Dragage de sable à Yopougon-Azito: L'ANGOISSE DES RIVERAINS
Les dragueurs ne sont plus tout à fait les bienvenus sur les berges
de la lagune de Yopougon-Azito. Certains résidents les accusent de
mettre en péril leur paisible cadre de vie. #Reportage#.
Tous ceux qui connaissent bien Yopougon, savent qu’entre Azito et Loukoua, juste à l’intersection des deux villages, gît un paisible petit quartier de fortune. Les habitants ne lui ont pas encore donné de nom, mais il en rappelle un autre : le « quartier des millionnaires ». Etendus le long de la lagune verdâtre, les immeubles cossus poussent comme des champignons. Tandis que certains reçoivent des travaux de bardage, d’autres sont déjà habités. C’est le cas de la splendide bâtisse de Moussa G. qui nous reçoit ce vendredi 08 novembre autour de 11 heures. Notre hôte est plutôt angoissé. Raison : un voisin très dérangeant est en train de semer la pagaille dans leur cadre de vie. C’est une société de dragage du nom de Wang Do, dit-il, qui a débarqué avec ses engins, il y a deux mois. Et ses employés bossent si durement que, déjà, certains bâtiments huppés du quartier subissent les séquelles de leur activité.
Ils craignent pour leur sécurité
« Les maisons qui se trouvent près de la berge sont les premières touchées. Si vous tapez la dalle du pied, vous sentirez un creux. C’est le soubassement qui est en train de s’affaiblir », regrette le propriétaire de maison, sous le bruit des énormes machines de dragage qu’on peut apercevoir depuis son palier. Une affirmation que nous ne parviendrons pas, cependant, à vérifier. Mais pour Moussa G., la menace est réelle. Et il est très inquiet pour ces habitations construites à coût de dizaines de millions de FCFA. Tôt ou tard, craint ce haut cadre, les murs vont faiblir et s’affaisser. Tout cela, parce qu’une société de dragage agit au mépris des règles du métier. « Ils n’ont aucun agrément. Parce qu’on ne peut pas délivrer un agrément à une structure qui veut détruire des maisons», s’offusque notre interlocuteur du jour. Les habitants, poursuit Moussa, ont déjà essayé de discuter avec Wang Do, mais se sont heurtés à un mépris total de l’entreprise. A l’entendre, Wang Do travaille jour et nuit, sans répit. Et la structure est si déterminée qu’elle aurait aménagé deux espaces où les énormes tuyaux des dragues déversent le sable. Dès qu’un site est rempli, explique le propriétaire d’immeuble, les camions-bennes font la queue pour acheter le sable, pendant qu’une autre machine de l’entrepreneur est occupée à remplir le second site. «Le bruit est insupportable ! Comment peut-on travailler de 6 heures à 1 heure du matin !», tempête celui qui se fait appeler la voix des sans voix. Ce sobriquet justement parce que, détaille-t-il, les résidents ont de plus en plus peur de se plaindre. Vu que le quartier est un tantinet reclus, ils craignent pour leur sécurité. Un soir, se souvient Moussa, il y a eu des altercations quand l’un des camions-bennes s’est mis à déraciner les poteaux électriques. « On a été obligés de barrer la route », rappelle-t-il. La posture de Wang Do, fermée à la discussion, leur a fait comprendre que la structure était prête à tout. Mais qui est Wang Do et pourquoi une société de dragage viendrait-elle saper le moral de ces résidents sans histoire? Alors que nous nous approchons de la berge, le bruit des deux ‘’dragues navires’’ se fait plus agaçant. Les ‘’monstres’’, malgré eux, flottent à environ 350 mètres de la berge. Largement au-delà de la distance réglementaire requise qui est de 150 mètres. A leurs flancs, deux longs tuyaux serpentent l’eau telles des tentacules, pour échouer au milieu du tas de sable amoncelé en un cercle. C’est le fruit du dragage. Le sable mouillé et doré tant affectionné par les constructeurs immobiliers fuse de l’un des tuyaux comme du pétrole. Paradoxe : alors que l’activité semble poser problème ici, des habitations qui sortent de terre, à cinquante mètres, utilisent le même sable. C’est la preuve, selon Ezan Constance, chef de chantier pour Wang Do, que les frayeurs des résidents ne sont pas fondées. « Nous avons reçu notre agrément du ministère de l’Environnement. Bien sûr, après une étude d’impact de l’environnement. Le ministère ne prendrait jamais le risque de nous délivrer un tel document s’il y avait véritablement une menace pour les habitations », tente de rassurer l’entrepreneur, son registre en main. Il tourne la tête un moment, donne des instructions fermes à des conducteurs de bulldozer occupés à dégager la zone pour le passage des camions-bennes, ou à couler dans l’eau le surplus de sable inutilisable. Ensuite, la tête haute et le buste forgé par ses quinze années de services, Ezan ajoute : « Nous sommes allés au-delà de la distance réglementaire qui est de 150 mètres. Et au contraire, le dragage permet de faire reculer la lagune et dégager de l’espace devant les maisons». Effectivement, le recul de l’eau est perceptible. Mais sous ce sable instable, n’y a-t-il pas une menace qui couve ? Non, rassure le chef de chantier. « Nous dégageons de l’espace. Ces terres sont si fermes qu’elles peuvent même être utilisées par les villageois d’Azito », assure-t-il. Là où Ezan Constance semble d’accord avec les résidents, c’est sur la question des désagréments que les camions-bennes ont pu leur causer. Il reconnaît que l’un d’eux est entré dans le décor un jour et a percuté un poteau électrique. « Mais ils ont barré la voie et nous avons changé de route », relativise-t-il. Quant au bruit de leurs moteurs, il s’arrête autour de 17 heures, selon lui. En clair, insiste ce gaillard amoureux du dragage, il ne leur est jamais venu à l’esprit de braver les habitants de Youpougon-Azito. Vraiment ?
Raphaël Tanoh
Tous ceux qui connaissent bien Yopougon, savent qu’entre Azito et Loukoua, juste à l’intersection des deux villages, gît un paisible petit quartier de fortune. Les habitants ne lui ont pas encore donné de nom, mais il en rappelle un autre : le « quartier des millionnaires ». Etendus le long de la lagune verdâtre, les immeubles cossus poussent comme des champignons. Tandis que certains reçoivent des travaux de bardage, d’autres sont déjà habités. C’est le cas de la splendide bâtisse de Moussa G. qui nous reçoit ce vendredi 08 novembre autour de 11 heures. Notre hôte est plutôt angoissé. Raison : un voisin très dérangeant est en train de semer la pagaille dans leur cadre de vie. C’est une société de dragage du nom de Wang Do, dit-il, qui a débarqué avec ses engins, il y a deux mois. Et ses employés bossent si durement que, déjà, certains bâtiments huppés du quartier subissent les séquelles de leur activité.
Ils craignent pour leur sécurité
« Les maisons qui se trouvent près de la berge sont les premières touchées. Si vous tapez la dalle du pied, vous sentirez un creux. C’est le soubassement qui est en train de s’affaiblir », regrette le propriétaire de maison, sous le bruit des énormes machines de dragage qu’on peut apercevoir depuis son palier. Une affirmation que nous ne parviendrons pas, cependant, à vérifier. Mais pour Moussa G., la menace est réelle. Et il est très inquiet pour ces habitations construites à coût de dizaines de millions de FCFA. Tôt ou tard, craint ce haut cadre, les murs vont faiblir et s’affaisser. Tout cela, parce qu’une société de dragage agit au mépris des règles du métier. « Ils n’ont aucun agrément. Parce qu’on ne peut pas délivrer un agrément à une structure qui veut détruire des maisons», s’offusque notre interlocuteur du jour. Les habitants, poursuit Moussa, ont déjà essayé de discuter avec Wang Do, mais se sont heurtés à un mépris total de l’entreprise. A l’entendre, Wang Do travaille jour et nuit, sans répit. Et la structure est si déterminée qu’elle aurait aménagé deux espaces où les énormes tuyaux des dragues déversent le sable. Dès qu’un site est rempli, explique le propriétaire d’immeuble, les camions-bennes font la queue pour acheter le sable, pendant qu’une autre machine de l’entrepreneur est occupée à remplir le second site. «Le bruit est insupportable ! Comment peut-on travailler de 6 heures à 1 heure du matin !», tempête celui qui se fait appeler la voix des sans voix. Ce sobriquet justement parce que, détaille-t-il, les résidents ont de plus en plus peur de se plaindre. Vu que le quartier est un tantinet reclus, ils craignent pour leur sécurité. Un soir, se souvient Moussa, il y a eu des altercations quand l’un des camions-bennes s’est mis à déraciner les poteaux électriques. « On a été obligés de barrer la route », rappelle-t-il. La posture de Wang Do, fermée à la discussion, leur a fait comprendre que la structure était prête à tout. Mais qui est Wang Do et pourquoi une société de dragage viendrait-elle saper le moral de ces résidents sans histoire? Alors que nous nous approchons de la berge, le bruit des deux ‘’dragues navires’’ se fait plus agaçant. Les ‘’monstres’’, malgré eux, flottent à environ 350 mètres de la berge. Largement au-delà de la distance réglementaire requise qui est de 150 mètres. A leurs flancs, deux longs tuyaux serpentent l’eau telles des tentacules, pour échouer au milieu du tas de sable amoncelé en un cercle. C’est le fruit du dragage. Le sable mouillé et doré tant affectionné par les constructeurs immobiliers fuse de l’un des tuyaux comme du pétrole. Paradoxe : alors que l’activité semble poser problème ici, des habitations qui sortent de terre, à cinquante mètres, utilisent le même sable. C’est la preuve, selon Ezan Constance, chef de chantier pour Wang Do, que les frayeurs des résidents ne sont pas fondées. « Nous avons reçu notre agrément du ministère de l’Environnement. Bien sûr, après une étude d’impact de l’environnement. Le ministère ne prendrait jamais le risque de nous délivrer un tel document s’il y avait véritablement une menace pour les habitations », tente de rassurer l’entrepreneur, son registre en main. Il tourne la tête un moment, donne des instructions fermes à des conducteurs de bulldozer occupés à dégager la zone pour le passage des camions-bennes, ou à couler dans l’eau le surplus de sable inutilisable. Ensuite, la tête haute et le buste forgé par ses quinze années de services, Ezan ajoute : « Nous sommes allés au-delà de la distance réglementaire qui est de 150 mètres. Et au contraire, le dragage permet de faire reculer la lagune et dégager de l’espace devant les maisons». Effectivement, le recul de l’eau est perceptible. Mais sous ce sable instable, n’y a-t-il pas une menace qui couve ? Non, rassure le chef de chantier. « Nous dégageons de l’espace. Ces terres sont si fermes qu’elles peuvent même être utilisées par les villageois d’Azito », assure-t-il. Là où Ezan Constance semble d’accord avec les résidents, c’est sur la question des désagréments que les camions-bennes ont pu leur causer. Il reconnaît que l’un d’eux est entré dans le décor un jour et a percuté un poteau électrique. « Mais ils ont barré la voie et nous avons changé de route », relativise-t-il. Quant au bruit de leurs moteurs, il s’arrête autour de 17 heures, selon lui. En clair, insiste ce gaillard amoureux du dragage, il ne leur est jamais venu à l’esprit de braver les habitants de Youpougon-Azito. Vraiment ?
Raphaël Tanoh
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