irrégularité des bus: TRAVAILLEURS, ETUDIANTS: LA GALERE!








Pressés par le temps, de nombreux Abidjanais doivent faire le trajet qui mène à leurs écoles ou lieux de travail par l’autobus de la Société abidjanais de transport (#Sotra#). Un véritable parcours du combattant qui ne se fait pas sans désagrément pour les usagers.



La souffrance commence avant l’aurore, au moment où une certaine insécurité règne dans les ruelles d’Abobo. B.A, travailleur au trésor et père de quatre enfants, arpente prudemment le chemin sombre et tortueux qui relie son domicile engoncé dans le quartier « Plaque » à la gare de bus, près de la cité universitaire de cette commune. C’est là qu’il prend tous les jours le « 15 » pour se rendre dans le quartier du Plateau. Cette ligne de bus est la plus prisée des travailleurs de la commune d’Abobo. Et à chaque fois que B.A arrive à l’arrêt, c’est une longue file de personnes qui attend. Certains usagers se lèvent beaucoup plus tôt que lui, parce que le « 15 » est un bus sollicité aux heures de pointe. Si vous ratez les deux premiers départs, le retard est assuré au boulot. En effet, à partir de 7h, la longue silhouette articulée du bus commence à se faire désirer par de nombreux voyageurs. « Dans la semaine, j’arrive au moins une fois en retard. Mon patron en parle moins, parce qu’il connaît les réalités », explique ce quarantenaire que nous avons rencontré ce jeudi au Plateau, autour de 9h. Cette journée a été relativement fastidieuse pour lui. « J’ai attendu jusqu’à 7h. Quand j’ai vu que le bus ne venait pas, j’ai sauté dans un gbaka (véhicule de transport en commun) », relate-t-il. B.A aurait pu prendre le « 45 » qui relie également Abobo au Plateau. Mais ce véhicule est tout aussi irrégulier à partir de 7h, tout comme les autobus numéros 76 ou 52… « Pour prévenir le retard, il faut se lever trop tôt pour ne pas être à la queue du rang », explique le travailleur. Pour ce faire, indique-t-il, il faut se lever à 4h du matin.



Réveil matinal à 4h





Tout comme lui, ils sont nombreux, les fonctionnaires qui empruntent le bus chaque jour, avec leur « carte fonctionnaire » payée à 7.500 Fcfa. Ce bout de carton, bien que très profitable, n’a malheureusement pas la magie de les mettre à l’abri des retards quotidiens au boulot. Un agent proche de Gnamien Konan, ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative confiait récemment à juste titre: « On ne peut pas donner de demande d’explication aux travailleurs qui viennent en retard, parce que nous savons tous que la plupart empruntent le bus ». Heureusement que Gnamien Konan a ramené l’heure de descente à 16h, se réjouit D.F, un travailleur au ministère de la Promotion de la jeunesse, des sports et loisirs. « Rentrer du travail le soir n’est pas une chose facile, non plus. Il m’arrive d’attendre le 76 pendant deux heures, à la cité administrative », ajoute-t-il. Quelquefois, sa compagne se pose des questions sur ses rentrées tardives... Mais le calvaire des bus n’est pas le propre des travailleurs. Ceux qui semblent en souffrir également, ce sont les étudiants. C’est le cas de Michel Gbôko, apprenant en deuxième année de Lettres modernes qui habite le sous-quartierYopougon-Sable et prend des cours à l’université Félix Houphouët-Boigny. Il nous confie que c’est depuis la classe de troisième qu’il a commencé à « lutter » les matins pour avoir un bus et se rentre aux cours. Il fait observer que depuis cette époque jusqu’à ce jour, emprunter un bus n’a été qu’une corvée pour lui. Chaque matin, ce garçon doit emprunter un bus « 36 » ou un « 37 » pour rallier la gare-nord d’Adjamé où il « saute » ensuite dans le 83 ou le 78 pour se rendre au campus universitaire. A force de vivre ce train-train épuisant, il a fini par apprendre quelques astuces: « A la gare-nord, il faut avoir des muscles et le flair, parce qu’il y a un cafouillage à chaque fois que le rang est fait. Et si vous traînez là jusqu’à 7h, les bus ne seront plus réguliers».



Le parcours du combattant





Ce jeudi, lorsque nous le rencontrons, Michel vient juste de descendre d’un 83 devant le Centre hospitalier et universitaire (Chu) de Cocody. L’étudiant a l’aspect d’un combattant qui sort d’une bagarre: le visage reluisant de sueur, les vêtements froissés et la peau visqueuse…Mais alors qu’il foule du pied le macadam du campus, derrière lui, d’autres condisciples se disputent les bus aux quais. En effet, un long et pénible rang est dressé devant le centre hospitalier où se trouvent trois arrêts: le 53 qui dessert la commune de Vridi, le 49 Abobo et le 85 Yopougon-Kouté. Alignés en file indienne, devant des piquets de la Société de transport abidjanaise (Sotra) qui séparent chaque quai, des étudiants doivent braver le soleil et la fatigue. Ceux-là ont fini les cours et rentrent à la maison. Mais les visages sont renfrognés, car, à part le 53, les autres bus ne sont pas réguliers. Et quand un bus arrive enfin au quai 49, après une heure d’attente, c’est la bousculade. « S’il y avait assez de bus, on aurait évité tout ces débordements », vocifère Moris Guédé, étudiant inscrit en deuxième année de Sciences économiques qui se trouve aligné au quai du 85. Et d’ajouter : « Dans la journée, c’est un seul bus qui fait les allers et retours sur notre ligne. Comment voulez-vous que l’on soit tranquille ! » Il est presque midi. De l’autre côté, près de l’école de police, un décor semblable est planté sous la chaleur ardente d’un soleil de plomb. Des dizaines d’étudiants qui ont fini les cours attendent, les traits du visage tirés. Il suffit de prêter attention pour savoir que certains grognent Ici, c’est les bus numéros 52, 21 et 83 relient respectivement les commune d’ Abobo, de Treichville et d’Adjamé. Contrairement aux arrêts du Chu, un abris-bus est installé. Mais personne n’en profite, parce qu’il faut faire le rang. Certains usagers sont coincés contre le mur de l’école de police ; mais pas pour longtemps, car ils seront bientôt chassés par un policier revêche posté là, pour éviter que les autocars appelés communément gbakas garent à cet endroit. Mais c’en est trop pour un groupe de jeunes filles. Elles quittent le rang pour longer la voie jusqu’au prochain carrefour. Là, elles s’engouffrent dans un gbaka et s’en vont.



Les minicars « gbakas » en rescousse







En les regardant partir, Abiba Traoré, une autre étudiante qui attend toujours à l’arrêt laisse échapper un soupir. « Il faut toujours prévoir de l’argent pour emprunter un gbaka au cas où le bus tarde», s’indigne-t-elle. Abiba vient de Yamoussoukro. Mais depuis son arrivée à Abidjan, elle a fini par se faire à sa nouvelle vie d’étudiante, en s’adonnant à ces luttes quotidiennes pour avoir accès à un bus. « Si le 21 tarde encore dix minutes de plus, je vais prendre un gbaka », finit-elle par lâcher. Inscrite en Lettre modernes, la jeune fille a la chance d’avoir des parents compréhensibles qui lui donnent de l’argent pour le transport, en plus de la carte de bus. Ce qui n’est pas le cas pour tout le monde. Face à cette situation d’indignation et de colère que suscite l’interminable attente des bus, certains usagers se sont forgés une carapace. C’est le cas de Jules, élève en terminale au lycée moderne Offoumo Yapo de Yopougon toit-rouge. C’est là qu’il a été orienté depuis sa classe de seconde, alors que ses parents habitent Abobo-Avocatier. N’ayant pas pu faire de permutation, il doit marcher chaque matin à partir de 4h jusqu’au dépôt 9 d’Abobo pour emprunter un 45 ou un 15. Il descend à la gare-nord du Plateau pour emprunter le bateau bus. Ensuite, Jules doit transiter par Abobo-Doumé (Yopougon) où il devra emprunter un 42 qui le descendra devant l’établissement. Un trajet lui prend parfois trois heures de temps, parce que les bus ne sont pas toujours au rendez-vous. La première fois, se souvient, il en a eu le vertige, au point de vomir. C’est une affreuse sensation qui vous soulève le cœur et crée en vous une certaine révolte, s’indigne-t-il. « Quand j’ai cours l’après midi, c’est à 21h que j’arrive à la maison, parce que les soirs, les bus sont très rares », fait-il observer. « Moi, ma mère me donne de l’argent pour le transport en plus de la carte de bus », témoigne Diakité Mourlaye qui habite Abobo et fait la classe de première au lycée moderne d’Adjamé. « J’arrive à prendre le gbaka les matins pour ne pas être en retard. Mais j’attends le bus le soir », ajoute ce garçon vraisemblablement plus chanceux que la multitude d’élèves voyageant tous les jours dans des conditions désastreuses pour se rendre aux cours. Autant de déboires qui suscitent le commentaire de Jean Roger Boto, le président de l’Union des parents d’élèves et d’étudiants. « C’est dommage que les parents qui n’ont pas de véhicule voient leurs enfants vivre la même situation qu’eux », regrette-t-il. Aussi lance-t-il un cri du cœur aux responsables de la Sotra pour trouver une solution idoine à cette situation.



Raphaël Tanoh



Leg : Les étudiants et travailleurs devront s’adonner tous les jours à des luttes acharnées pour avoir accès aux bus de la Sotra.



Encadré



La Sotra s’explique



Indexée, la Sotra sort de son mutisme. Albert Gueu, le directeur de développement commercial et exploitation de la structure précise qu’il n’y a pas de pénurie de bus à la Sotra. « Nous avons juste un problème d’embouteillage. Même si nous mettons 1.000 bus en ce moment sur les lignes, ces bus n’arriveront pas à l’heure», ajoute-t-il. Il va même plus loin dans ses explications. Selon lui, les heures de travail sont les mêmes. Et à partir de 16h, l’engorgement gagne les artères de la capitale économique. « De 5h jusqu’à 6h 30, vous ne verrez personne se plaindre. Le problème commence à partir de 7h. En ce moment, les routes sont engorgées, il n’y a plus de passage », détaille-t-il. Concernant les étudiants, du travail a été fait, selon M. Gueu. Le parc de lignes à l’Université Félix Houphouet-Boigny, par exemple, augmente-t-il. « Aujourd’hui, les étudiants de Cocody ont 60 bus. Alors qu’avant la crise postélectorale, on n’était pas à plus de 25 bus ». Et des mesures sont en train d’être prises, selon le directeur de développement commercial et exploitation. « Actuellement, nous attendons l’arrivage de 500 bus que nous avons achetés. Les premiers seront à Abidjan le 15 mai. Ces véhicules arriveront par centaines. Au bout de quatre à cinq semaines, nous aurons ces 500 bus. Ensuite, nous passerons à 1.000 bus. A partir de ce moment, nous allons honorer la demande du Cissé Ibrahim Bacongo, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique », explique-t-il. Le ministre, faut-il le mentionner, avait demandé que les étudiants soient transportés aux différentes cités universitaires. « Nous avons aussi fait une offre de transport au ministre pour pouvoir transporter les étudiants dans les bus climatisés», promet-il. Mais la Sotra ne s’arrêtera pas là. Elle veut en effet sortir le grand jeu. « Nous avons déjà prévu créer au moins huit lignes que nous allons mettre à la disposition de la population. Ce seront des lignes partant de Cocody pour Abobo. Il y aura certaines lignes qui partiront de la mairie d’Abobo pour Yopougon. Et d’autres de Yopougon-Kouté à la zone industrielle. Sans oublier Koumassi », ajoutera-t-il.

RT

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