Dokui-Cocoteraie: COMMENT LES JEUNES DÉFENDENT LEUR QUARTIER''





Une journée avec le groupe d’#autodéfense# du quartier


Alors qu’il est question de #sécurisation# de la capitale économique à l’approche du scrutin présidentiel, au quartier Dokui-Cocoteraie, les jeunes ont décidé de prendre leur destin en main. Focus sur un groupe d’autodéfense sans arme.

Dokui-Cocoteraie. On s’est toujours demandé quel genre de vie est-ce qu’il pouvait y avoir derrière ce terrain cabossé et sombre qui s’étend à perte de vue, de l’autre côté de la Pharmacie Azur (Plateau-Dokui). C’est là-bas que les petites frappes d’Abobo disparaissent avec leur butin, lorsqu’elles sont surprises en train de voler tard la nuit. C’est aussi dans ce creux, où les chemins slaloment entre pâtés de maisons et ravins et où l’éclairage public fait cruellement défaut, qu’on découvrait parfois des corps sans vie, dans le macabre bas-fond qui coupe le quartier en deux.  Enfin, c’est dans ce bled à l’haleine d’égout et où il n’y a ni route ni hôpital qu’on entendait souvent des cris terrifiants la nuit, quand tout le monde dort. Le lendemain, on n’était jamais surpris d’entendre qu’une jeune fille s’était fait violer ou qu’un respectable travailleur qui rentrait tard a été dépouillé, molesté avant de se faire pisser dessus, cela, sans que personne ne daigne voler à son secours. Ce samedi, pendant que nous nous enfonçons dans le quartier, les quelques rares poteaux électriques encore en bon état disparaissent derrière nous, laissant place à une nuit noire. Il est pourtant seulement 19 heures. Mais ont dirait que minuit va sonner dans quelques instants. Les ruelles, tortueuses, glissantes et cabossées sont bordées de broussailles par endroits, (qui font dresser les cheveux sur la tête), de maisons inachevées ou de crevasses. Derrière nous : personne ; devant nous : l’obscurité. La structure du quartier fait que pour passer d’un pâté de maisons à un autre, il faut traverser des décors sortis tout droit de films d’épouvante: des couloirs sombres où n’importe qui peut surgir à l’angle avec un couteau de cuisine et vous charcuter sans que vous n’ayez le temps de crier; des ponts en planches qui traversent des espèces de trous béants pleins d’ordures. Souvent, le piéton qui vient à l’autre bout est tellement suspect qu’il suffit que l’un panique et chacun prend ses jambes à son cou. Par contre, pour peu qu’on atteigne une zone éclairée, apparaissent de magnifiques immeubles, des duplex huppés, des villas cossues et parfois même avec des pelouses. Les gens devisent près de leurs portes à cette heure, le regard à l’affût des passants.

Terrifiant !

C’est devant l’un de ces immeubles que nous avons rendez-vous avec Bonhoro Ismaël Isaac, le président des jeunes du quartier. Dès qu’il nous aperçoit de loin, Ismaël lance dans un langage presque militaire : «regardez à douze heures !…Affirmatif, droit devant vous, je suis là». ‘‘Roger’’: ce qui veut dire, bien entendu. C’est un jeune homme élancé, dans la trentaine et plein de vigueur. Ismaël est surtout le président du Millénium génération des résidents du quartier Dokui-Cocoteraie en abrégé, MG-QDOC. Le nom en jette. C’est une organisation d’autodéfense du quartier créée depuis maintenant 9 mois. Objectif principal: réduire l’insécurité qui avait atteint un seuil intolérable. Cible prioritaire: les petits délinquants qui viennent leur pourrir la vie. Avec un effectif de 15 gardiens permanents qui surveillent les barrages installés dans les 5 entrées du quartier et près de 100 bénévoles, MG-QDOC se veut une organisation sérieuse. Ce soir, comme tous les jours, le dispositif est mis en place dès 18 h. Les vigiles sont postés aux différentes barrières de sécurité. Celui qui se présente comme le général des troupes passe à 20 h pour une inspection. Garde-à-vous ! Il vaut mieux être à son poste si on ne veut pas se faire tirer les oreilles. «Nous n’avons pas d’armes, fait savoir Ismaël. Notre force, c’est la dissuasion». C’est pour cela que les «gardiens de la cité» ne font aucun contrôle. Leur rôle: la surveillance et rien d’autre. Dès qu’un suspect est repéré, on contacte le «général». Ce dernier a un atout inestimable: la présence d’une poignée d’officiers de police qui sont des résidents du quartier. Prévenus de leur mission, ces derniers interviennent quand ils le peuvent. «Nous sommes en relation avec le commissariat du 14ème arrondissement d’Abobo qui nous aide», témoigne notre hôte de ce soir. Bien que le cas ne se soit jamais présenté, ils ne sont pas taillés pour affronter des voleurs portant des armes à feu. Pendant qu’Ismaël bifurque vers le domicile de son vice-président, il a le temps de nous révéler un secret digne d’une agence d’espionnage: «nous avons des personnes commises aux renseignements. Quand elles voient des suspects, elles nous appellent». Ces gens sont des commerçants, des ouvriers, etc. Voici le domicile du vice-président de MG-QDOC. Une cour avec de magnifiques maisons. Devant: des box de commerce. Mais derrière, c’est un terrain broussailleux. Tenez-vous bien, le vice-président de MG-QDOC est un médecin ! Jeune, élégant, Dr Ouattara Zana, n’est chez lui que dans la soirée.

La présence de fumoirs complique les choses

Tout comme Ismaël, il a un travail en plein temps. Et pour lui, ce job, ce n’est rien d’autre que du bénévolat. Alors que nous visitons les barrages où sont postées leurs sentinelles, Zana soupire: «ce n’est pas facile. Mais depuis la création de  MG-QDOC, la criminalité a baissé. C’est déjà ça. On pouvait compter avant 5 à 6 agressions par semaine. Aujourd’hui, grâce à notre dispositif de dissuasion, nous sommes passés à 3 cas en moyenne par mois. Héla ! Il n’y a pas de sécurité zéro». Il faut dire qu’après la crise postélectorale, la situation était devenue intenable pour les résidents du quartier. «On retrouvait des corps dans le bas-fond, sous le pont qui portait ce surnom macabre : ‘‘le pont de la mort’’. C’était parfois des règlements de compte entre bandits. Ou encore, des bandits que la population tuait et laissait pourrir là. Dieu merci, ce n’était jamais des victimes», se souvient Ismaël. Mais tout ceci a changé depuis la mise en place de MG-QDOC. Ont-ils déjà arrêté des bandits ? Evidemment ! En août, à 1 heure 30, un gendarme qui habite le quartier a été braqué par deux voyous. A 2 h 30, alors qu’ils s’enfuyaient avec leur butin, les fripouilles sont appréhendées par l’équipe de sécurité après une course-poursuite. «En juillet, des voyous ont agressé un Mauritanien à 2 h du matin. Ils ne sont pas allés loin, nous leur avons mis le grappin dessus», se targue Dr Ouattara. Le fait le plus curieux, disent-ils, c’est que les voyous viennent de d’autres quartiers. Vu que Dokui-Cocoteraie est enclavé, ils pensent toujours pouvoir sévir sans s’inquiéter. Ces scélérats n’ont pas souvent tort. Avec le mauvais état de la route, les interventions de la police ici sont quasi-nulles. De plus, la présence de fumoirs sur les lieux complique les choses. Les drogués rôdent…Mais MG-QDOC a déjà fait échouer une demi-douzaine d’attaques, selon les responsables. Grâce à eux, le phénomène des «enfants microbes» n’a jamais atteint le bled, d’après Ismaël.

Des cotisations qui ne font pas plaisir

Pour Sinan Assétou, la chargée des affaires sociales du quartier, aujourd’hui, quand les travailleurs rentrent tard chez eux, l’un des vigiles les accompagne. Avant, il fallait éviter que la nuit vous trouve dehors, surtout quand vous êtes une fille. Mais tous les habitants ne caressent pas MG-QDOC dans le sens du poil. Surtout que la structure leur demande une cotisation de 1000 FCfa par mois afin de payer les 15 vigiles permanent, à raison de 45000 F chacun. «Ils nous disent qu’ils ont envoyé la sécurité, mais les agressions continuent», se réserve D.T., un résident. Quand Olivier G., lui, balaye carrément les efforts de MG-QDOC du revers de la main : «ce sont souvent leurs propres gars qui nous agressent la nuit». Beaucoup saluent toutefois cette idée. «J’habite le quartier mais je travaille à Angré. Quand je rentre chez moi, tard la nuit, je suis rassuré parce que je vais trouver des vigiles dehors», se réjouit, par exemple, Dramani. Mais lui également ne payent pas régulièrement les cotisations qui permettent à MG-QDOC de survivre. «Certains nous claquent la porte au nez», regrette Ismaël. Mais un jour, espère-t-il, ils comprendront leur utilité. Une source que nous avons eue au commissariat du 14ème arrondissement d’Abobo, salue cette organisation. Mais elle ajoute qu’on ne peut pas parler de collaboration entre la police et MG-QDOC. Ils interviendront seulement si des agressions leur sont signalées. Ni plus, ni moins.

Raphaël Tanoh

Leg : Le président Ismaël, le vice-président, Zana et l’un des vigiles de MG-QDOC, Ali à un des points de passage du quartier.  


Encadré

L’autodéfense, une culture qui s’incruste!

En plus de MG-QDOC, d’autres groupes d’autodéfense existent à Abidjan. A Abobo surtout, ces structures non organisées et qui prennent souvent l’allure de serpents à plusieurs têtes, pullulent. Au niveau de la gare, ce sont les syndicats qui se sont associés pour lutter contre les «enfants microbes». Seul problème: au lieu de les combattre, ils se sont plutôt contentés de signer une sorte de pacte avec ces derniers: «Quand ils arrivent ici, ils passent leur chemin sans toucher à un seul cheveux de quelqu’un. C’est ailleurs qu’ils vont faire leur sale boulot», explique Hamed Kanté, l’un des membres du groupe, en l’absence du président. A Abobo-Baoulé, c’est toute la population qui est solidaire. Impossible d’agresser quelqu’un et d’espérer s’en tirer à bon compte. Vous serez pris, bastonné avant d’être conduit au commissariat. A Yopougon-Sicogi, les jeunes se sont également mobilisés pour défendre leur quartier contre toute attaque, venant de l’intérieur ou de l’extérieur. Alors, à bon entendeur…

RT 
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