriture. Nous
tenons aussi un projet avec l'Office des Nations unies contre la
drogue et le crime (Onudc) sur la traite des enfants. Notre besoin
principal, c’est avoir un cadre plus vaste pour accueillir plus d’enfants. Il y
a des cas d'épilepsie, d'hystérie, de gale, qu'il faut isoler, le temps de
retrouver les parents. D’où nos besoins d'agrandir les locaux.
Quels sont vos rapports avec les
autorités?
Nous
collaborons très bien.
Que pensez-vous des parents qui
abandonnent leurs enfants ?
Je
pense que la cause de tout ceci est la pauvreté. La Côte d'Ivoire a signé
presque toutes les conventions pour le respect des droits. Ce sont les
autorités qui peuvent amener les parents à ne plus commettre ce genre d'erreur.
Lorsqu’ils viennent chercher leurs enfants, ils ne prennent pas véritablement
conscience. Nous sommes allés voir certains parents qui ont fait mine de ne pas
reconnaître leurs enfants. Il faut trouver une manière de les empêcher de faire
ça.
Réalisée
par Raphaël Tanoh
Leg :
Irié Tra Bi, convaincu que certaines de ces filles sont des sorcières.
tag: #MALTRAITANCE#, #ENFANTS#, #SORCELLERIE#, # Cavoequiva#
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