Abobo/Marley: QUELLES FETES POUR LES DEMUNIS
Dans deux jours débutent les réjouissances des fêtes de fin d’année avec le réveillon du 24. Alors que les enfants d’ailleurs reçoivent des jouets et que les familles préparent activement le 31 décembre, dans les quartiers démunis, c’est plutôt l’indifférence.
Il est midi. A « Marley » (un quartier précaire d’Abobo) les enfants sortent des écoles, heureux comme des poissons dans l’eau. Sur la ruelle parsemée de flaques d’eau glauques qui longe l’école primaire « La Fidélité », on se bagarre autour d’un biscuit ou d’un pimpim (ballon gonflable). Un groupe d’écoliers fait péter un pétard devant un étal de commerce. La vendeuse les chasse à coup de balai. La bande de garnements se rue vers un terrain de football à environ cent cinquante mètres de là. Sur le bout de terrain nu situé derrière des garages de mécaniciens, un autre groupe d’écoliers les a précédés. Ce sont principalement des élèves du lycée Saint Etienne. Pour ces enfants, c’est déjà les « congés de Noël ». Mais ici, à Marley, le père Noël n’existe pas. La connotation de cette fête rime avec nourriture et congés scolaires chez les enfants. Au mieux, « on pète les bangers (pétards ) », indique Marius Kouakou, de l’école La Fidélité. Son père préfère lui offrir de l’argent de poche, qui n’excède pas les 500 FCFA. Juste de quoi payer des pétards et des « pimpim » (ballon gonflables). Les prix varient entre 25 et 100 F. Ç’a toujours été ainsi depuis que le gamin est à l’école. Si bien qu’il ne lui vient jamais à l’idée que d’autres enfants de son âge bénéficient de pistolets à eau, de voiturettes et de « Buzz l’éclair » (jouet célèbre). Au début, Mamadou Yéo, en classe de CM2, demandait des jouets à son papa. Mais son pauvre géniteur continuellement confronté à des soucis quotidiens, lui lançait le même refrain : « la Noël, ce n’est pas pour nous, fiston». Tout comme lui, la plupart des enfants de Marley attribuent cette fête aux riches. Au point que lorsqu’on leur pose la question: pourquoi aimes-tu la Noël? Les réponses situent : « On regarde la télé. On joue au maracana, on va au vidéo club (ndlr : salle de vidéo) ».
Le père Noël n’existe pas ici
Pour les quelques rares gamins qui peuvent s’offrir des jouets, ce sont en général des bonhommes en plastique, des trompettes étalés quinze à la douzaine sur les tabliers modestes des vendeuses du quartier. Quant aux adolescents, ils balaient cette célébration d’origine païenne du revers de la main. Noël n’est ni plus ni moins qu’une fête de snobs pour eux. Et s’ils n’ont pas trop d’argent pour « chauffer », le réveillon de Noël passe aussi pour une fête superflue. Par contre, le nouvel an...ça, c’est une fête ! Après avoir bravé pendant la crise postélectorale les assauts meurtriers des ex-forces de défense et de sécurité, les familles de Marley veulent faire partie de la République. Mais un nouvel ennemi commun leur fait obstruction: la pauvreté. Autrement dit, la vie est dure à Marley. Malgré les volontés affichées, le 31 décembre se prépare dans des conditions de précarité car les bourses des ménages se sont réduites comme peau de chagrin. « On va faire des grins comme l’année dernière. La musique, le thé et la viande ». Ce maigre programme proposé par Ali Dao, un jeune menuisier, est le planning standard des jeunes du quartier. Après, on peut toujours se dégourdir les jambes devant quelques maquis. Devant les maisons aux murs jaunis par la poussière et les commerces aux étagères dégarnies, les bancs et les chaises plastiques seront disposés autour de théières. Pour certain comme Moussa Sylla, blanchisseur, la discussion entre potes est plus constructive. « Ici, le quartier est dangereux. Si vous sortez le jour du 31, rien ne garantit que vous allez rentrer à la maison en vie. Il vaut mieux voir le nouvel an assis devant chez soi ». Il reconnaît toutefois qu’avec des moyens, il enverrait sa femme et ses deux gosses prendre du bon temps dans une coquette buvette des Deux-Plateaux. « Une fois dans l’année, cela nous ferait du bien ». Mais il ne connaîtra pas ce luxe. Quelques uns comme Michel Bosson ont tout de même tenté d’animer le quartier. Il prévoit organiser une petite fête devant chez lui. « Il y aura de la musique, des concours de danses qui opposeront des enfants. Les vainqueurs auront des biscuits, des bonbons », cite l’étudiant en brevet de technicien supérieur (Bts). Mais ce n’est pas gagné. Car, il faut un petit budget pour ça. Il continue de passer de maison en maison pour demander une cotisation de 100 FCFA aux familles. L’argent peine à rentrer, vu la misère qui règne dans les familles. Le jeune reste optimiste : « ça va aller. Ici, on n’a pas besoin de grand-chose. De la musique suffit pour égailler les gens ».
Raphaël Tanoh
Leg : Tous les enfants n’ont pas la chance d’avoir des jouets de Noël.
Encadré
Un geste pour les démunis
La Première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara, termine aujourd’hui sa série d’arbres de Noël avec une célébration officielle au palais présidentiel. Pendant les « Noëls éclatées », elle a tenté tant bien que mal de donner le sourire à plusieurs enfants démunis du pays. Même si à côté le district d’Abidjan essaye symboliquement de venir en aide à certains enfants pauvres (une cérémonie a eu lieu hier), beaucoup reste à faire. Dans des quartiers comme Marley, Abobo « derrière rail », on se sent plutôt exclu de ces politiques sociales. Là où les enfants ont le plus besoin de sourire, disent-ils, c’est dans ces bleds. Mieux encore, les habitants aimeraient y voir des actions concrètes telles que les dons de vivres à l’approche des fêtes. Des gestes qui les aideront à supporter les charges faramineuses de ces réjouissances.
RT
Il est midi. A « Marley » (un quartier précaire d’Abobo) les enfants sortent des écoles, heureux comme des poissons dans l’eau. Sur la ruelle parsemée de flaques d’eau glauques qui longe l’école primaire « La Fidélité », on se bagarre autour d’un biscuit ou d’un pimpim (ballon gonflable). Un groupe d’écoliers fait péter un pétard devant un étal de commerce. La vendeuse les chasse à coup de balai. La bande de garnements se rue vers un terrain de football à environ cent cinquante mètres de là. Sur le bout de terrain nu situé derrière des garages de mécaniciens, un autre groupe d’écoliers les a précédés. Ce sont principalement des élèves du lycée Saint Etienne. Pour ces enfants, c’est déjà les « congés de Noël ». Mais ici, à Marley, le père Noël n’existe pas. La connotation de cette fête rime avec nourriture et congés scolaires chez les enfants. Au mieux, « on pète les bangers (pétards ) », indique Marius Kouakou, de l’école La Fidélité. Son père préfère lui offrir de l’argent de poche, qui n’excède pas les 500 FCFA. Juste de quoi payer des pétards et des « pimpim » (ballon gonflables). Les prix varient entre 25 et 100 F. Ç’a toujours été ainsi depuis que le gamin est à l’école. Si bien qu’il ne lui vient jamais à l’idée que d’autres enfants de son âge bénéficient de pistolets à eau, de voiturettes et de « Buzz l’éclair » (jouet célèbre). Au début, Mamadou Yéo, en classe de CM2, demandait des jouets à son papa. Mais son pauvre géniteur continuellement confronté à des soucis quotidiens, lui lançait le même refrain : « la Noël, ce n’est pas pour nous, fiston». Tout comme lui, la plupart des enfants de Marley attribuent cette fête aux riches. Au point que lorsqu’on leur pose la question: pourquoi aimes-tu la Noël? Les réponses situent : « On regarde la télé. On joue au maracana, on va au vidéo club (ndlr : salle de vidéo) ».
Le père Noël n’existe pas ici
Pour les quelques rares gamins qui peuvent s’offrir des jouets, ce sont en général des bonhommes en plastique, des trompettes étalés quinze à la douzaine sur les tabliers modestes des vendeuses du quartier. Quant aux adolescents, ils balaient cette célébration d’origine païenne du revers de la main. Noël n’est ni plus ni moins qu’une fête de snobs pour eux. Et s’ils n’ont pas trop d’argent pour « chauffer », le réveillon de Noël passe aussi pour une fête superflue. Par contre, le nouvel an...ça, c’est une fête ! Après avoir bravé pendant la crise postélectorale les assauts meurtriers des ex-forces de défense et de sécurité, les familles de Marley veulent faire partie de la République. Mais un nouvel ennemi commun leur fait obstruction: la pauvreté. Autrement dit, la vie est dure à Marley. Malgré les volontés affichées, le 31 décembre se prépare dans des conditions de précarité car les bourses des ménages se sont réduites comme peau de chagrin. « On va faire des grins comme l’année dernière. La musique, le thé et la viande ». Ce maigre programme proposé par Ali Dao, un jeune menuisier, est le planning standard des jeunes du quartier. Après, on peut toujours se dégourdir les jambes devant quelques maquis. Devant les maisons aux murs jaunis par la poussière et les commerces aux étagères dégarnies, les bancs et les chaises plastiques seront disposés autour de théières. Pour certain comme Moussa Sylla, blanchisseur, la discussion entre potes est plus constructive. « Ici, le quartier est dangereux. Si vous sortez le jour du 31, rien ne garantit que vous allez rentrer à la maison en vie. Il vaut mieux voir le nouvel an assis devant chez soi ». Il reconnaît toutefois qu’avec des moyens, il enverrait sa femme et ses deux gosses prendre du bon temps dans une coquette buvette des Deux-Plateaux. « Une fois dans l’année, cela nous ferait du bien ». Mais il ne connaîtra pas ce luxe. Quelques uns comme Michel Bosson ont tout de même tenté d’animer le quartier. Il prévoit organiser une petite fête devant chez lui. « Il y aura de la musique, des concours de danses qui opposeront des enfants. Les vainqueurs auront des biscuits, des bonbons », cite l’étudiant en brevet de technicien supérieur (Bts). Mais ce n’est pas gagné. Car, il faut un petit budget pour ça. Il continue de passer de maison en maison pour demander une cotisation de 100 FCFA aux familles. L’argent peine à rentrer, vu la misère qui règne dans les familles. Le jeune reste optimiste : « ça va aller. Ici, on n’a pas besoin de grand-chose. De la musique suffit pour égailler les gens ».
Raphaël Tanoh
Leg : Tous les enfants n’ont pas la chance d’avoir des jouets de Noël.
Encadré
Un geste pour les démunis
La Première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara, termine aujourd’hui sa série d’arbres de Noël avec une célébration officielle au palais présidentiel. Pendant les « Noëls éclatées », elle a tenté tant bien que mal de donner le sourire à plusieurs enfants démunis du pays. Même si à côté le district d’Abidjan essaye symboliquement de venir en aide à certains enfants pauvres (une cérémonie a eu lieu hier), beaucoup reste à faire. Dans des quartiers comme Marley, Abobo « derrière rail », on se sent plutôt exclu de ces politiques sociales. Là où les enfants ont le plus besoin de sourire, disent-ils, c’est dans ces bleds. Mieux encore, les habitants aimeraient y voir des actions concrètes telles que les dons de vivres à l’approche des fêtes. Des gestes qui les aideront à supporter les charges faramineuses de ces réjouissances.
RT
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