Oued Elie Ali, président de l’Ong Mbsp: "CE QUE NOUS PREPARONS POUR LES PRISONNIERS"
Le président de l’Ong Monique Barnet au
service des prisonniers, détaille le programme de sa structure pour venir au
secours des détenus du pays.
Quand est née votre structure ?
L’Ong
Monique Barnet au service des prisonniers est née de façon officielle en 2006. D’abord,
nous faisions des catéchèses au niveau des prisons, accompagnées de dons. Mais depuis
2006, avec la création officielle de l’Ong, nous sommes passés à l’assistance
judiciaire, l’insertion et
l’accompagnement psychologique des prisonniers.
Comment se fait concrètement
l’assistance judiciaire au niveau des détenus ?
Nous
allons dans les prisons pour échanger avec eux. Chacun nous expose sa situation
judiciaire. En fonction de cela, nous rencontrons les différents magistrats qui
sont concernés par leurs cas. L’Ong assiste aux différentes audiences en
flagrant délit, à la cour d’appel, etc. Et il faut dire qu’il y a des avocats
qui, de façon bénévole nous accompagnent dans la procédure judiciaire. Tous les
deux vendredis de chaque mois, il y a des plaidoiries gratuites qu’ils font
pour certains détenus. Ils viennent défendre des dossiers de certains prévenus,
de façon gratuite.
N’y a-t-il pas dans les textes, des
avocats commis d’office pour les détenus ?
Cela
ne se fait qu’en Assises au niveau de la Côte d’Ivoire. Et ce n’est pas explicite
dans le code de procédure pénale.
Comment choisissez-vous
le détenu qui doit-être défendu gratuitement par un avocat?
On
tient compte de la condition sociale de la personne. En clair, les détenus
démunis sont notre cible. Quel que soit le délit. Parce que toute personne
incarcérée est présumée innocente avant la décision du juge. Malheureusement, les
avocats travaillent de manière bénévole et ils ne peuvent pas être là pour tout
le monde.
Arrivez-vous à faire relaxer certains
détenus ?
Cela
va vous paraître bizarre, mais l’objectif, ce n’est pas cela, mais que le droit
soit dit. Et en disant le droit, certains arrivent à être libérés parce qu’ils
n’ont rien fait. D’autres, par contre, sont condamnés. Le plus important, c’est
qu’il y ait un avocat pour plaider en leur faveur.
Que pensent les familles des détenus de
votre démarche ?
Généralement,
avant de défendre un détenu, nous discutons avec les parents, sans rien leur
demander. Mais lorsque ces derniers entendent parler d’avocat, le plus souvent,
ils préfèrent s’en remettre aux pots-de-vin pour libérer leurs proches.
Le tribunal ne s’oppose-t-il pas aux plaidoiries de vos avocats
bénévoles?
Non.
Parce que nous sommes agréés par le ministère de la Justice pour faire ce
travail. En plus du suivi des dossiers, il y a la présence de l’Ong aux cours
des audiences.
Pourquoi ?
Les
décisions qui sont prises au niveau de la justice doivent être rendues au niveau de la prison
avant qu’elle ne soit exécutée là-bas. Il arrive souvent que ce ne soit pas le
cas. Nous sommes là pour aider à cette transmission
Et qu’est-ce que cela pose comme
problème ?
Si
la décision n’est pas transmise, elle ne sera pas exécutée au niveau de la
prison. Pour un individu jugé et relaxé, il faut que la prison soit informée.
Si le compte rendu de l’audience n’est pas transmis, le détenu restera en
prison malgré sa relaxe.
Ce
genre de cas arrive-t-il ?
Oui.
Par exemple, il y a un détenu arrêté en 2012 à Grabo, puis déféré au Parquet
d’Abidjan, alors que l’affaire n’est pas du ressort du tribunal d’Abidjan. Il a
été placé sous mandat de dépôt par le premier cabinet. En 2013, le juge a pris
une décision d’incompétence. Mais depuis, le détenu est encore en détention. Nous
faisons mains et pieds pour qu’il soit libéré.
Qu’est-ce qui bloque sa libération ?
Quand
le dossier a été transmis au parquet, il est resté introuvable. Plus de trace.
Arrivez-vous à aider certains détenus
par vos actions ?
Oui.
Depuis 2007, notre structure a permis la libération de nombreux détenus, grâce
à nos plaidoiries et aussi grâce au suivi des dossiers. La plupart des détenus
sont des illettrés qui ne savent pas très souvent comment se défendre devant un
juge. Il faut les aider. En plus de
cela, chaque année nous faisons des rapports pour faire l’état des lieux. Nous
avons demandé par exemple dans l’un de nos rapports que le juge d’application
des peines ne soit pas le même que le juge d’instruction. Et cela est suivi
aujourd’hui en Côte d’Ivoire.
Il y a d’autres problèmes qu’on constate
au niveau des tribunaux. Des faits de viol traités en flagrant délit.
Cela
dépend du parquet. Il sait pourquoi il décide de juger une affaire en flagrant
délit. Nous ne pouvons pas voir cela comme un problème.
N’est-ce pas parce que les assises ne se
tiennent pas régulièrement en Côte d’Ivoire, et vu que le viol est un crime?
Je
ne crois pas. Mais normalement, il faut deux assises par an, mais l’Etat n’en a
pas les moyens. Cela nous désole de voir des détenus accusés de crimes qui
attendent longtemps pour être jugés.
Comment l’insertion des détenus se fait
concrètement ?
C’est
une problématique. Nos prisons ne sont pas assez équipées en ateliers de
formation. La conséquence, c’est que lorsque le prisonnier sort, il ne peut pas
faire un travail.
N’est-il pas prévu dans le code de
procédure pénale qu’un détenu apprenne un travail en prison ?
Il
n’est pas aussi dit que le détenu doit obligatoirement apprendre un métier en
prison. Mais cela doit être fait pour la sécurité de l’Etat. N’ayant pas les
moyens d’agir dans ce sens à l’intérieur des prisons, nous avons décidé de
créer les conditions d’insertion de ces personnes à l’extérieur, c’est-à-dire,
après leur libération. Voilà pourquoi nous avons créé récemment la plate-forme
d’insertion des détenus, en décembre 2014. Elle est composée de la chambre
nationale des métiers, de l’agence emploi-jeune, de la direction de la
promotion et de l’autonomisation de la femme au niveau du ministère de la Solidarité,
de la famille, de la femme et de l’enfant. Sans oublier la direction des
affaires pénitentiaires. L’objectif de cette plate-forme, c’est de chercher les
moyens pour l’insertion des détenus. Cela se fait sur deux phases. La première
phase consiste en la sélection des détenus au niveau de la prison. Et là nous
avons déjà commencé. Ensuite ceux qui sortiront vont bénéficier de la prise en
charge au niveau de la chambre nationale des métiers, de l’agence emploi-jeune
et de la direction de la promotion et de l’autonomisation de la femme du
ministère de la Solidarité. Déjà à l’intérieur de la prison, après la phase de
profilage, nous préparons le détenu à la pratique. Il y a des phases d’apprentissage,
de civisme également.
Quel type de détenu doit bénéficier de
ce programme ?
Nous
avons décidé de prendre les détenus à qui il reste six mois de détention.
Jusqu’en décembre, nous allons commencer la phase pratique. Déjà une trentaine
de personnes ont bénéficié de notre aide dans la phase pilote. Certains sont
boulangers, aujourd’hui, d’autres, chauffeurs de taxi. L’insertion ne se limite
pas à leur trouver du travail, mais à les accompagner, les conseiller.
Etes-vous en contact avec eux ?
Oui.
Ces personnes nous appellent quand elles ont des problèmes. Tout ce que nous
faisons demande des moyens. Et nous demandons aux gens de nous aider à faire
notre travail. Parce que, lorsque le détenu sort de prison et qu’il n’a rien à
faire, peu importe qui vous êtes, il peut vous être un danger.
Interview
réalisée par Raphaël Tanoh
Leg :
Le président de l’Ong Monique Barnet au service des prisonniers demande de
l’aide pour poursuivre ses actions.
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