6MILLIONS D'#EMPLOIS# #MAL PAYES#, QUELLES SOLUTIONS?
Placée
au cœur des préoccupation
s des Ivoiriens, la question de l’emploi continue de
faire couler de l’encre et de la salive. Mais
le débat s’est recentré aujourd’hui sur les résultats de la récente enquête
publiée par l’Agepe. Qui est chômeur et qui est sous-employé ? Vers qui
sera orientée la politique d’emploi du gouvernement ?
Les Ivoiriens ne comprennent pas. Comment
un pays tel que la Côte d’Ivoire peut-il se prévaloir d’un taux de chômage plus
bas que celui de la France ? 5,3%, alors que la proportion des Français
sans emploi, a atteint les 10% en 2014. « On
nous a traités de tous les noms. Des internautes n’ont pas hésité à qualifier les
chiffres publiés de faux », explique un travailleur de l’Agence d’études
et de promotion de l’emploi (Agepe), le 21 janvier dernier, lors d’un atelier
de formation des journalistes. Le même jour, Koné Pénatien, le directeur de l’observatoire de
l’emploi, des métiers et de la formation, monte au créneau. La première chose
qu’il fallait faire après la publication des chiffres, dit-il, c’était
d’expliquer aux gens que ce taux est certes juste, mais qu’il ne tient pas
compte des réalités ivoiriennes. L’enquête menée par les équipes de l’Agepe, de
l’Institut nationale de statistique
(Ins), du Bureau international du
travail (Bit), a considéré toutes les personnes exerçant une profession
rémunérée, quelle qu’elle soit, comme étant en situation d’emploi. Autrement
dit, la définition du concept de l’emploi, selon la Conférence internationale des statisticiens
du travail (Cist) a été appliquée à la lettre. Ainsi donc, les gérants de
cabine, les cireurs de chaussures, les dosseurs de nama (gardiens de parc automobile)
et même les vendeurs d’eau glacée, sont perçus comme des personnes en situation
d’emplois. Mais en réalité, reconnaît-il, ce sont des sous-employés. Pour Koné Pénatien, la difficulté
rencontrée dans la réalisation de cette enquête a été cela. Alors qu’en Europe,
le chômeur ne travaille pas du tout, en Afrique, il se retrouve en train de
faire des petits boulots. En Côte d’Ivoire, cette proportion de personnes est
pourtant la plus importante au sein de la population active.
Près
de 19% de la population active est sous-employée
Lors du conseil de ministre du 03
septembre dernier, Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement le rappelait en
ces termes : « En sortant du premier lot
des personnes en emploi, les personnes ayant une rémunération inférieure au
Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti), nous arrivons à 9,4% de taux
de chômage. Et quand nous sortons de ce lot, les personnes qui exercent un
emploi précaire ou qui sont dans le secteur informel, nous arrivons à un taux
de 25% ». Avec ces chiffres, on peut facilement en déduire que les
personnes en situation de sous-emplois représentent près de 19% de la
population active. Et cela ne surprend pas. Déjà en mai 2014, à l'occasion de
la clôture des travaux de la revue conjointe du secteur éducation-formation à
Yamoussoukro, Dosso Moussa, le ministre de l'Emploi, des affaires sociales et
de la formation professionnelle chiffrait
à 6 millions, « le nombre de personnes en situation de sous-emploi
ou de non-emploi ». En clair, des travailleurs mal payés. Ces Ivoiriens se retrouvent le plus
dans le secteur informel non agricole, avec un taux de 49%. Ce que cette
situation soulève comme problème, c’est comment orienter la politique d’emploi
vers des gens considérés comme des travailleurs? Foa Bi Zaro Francis,
chef de division à l’observatoire de l’emploi de l’Agepe, l’avait relevé en
janvier dernier. En considérant que ces
Ivoiriens n’ont pas de quoi vivre décemment, il faut tenir compte d’eux dans le
plan de réduction du chômage. Du coup, ce n’est plus 5,3%, mais plutôt 25% de
la population active qu’il faut intégrer dans la base de données des personnes
à secourir. « Si quelqu’un vous dit qu’il veut créer des emplois, il faut
lui demander quels types d’emplois ? Sinon, ne venez pas vous plaindre après »,
avait ajouté Koné Pénatien,
devant l’attitude des journalistes qui n’arrivaient pas à comprendre qu’on
puisse considérer un diplômé assis devant sa cabine téléphonique, comme étant
un travailleur. C’est là que le bât blesse. Pour pouvoir aider cette couche de
la population, avoisinant les 6 millions, il faudrait d’abord commencer par
reconnaître qu’ils ont besoin d’aide ; qu’ils subsistent avec des salaires,
quelquefois à la limite de l’intolérable. Et c’est ce qui préoccupe les Ivoiriens,
qui n’admettent pas que l’on puisse expurger la liste des chômeurs de tous ces
débrouillards (gérants de cabine, cireurs de chaussures et autres) et présenter
un chiffre qui ne reflète pas la réalité (5,3% comme taux de chômage), fût-il
calculé selon les normes internationales.
L’auto-emploi,
la solution ?
N’Goh Bakayoko, le directeur de cabinet
adjoint du ministre de l’Emploi, des affaires sociales et de la formation
professionnelle, avait demandé d’éviter une mauvaise interprétation de ces
données. Mais la meilleure façon de se faire comprendre pour l’Agepe, c’est de sensibiliser
encore plus la masse sur la méthodologie employé pour réaliser l’enquête. Il
faut surtout expliquer aux Ivoiriens que
les sous-employés sont des personnes à aider, insistait le directeur de
l’observatoire de l’emploi, des métiers et de la formation. Ce n’est que de
cette façon que l’opinion acceptera mieux les derniers chiffres sur l’emploi. Mais
le problème est là, au dire de M. Koné : les postes budgétaires à la
Fonction publique se sont amenuisés comme peau de chagrin. Et comme l’Etat ne
crée pas d’entreprises, la politique de création d’emplois est limitée. L’auto-emploi
est pour lui la meilleure façon de sortir de la situation de précarité que
beaucoup vivent. L’ennui, c’est que lorsque vous demandez à un Ivoirien
d’entreprendre, il y a de fortes chances de le retrouver plus tard devant un
box téléphonique. Il faut du financement, pour beaucoup. Où trouver
l’argent ? Un véritable casse-tête chinois, d’autant plus que les partenaires
financiers de l’Etat hésitent avant de
mettre la main à la poche. Alors quelle solution pour ces 6 millions
d’Ivoiriens mal payés ?
Raphaël Tanoh
Leg : Près de 19% de la population active en Côte
d’Ivoire est sous-employée.
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