Me Cissé Yao Jules, président de la Chambre des Huissiers: "NOUS N'AVONS PAS DE CARTES"
Elu à la tête de la Chambre des #huissiers#, samedi, à la suite d’une assemblée générale élective, Me Cissé Yao
Jules veut donner à cette corporation la place qu’elle mérite.
Vous avez été élu samedi dernier président
de la Chambre nationale des huissiers de Côte d’Ivoire, devant trois autres
adversaires, avec 54% des voix. Pensez-vous être un homme d’expérience pour
diriger cette structure ?
Oui,
parce que pendant la crise au sein de notre chambre en 2011, le ministre de la
Justice d’alors, Garde des sceaux, avait pris une décision courageuse en me
nommant président du comité provisoire de cette Chambre. J’avais pour mission
d’organiser l’assemblée générale élective, sous la direction, bien sûr, des
affaires civiles et pénales ainsi que celle des services judiciaires. Ce que
j’ai fait, sans être candidat. Nous avions d’ailleurs enregistré une seule
candidature : celle de Me Katié Olivier qui, naturellement, a été élu. Le
mandat à la tête de la Chambre ne dure que deux ans, renouvelable. Son second
mandat a donc pris fin le 28 novembre dernier. A l’Assemblée générale élective
du samedi, nous avons enregistré quatre candidats dont moi-même. Mais il faut
dire que bien avant cela, j’étais vice-président auprès de maître Oulaï Crepin,
qui a dirigé la structure un moment. Je suis membre permanent de l’Union
internationale des huissiers de justice. Je suis également le seul africain à
être membre du Groupement des huissiers de justice. Sans oublier mon titre
d’Administrateur de bien qui est très rare en Afrique. Toute proportion gardée,
je peux dire que cela représente une fierté pour la Côte d’Ivoire.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur
les huissiers de Côte d’Ivoire ?
A
la base, il n’est pas donné à n’importe qui d’être huissier de justice. En
France, si ma mémoire est bonne, il faut être titulaire d’une maîtrise en droit.
Beaucoup sont des doctorants ou des agrégés. L’huissier est une personne
respectée, parce qu’il dispose d’une parcelle des pouvoirs de l’Etat. Ils sont
en amont pendant et en aval. Que ce soient les assignations ou la police des
audiences. Lorsque la décision de justice est rendue, c’est lui qui va
l’exécuter. Il est incontournable. Sans l’huissier de justice, le tribunal ne
peut pas fonctionner. C’est le juriste
de proximité par excellence.
Pour le commun des mortels en Côte
d’Ivoire, l’image de l’huissier de justice n’est guère reluisante…
C’est
pourquoi, avec mes jeunes confrères, nous voulons redynamiser la Chambre. Nous
allons valoriser cette profession dont l’image a été ternie, surtout en
Afrique. Les pays autour de nous voulaient prendre l’exemple sur la Côte d’Ivoire.
Malheureusement cette profession ici est mal organisée, mal entretenue. Voilà pourquoi
tous ces jeunes m’ont soutenu. C’est grâce à eux que j’ai accepté ce job. Car,
ils sont prêts à prendre les choses en main. J’ai été élu samedi, et nous
sommes déjà au travail.
A votre niveau, qu’avez-vous à décrier exactement
au sein de la corporation en prenant la tête?
Il
y a beaucoup de choses. Je suis administrateur de biens. Cela rapporte. J’ai
été aussi formé en copropriété. Ce qui
fait de moi un auxiliaire auprès du ministère de la Construction. Vous voyez, tout ce qu’on peut dans la
profession. Mais nos aînés avaient ces informations-là qu’ils ne partageaient
pas avec les nouveaux. Aussi bien sur le plan national qu’international. J’ai
vu nos frères délaissés ; la Chambre qui n’était pas à leur côté. Je les
ai vus être seuls quand ils avaient des problèmes. Ils se sentaient abandonnés.
Avant d’être président de cette Chambre, j’étais déjà à leur écoute. C’est pour cela qu’ils ont placé leur
confiance sur moi. Et je ferai en sorte de ne pas les décevoir.
L’huissier de justice aujourd’hui, c’est
celui qui fait sortir les bagages des gens quand on ne paye pas le loyer.
Arriverez-vous à donner une image autre que celle-là aux Ivoiriens ?
Effectivement,
nos prédécesseurs ne sont pas allés vers les justiciables pour expliquer notre
travail. C’est en partie l’une des raisons qui explique pourquoi on nous associe
l’image du mauvais. L’huissier, c’est celui qu’on voit lorsque quelqu’un doit se
faire expulser. Mais ainsi que je le disais tantôt, c’est le juriste de proximité
par excellence. Et il doit être vu comme tel. Nous faisons du conseil. Il y a
de l’argent à y gagner. Que les Ivoiriens sachent que nous avons la qualité
d’officier public. Nos constats font des actes, des actes authentiques. Même si
nous ne pouvons pas empiéter sur le champ du notaire. La police des audiences est
assurée par l’huissier de justice. Il y a ce que nous appelons les amendements
de citation, c’est-à-dire, des convocations délivrées par le Parquet aux
délinquants coupables d’infractions, ou à des témoins qui doivent passer devant
une audience. Cet acte est payé par
l’Etat, même si le tarif a besoin d’être revu à la hausse. Mais lorsque le
projet de décret sera signé, vous allez voir. Les huissiers vont courir au Parquet.
Bien sûr, cela facilitera la tâche des magistrats qui rendront vite leurs décisions
de justice ; les personnes qui ont été victimes de voie de fait, par
exemple, seront soulagées ; le prévenu qui a été longtemps détenu à la Maison
d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) sans être jugé, verra les magistrats
se pencher très vite sur son cas... Plus ou moins, tout le monde sera satisfait.
D’où l’importance de cette signature de décret qui, je l’espère vivement, sera
pour bientôt.
Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour
bien faire votre travail ?
J’attends
le pouvoir public. Si vous donnez une mission à quelqu’un, donnez-lui aussi les
moyens. Ce que nous voulons d’abord, c’est qu’il y ait dans toutes les
juridictions en Côte d’Ivoire, une salle des huissiers de justice avec un
secrétariat. Nous avons une mission de service public qui est tenue pour le bon
fonctionnement de l’appareil judiciaire. Mais qu’est-ce qui se passe ici ?
On demande à un huissier de quitter Yopougon ou Koumassi pour venir chercher
des documents au Plateau. C’est un peu compliqué. Ensuite, il faut que le
décret sur la tarification en matière criminelle soit signé. Je profite aussi
pour dire qu’il y a eu le décret de 2012 fixant la modalité de la loi N°97-514
portant statut des huissiers de justice. Par conséquent les anciennes cartes professionnelles
ne sont plus valables. En plus de cela, nous nous retrouvons avec des centaines
de nouveaux huissiers qui n’ont pas de cartes professionnelles. Ils se font
tabasser sur le terrain lorsqu’ils vont exercer. Ils ne disposent d’aucun
document officiel attestant qu’ils sont huissier. A cause de cela, certains
huissiers ont peur de s’installer. Ils n’arrivent pas à signifier. Aucun
huissier n’a une carte professionnelle. Nous tirons donc la sonnette d’alarme sur
le problème. Et nous attirons l’attention du Garde des sceaux. Depuis 2012 que
le décret a été pris et qui annule les anciennes cartes, nous attendons. Les
huissiers ont peur, au point que certains faussaires profitent de ce
cafouillage pour se faire passer pour nous. La résolution de ce problème doit
être notre cadeau de Noël, cette année.
Interview
réalisée par Raphaël Tanoh
Leg :
Me Cissé Yao Jules veut assainir la
profession d’huissier de justice.
tag; #Cissé Yao Jules#, #Chambre des Huissiers#, #Huissiers#
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