Pr Valy Sidibé, Dg de l'ENS: ''ON A VOULU BLOQUER LE CONCOURS''







Le maire de Minignan, l’homme qui voulait donner les 99 noms de Dieu contenus dans le Saint Coran à Alassane Ouattara et qui, finalement, lui a offert un score de 99,75% dans sa localité, crache ses vérités. De retour de la campagne, Pr Sidibé est de nouveau redevenu le pédagogue qui marche selon les textes.   

Le concours de l’Ens s’est achevé, non sans quelques remous. Quel bilan peut-on en faire?
Les concours ont été lancés par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique avec la lettre spéciale du Directeur général de la Fonction publique qui nous a octroyé 876 postes. Et la lettre rappelait que faute d’organiser les épreuves dans les délais compatibles, les postes budgétaires concernés seraient annulés. Nous avons eu 12688 inscrits et 1600 admissibles. Sur ces 1600 admissibles, après délibération par les instances, 881 candidats ont été définitivement déclarés admis.

Vu les besoins en enseignants et l’école obligatoire, pourquoi limiter le nombre de postes budgétaires à 876 ?
Vous savez que les décisions concernant l’école obligatoire ont été prises au beau milieu de l’année. Il y a donc une circonstance atténuante pour le gouvernement. Toutefois, les besoins sont tels que le nombre de postes à pourvoir pour l’éducation nationale devait être dans l’ordre de 2498. Hélas ! Les besoins existent mais aussi les obligations financières concernant les postes budgétaires. Nous ne pouvons rien y changer. Dans le processus, l’éducation nationale émet ses besoins, nous les recevons et en fonction ouvrons le concours, tout en informant le ministère de tutelle. Ce dernier informe à son tour la Fonction publique qui envoie les informations au Budget. C’est le Budget qui détermine enfin le nombre de postes à octroyer au niveau du concours direct et du concours professionnel. Aujourd’hui, si l’on tient compte du ratio d’encadrement des élèves par rapport au nombre d’enseignants, vous allez voir que ce sera un enseignant au moins pour 70 élèves. Ce n’est pas bon. Je ne crois pas à la pédagogie de masse. Elle ne peut pas nous fabriquer des génies. Avec l’objectif que nous voulons atteindre en 2020, nous sommes obligés de revoir à la hausse le nombre de postes à pourvoir au concours de l’Ens. Parce que l’émergence ne peut se faire qu’avec les ressources humaines performantes. 

Le gouvernement a entrepris la reconversion des instituteurs en enseignants pour tenter de pallier ce problème…
Ce n’est pas une contre-politique. Parce que dans les corps de la Fonction publique, la progression et la mobilité dans les grades et dans les corps sont permises. Cela permet par exemple à un instituteur qui a fait des études supérieures tout en étant à son poste de gravir d’autres échelons. Beaucoup d’enseignants poursuivent leurs études même étant en fonction. C’est ce qui a permis que nous ayons 1555 instituteurs qui ont des diplômes universitaires. Et c’est ce lot d’instituteurs qui était considéré comme devenant des professeurs bivalents, avec les collèges de proximité. Mais avec ce système, on crée de l’autre côté un déficit.

D’aucuns ont mis en cause la crédibilité du concours.
Certes, vous avez pu lire cela dans une certaine presse. Mais je vous fais savoir que dans les établissements d’enseignement supérieur, la crédibilité est d’abord scientifique. Il s’agit de la personnalité morale et physique de celui qui dirige l’institution. C’est un professeur de rang magistral. Sachez que la crédibilité est ensuite administrative. Ces représentants (l’Institution) sont nommés en conseil des ministres. Alors, vous ne pouvez pas mettre en cause leur travail.

N’est-ce pas à cause des enseignants de l’Ens qui se sont opposés à la tenue du concours ?
Les textes nous obligeaient à tenir le concours dans les délais, comme je vous l’ai dit. Nous étions en août, alors que la clôture de l’année budgétaire est soit en novembre ou décembre. Il fallait d’abord ouvrir le concours, donner 45 jours aux étudiants pour s’inscrire. Ces 45 jours ont été prolongés à cause de certains qui n’avaient pas pu retirer leurs diplômes. Le concours devrait normalement avoir lieu le 4 septembre. Nous l’avons renvoyé ensuite au 11 septembre. Les mêmes problèmes de documents subsistaient. C’est finalement les 19, 20 et 21 septembre que les épreuves se sont tenues. Il y a un groupe de mécontents qui voulaient marcher. Mais pour moi, il fallait organiser ce concours, sinon je perdais les 876 postes. Or, les 1445 étudiants qui sont rentrés devaient sortir de l’établissement pour aller sur le terrain comme stagiaires. Parmi eux, seuls 30 reprenaient leur classe. J’allais me retrouver dans mon établissement avec 30 étudiants. Ce serait la honte. Les Ivoiriens doivent savoir la vérité. J’ai organisé ce concours malgré les humeurs des enseignants qui ont refusé toutes formes d’évaluation et d’activités pédagogiques.

Pour quelles raisons exactement?
Sous prétexte que les copies qu’ils corrigent dans le cadre de leurs fonctions sont payées à 300 FCfa. Or, le décret qui régit l’ENS stipule que les corrections des examens et concours donnant droit à la catégorie A sont organisées et payées par l’Etat selon un décret 1993 qui les a d’ailleurs fait passer de 100 à 300 F.

Combien voulaient ces enseignants pour les primes de correction ?
Ils voulaient que Valy Sidibé paye les copies à 600 FCfa.

Avaient-ils leur raison ?
Ils se sont basés évidemment sur ce qui se passait avant mon arrivée à l’ENS. Selon eux, de coutume, les copies étaient payées ici à 600 F. Or, la coutume n’est pas la loi. Quand je suis arrivé, j’ai vu que le décret 93-609 du 02 juillet 1993 détermine un certain nombre d’éléments auxquels il faut se soumettre. Nous sommes sous la gouvernance d’un financier, un technocrate et un pragmatique en la personne du président de la République. Si ceux qui étaient là avant moi ont trouvé des parades pour augmenter les frais des copies, peut-être qu’ils en avaient les moyens. Mais n’oubliez pas qu’à cette époque, les concours étaient réguliers. J’arrive après une période de 4 ans sans concours, avec zéro étudiant pour apporter des ressources. Nous sommes un Epn (ndlr, Etablissement public national) qui doit fonctionner avec ses ressources propres. Mais tous nos Epn sont à 99% sur financement de l’Etat. Les deniers publics sont dépensés selon des normes déjà établies par la loi. Je n’ai fait qu’appliquer.  Mais attention ! Tous les enseignants de l’enseignement supérieur sont soumis à deux obligations statutaires. D’abord, la diffusion et la transmission des savoirs. Ensuite, l’évaluation de ces dits savoirs. Aucun enseignant du supérieur ne peut se soustraire à l’évaluation du savoir qu’il a dispensé. Si je devais attendre qu’ils reviennent à la norme avant d’organiser le concours de l’ENS, celui-ci n’aurait sûrement pas eu lieu. Et si je devais également attendre qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments avant de mettre les stagiaires sur le terrain, cela ne se serait pas fait.

Comment avez-vous réussi finalement à juguler ce problème ?
C’est un concours national et en tant que tel, il doit être corrigé par des professeurs d’universités, des inspecteurs généraux de l’enseignement secondaire et même par des enseignants que je peux faire de France. Mais quand j’ai fait venir des profs de nos universitaires qui ont le même grade qu’eux, les enseignants de l’ENS s’y sont vigoureusement opposés. Alors que quand j’étais enseignant à l’université, je venais à l’évaluation à l’ENS. Cela équilibre au contraire la crédibilité de l’évaluation. La loi dit que la copie est à 300 F. Cependant, si vous avez fait un concours qui a engrangé plus de ressources, libre à vous de rehausser ou d’intéresser ceux qui ont fait le travail. Mais mes enseignants ont refusé de corriger le concours.

Mais les enseignants de l’ENS ont mis en cause le barème.
Les maîtres-assistants en mathématiques ont créé un comité restreint qui élabore le barème. Leurs directeurs de thèse ont élaboré des barèmes pendant le concours de l’ENS. Peuvent-ils dire qu’il n’est pas valable ? La vérité, c’est que nous avons réussi le concours d’un bout à l’autre malgré le blocage voulu par les syndicats. Pendant la réunion de la rentrée, il y a eu un membre de leur syndicat qui a dit clairement que c’était une crise provoquée. J’insiste sur le mot provoqué. Mais je lui ai dit qu’il n’y a pas de crise à l’ENS.      


Les enseignants vous ont accusé d’avoir supprimé l’oral.

Valy Sidibé n’a pas supprimé l’oral. L’oral n’est pas supprimé, il a tout simplement été remplacé par l’écrit dans la spécialité du candidat. Pourquoi et qui l’a fait ? A la sortie de la crise et ayant vu le résultat du concours de 2010, le ministre de l’Enseignement supérieur d’alors, Cissé Ibrahim Bacongo, nous a délégué le Pr Karamoko Abou et moi-même votre serviteur pour voir clair dans ce qui s’est passé à l’ENS. Entre- temps, le Premier ministre, Soro Guillaume, avait pris une ordonnance qui stipulait que tous les actes administratifs qui ont été pris après le mois de décembre 2010 étaient nuls et de nul effet. Or, le concours de 2010 s’est prolongé jusqu’en janvier 2011. Pendant qu’on discutait sur qui est élu et qui ne l’est pas, les résultats ont été proclamés. Ayant vu que l’admissibilité, c’est-à dire, l’oral d’admission définitive s’est fait avant décembre, elle a été annulée. Le ministre Bacongo nous a alors demandé de réfléchir à ce qu’il faut faire. Nous avons donc décidé que tout ce qui a été fait avant l’ordonnance du Premier ministre Soro était normal. Et donc, les écrits ont été validés. Ensuite, avec l’ENS qui avait subi un auto-pillage, nous avons revu les copies et regardé les délibérations pour évacuer tout ce qui était comme anomalies afin de proclamer une nouvelle liste d’admissibles. Il fallait alors organiser l’oral. Une réunion technique a eu lieu au cabinet du ministre Bacongo et tout le monde a compris que l’oral était biaisé. Selon l’expression du ministre, ‘‘l’oral est le lieu d’exposition de toutes les marchandises et de tous les marchandages’’. Il nous a alors demandé de réfléchir au remplacement de cette épreuve. Et nous l’avons remplacé par l’écrit dans la matière et la spécialité.

Pourquoi les enseignants insistent-ils sur cette épreuve ?
Parce qu’un candidat à l’oral est interrogé par deux enseignant. Et le candidat coûte 2500 F. Nous avons dit que le candidat à l’admission définitive, c’est-à-dire l’épreuve qui remplace l’oral, produit une copie. Et elle est corrigée par deux enseignants. Le taux ne change pas. Chaque enseignant a donc 1250 F. En plus de cela, l’arrêté qui ouvre le concours de l’ENS, en son article 5, indique que les épreuves d’admission, leur nature et leur composition seront redéfinies ultérieurement. Ce qui veut dire que s’il y a impossibilité d’organiser l’oral, on le remplace. Vous allez remarquer que dans certains concours, l’oral a été purement et simplement remplacé.


Une explication qu’ils avancent: la communication verbale est l’outil essentiel des métiers de l’éducation et du professeur.
Attention ! Ce ne sont pas les enseignants de l’ENS qui vont donner un certificat de non-bégayement au candidat. Et pour ce qui est de l’anglais, nous sommes tous victimes du système français. Beaucoup rédigent même leurs mémoires en français. Il faut savoir que l’oral est jugé de l’impétrant à la sortie, parce qu’il est l’objet d’une inspection sur le terrain et en situation de classe face à des élèves. Il est inspecté par des inspecteurs pédagogiques en même temps qu’un professeur de l’ENS et un président du jury. C’est donc un faux problème.  Pour ce qui est des primes de mission, elles sont édictées par la loi. Le texte est là et très clair. Les grilles sont connues. Mais que veulent les enseignants ? Que les frais de mission des fonctionnaires à l’intérieur du pays qui datent de 1987 soient revus à la hausse. Selon les grilles, les taux journaliers de l’indemnité de mission hors du pays sont fixés. Par exemple pour le groupe A, c’est 40.000 FCfa. Mais entre nous, 40.000 F pour une mission à Paris, c’est zéro. Pour les groupe 1 c'est-à-dire nous, les déplacements temporaires à l’intérieur du pays sont là, dans les textes. Le taux horaire d’indemnité de déplacement hors circonscription administrative est de 4.500 F, tandis que le taux journalier fait 15750 F. Ils me demandent de payer le taux journalier à 50000 FCfa. Où voulez vous que je prenne cet argent? Tous les fonctionnaires sont soumis à ces textes.

Les enseignants, eux, estiment que les textes sont caducs.
Je suis dans une institution régie par des textes. Un enseignant du supérieur est d’abord fonctionnaire et il est tenu de se soumettre aux textes qui régissent la Fonction publique.

Que faites-vous pour calmer les enseignants ?
Nous sommes des pédagogues, nous nous parlons. Nous analysons les textes. Je n’ai jamais eu de rapports d’animosité avec mes enseignants. Nous avons un rapport de directeur à enseignants et de collègues à collègue. Concernant les syndicats, qu’ils sachent que mes portes sont toujours ouvertes. Je les ai reçus N fois, expliqué les textes N fois. Là où sa coince, c’est que lorsque nous sommes d’accord ici, arrivés à la base, ils changent de discours. J’ai reçu l’ensemble des enseignants mercredi. Je leur ai dit qu’il n’y a pas de crise à l’ENS. Il y a crise lorsque les uns et les autres sont opposés diamétralement et que le seul arbitre, c’est le ministre de l’Enseignement supérieur. Mais je ne suis jamais allé voir le ministre pour cette question. Qu’ils sachent que je ne peux pas changer un décret présidentiel. Et même, si on doit déposer un projet de texte en vue d’améliorer les choses, il doit passer à l’Assemblée nationale. Et entre-temps, l’ENS doit-elle s’arrêter ? Ici il y a une hiérarchie. Seulement, les syndicats ne respectent pas la hiérarchie. Le directeur de la formation initiale est celui qui gère tous les enseignants. S’il ne peut pas résoudre un problème, il me l’emmène. Mais qu’est-ce que les enseignants ont fait ? Ils l’ont banalisé. Notre corporation est pire que l’armée. Un rang A ne peut pas être insulté par un rang B. Et lorsque les rangs A siègent, les rangs B disparaissent. Mais aujourd’hui, on a assisté à l’arrivée d’une race d’enseignants du supérieur qui agresse d’autres enseignants qui ne pensent pas comme eux. Sinon, comment pouvez-vous concevoir qu’un enseignant qui refuse de faire la grève et qui fait son travail selon sa conscience, sa liberté d’opinion et selon la franchise universitaire qui le gouverne, voit des assistants qu’il a formés venir interrompre son cours et l’insulter en le traitant de traitre, de corrompu. Lui, le professeur titulaire qui les a formés. C’est le monde à l’envers. Mais cela s’est passé dans nos universités et à l’ENS.


Réalisée par Raphaël Tanoh
Leg : Pr Valy Sidibé dit vouloir faire de son établissement une référence.
tag: #Valy Sidibé#, #ENS#, #CONCOURS#''

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