nouveau SMIG: LES MAISONS DE PLACEMENT JUBILENT
Une semaine après l’adoption du nouveau
Smig, son application est diversement perçue sur le terrain.
« Si
elle doit faire uniquement la cuisine, c’est 35.000 FCFA. Avec la lessive, vous
débourserez 50.000 F. Mais ce sont des prix à débattre ». Au téléphone, la
voix de Sory Raymond, responsable de la #maison de placement# « Ivoirienne », située à Port-Bouët, séduit comme un bon vendeur. Et
c’est avec assurance qu’il fixe un rendez-vous
pour « placer » l’une de ses servantes. Mais, tandis que la
communication se poursuit au téléphone, M. Sory devient soudain réticent.
« Le Smig ?, s’étonne-t-il, nous ne l’appliquons pas encore ».
Pourquoi ? « Il vient à peine d’être adopté », explique le
monsieur. Puis, comme si une idée venait de lui surgir dans la tête, il
propose : « mais si vous voulez l’appliquer, il n’y a aucun problème.
On peut s’arranger…» Toutefois, après avoir écouté les conditions exigées pour
que le travailleur bénéficie de ce traitement, l’entrepreneur relativise :
« s’il s’agit de la déclarer à la Caisse nationale de prévoyance sociale
(Cnps), nous pouvons nous en occuper». Surpris qu’un client soit le premier à
proposer l’application du Smig au contrat,
Sory Raymond ajoute qu’il serait plus qu’heureux de voir cette mesure prendre
forme immédiatement. « Cela arrangerait les maisons de placements que nous
sommes», explique notre interlocuteur. Les contrats signés avec leurs clients
débuteront à partir de 60.000 F alors que les plus hauts placements
n’atteignent même pas cette somme. Avec cette somme, M. Kokoua, responsable de
KS Global multiservice, basé à Angré-Mahou, pourrait presque doubler ses
recettes. Lui qui place ses servantes à partir de 35.000 FCFA. Tout comme la plupart
des structures versées dans ce créneau, ici, le Smig est une notion trop abstraite.
KS Global multiservice ignore la Cnps et peut même se passer de contrat en
bonne et due forme, parce qu’il fonctionne sur les « arrangements ».
Kokoua ne se le cache pas d’ailleurs. « La
mesure est bien venue pour les maisons de placement mais c’est déjà difficile
de faire payer une servante à 50.000 F, a fortiori, 60.000 F », se désole-t-il.
Pour lui, aucune structure n’applique encore cette décision dans ce secteur
informel. Quoique certaines maisons de placement affichent des tarifs allant
parfois jusqu’à 70.000 F. A l’instar de « BNT placements », sise à Koumassi. Contacté, le secrétariat de la
structure signale que certaines de leurs bonnes valent jusqu’à 80.000 F.
« Tout dépend de la tâche que vous lui assignez. Si elle doit faire la
cuisine, la lessive, entretenir la maison, c’est le prix indiqué».
L’avènement du Smig, confie la standardiste, ne fera qu’améliorer leur
recette. Avant d’ajouter, avec un scepticisme mesuré : « cela
m’étonnerait que ce soit vraiment appliqué ». Et elle n’a pas tort. Du
moins, à entendre Kouassi Roland, ingénieur informaticien au Plateau-Dokui, qui
emploie une servante depuis dix ans. « Je la paie à 35.000 F le mois. Et
je trouve que c’est déjà cher. Au mieux, les gens vont contourner les maisons
de placement pour ne pas subir le Smig. Si vous avez une fille qui travaille
chez vous et que vous faites passer pour votre nièce, qui s’en
plaindrait ?», note-t-il. Les servantes qui sont généralement déconnectées
des réalités du code du travail semblent prédisposées à être sous-payées. Comme
A.K., embauchée chez un salarié dans une société de téléphonie mobile,
domicilié au Mahou. « Si je dis à mon patron d’augmenter mon salaire, il
va me chasser », soupire la demoiselle. Porter plainte ? Elle ne veut
même pas y songer. Et A.K. traduit l’état d’esprit de tous ces travailleurs du
secteur privé payés jusque-là en-dessous du Smig. C’est le cas, par exemple, de
ce vigile employé dans une entreprise aux Deux-Plateaux. Son salaire ?
50.000 F. Quand on lui demande ce qu’il en pense, le « gardien »
rétorque que beaucoup de ses camarades de la même profession touche moins
que ça. « Il n’y a pas de travail. Quand vous vous plaignez, on vous dit
qu’il y a des personnes prêtes à accepter ce job», se résigne-t-il. Avant de
lâcher dans un soupire : « il faut que le gouvernement veille à l’application
des 60.000 F. Cela nous fera un grand bien ».
Raphaël
Tanoh
Leg :
Les travailleurs du privé ne croient pas à l’application du Smig.
Encadré
Les
smig les plus élevés d’Afrique
Avec
le Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) relevé à 60.000 F, la Côte
d’Ivoire reste toujours dans le sillon des smig les plus bas. Elle devance,
certes, le Sénégal (36.243 F) le Mali (28.460 F), le Burkina (32.218 F), le
Ghana, (35.000 F). Mais reste toujours en-deçà des pays comme le Bostwana, près
de 77.000 F, le Gabon qui a doublé son Smig de 80 000 à 150 000 F,
sans oublier le Kenya, environ 100.000 F. Le Burundi a le salaire minimum le plus bas
d’Afrique (3.000 F). Le Smig au Maroc serait le plus élevé du vieux continent, selon
un récent rapport de l’Organisation internationale du travail (Oit) : 181.000
F, suivi de l’Afrique du Sud : près de 179.000 FCFA.
RT
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