FONCTIONNAIRES: COMMENT GÉRER VOS SALAIRES
Plus d’un mois après les premiers effets financiers de
la seconde vague du déblocage, on se demande si cette mesure a véritablement amélioré
les conditions de vie des fonctionnaires.
Mine de rien, les
fonctionnaires ivoiriens font parti aujourd’hui des travailleurs les mieux
payés sur le continent africain. Du moins, comparés à leurs confrères qui
exercent dans le même secteur d’activité. Un enseignant de lycée de grade A4, par
exemple, se retrouve avec un salaire avoisinant les 400.000 FCfa. Les mieux
lotis parmi les instituteurs n’ont pas moins de 300.000 F comme rémunération
mensuelle. En janvier 2014, lors d’une conférence de presse, Gnamien Konan,
alors ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative, estimait
à 250.000 F le salaire d’un instituteur au Maroc. Et à 100.000 F, pour celui qui
exerce au Burkina Faso. Les professeurs de lycées au Maroc, avait poursuivi le
ministre, n’empochent que 300.000 F par
mois, contre 165.000 F au Burkina Faso et 230.000 F au Sénégal. Avant d’ajouter qu’en Côte d’Ivoire, le médecin, lui, a une
paie mensuelle qui oscille autour de 577.000 F, tandis que son homologue au
pays de Mohammed VI, n’a que 450.000 F. Pas besoin d’une calculatrice pour voir
la différence. Le déblocage a eu une incidence positive perceptible sur les
salaires à la Fonction publique. Il y a moins de cinq ans de cela, la plupart
des fonctionnaires tiraient carrément le diable par la queue. Débuté en 2009
avec la revalorisation indiciaire des enseignants, les choses se sont
accélérées en janvier 2014 lorsque les salaires de la première vague de
fonctionnaires, environ 38.000, ont été débloqués. Le mois dernier, cette
mesure a également été appliquée aux paies des 113.000 autres travailleurs de
la Fonction publique. Mais on est en mesure de se demander aujourd’hui si ces
différentes augmentations ont des répercussions positives sur le mode de vie des
travailleurs? En tenant compte de la conjoncture, de quelle façon les avancements
ont-ils influencé le quotidien des 151.000 fonctionnaires concernés ? Mais
attention, fait savoir Tapé Djédjé Apollinaire, président
de la Confédération des syndicats des fonctionnaires de Côte d'Ivoire
(Cosyfoci), il faut relativiser. La vie est chère en Côte d’Ivoire, raisonne-t-il.
Et joindre les deux bouts n’est jamais chose aisée pour un fonctionnaire,
fut-il mieux payé. Sans compter, avance le fonctionnaire, qu’il y a de
nombreux besoins qui vont naître avec 20 ou 30 mille F de plus sur la paie. Pour
des fonctionnaires, comme Siaka Traoré, Sg du Syndicat
national des enseignants du second degré de Côte d'Ivoire (Synesci),
c’est même un piège. Le déblocage étant fonction de l’ancienneté, beaucoup de
salariés de l’Etat n’ont véritablement pas grand-chose sur la rémunération. Or,
dans l’esprit des membres de la famille ou même de la servante de maison, le
terme « augmentation de salaire » est pris au pied de la lettre. Du
coup, difficile de dire à quelqu’un qu’on est fauché, au 15 du mois. En plus,
il ne faut pas sous-estimer l’inventivité de certains travailleurs qui savent
se créer des besoins superflus. La maison où l’on vivait depuis des années, devient
soudain exigüe, il faut déménager; le décodeur de la chaîne câblée qu’on ne
pouvait pas s’offrir auparavant, peut dorénavant embellir le salon. Et bonjours
les factures ! De son côté, madame veut que la popote soit revenue à la
hausse. Et ainsi de suite. Selon Abba Eban, le président du Mouvement de
l’union des enseignants de Côte d’Ivoire (Muneci), le déblocage a forcément influencé
la vie des fonctionnaires, à commencer par les 92.223 enseignants que compte le
pays. « L’étau s’est desserré, fait-il comprendre. Aujourd’hui, on peut
regarder les membres de la famille dans les yeux. Parce qu’il est possible de
leur donner quelque chose lorsqu’ils le demandent. Ce qui était difficile
avant ». Mais l’enseignant s’empresse de rectifier que malgré tout, la
gestion du salaire doit demeurer pour le travailleur, une priorité.
« Combien d’entre nous avaient la possibilité d’économiser avant ?
Avec les contraintes de la banque, c’était quasiment impossible. Nous disons
donc grand merci au président de la République, Alassane Ouattara ». Bien
sûr, lui, n’a pas déménagé. Abba Eban ajoute même qu’il ne le ferra jamais
parce que son salaire a augmenté. Il ne courra pas marier une seconde épouse,
ni même souscrire pour le tout dernier 4x4 à la mode. Pour l’enseignant,
améliorer sa condition de vie commence d’abord par l’humilité. Ensuite,
l’épargne. Certains de ses camarades qui ont plusieurs années d’ancienneté se
sont retrouvées avec un sacré pactole : une majoration de 150.000 FCfa sur
leur salaire, selon Abba. D’autres ont même reçu plus que ça. Avec de telles
augmentations, à l’entendre, beaucoup de choses peuvent vous tourner dans la
tête. Il conseille donc à ses camarades de rester lucides et de penser à des
projets porteurs afin d’avoir le sourire large pendant la retraite.
Raphaël Tanoh
Leg : Après le déblocage, les
fonctionnaires peuvent-ils mieux gérer ?
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