ABOBO: QUI AGRESSE LES COMMERCANTS?



Depuis le déguerpissement d’Abobo, des commerçants et transporteurs sont la cible de menaces de mort et d’agressions. Qui est derrière ces actes déplorables ? Enquête.

Si jamais la gare est démolie, ils enlèveront sa femme. Son gosse n’ira plus à l’école : il sera un enfant de la rue. Ces menaces, Diallo Souleymane, transporteur à la gare d’Abobo, les a reçues comme un coup de poignard en plein cœur. Son interlocuteur, un syndicaliste, dit-il, l’accusait, lui et ses camarades transporteurs, d’avoir pris 12 millions de FCFA avec le maire d’Abobo pour que l’ancienne gare soit démolie. Après le déguerpissement du 15 octobre, Dieu merçi, dit-il, la menace n’a pas été mise à exécution. Pour autant, les intimidations n’ont pas cessé. Certains commerçants et transporteurs continuent de recevoir des mises en garde. «Ils m’ont dit que nous mangeons avec la mairie et que si nous nous installons à la Sogegar (Société de gestion des gares routières, ndlr), ils savent où nous trouver», témoigne M.L, un commerçant qui a souhaité garder l’anonymat. Il dit être sûr que ses détracteurs l’ont toujours sur leur liste noire. Mais qui sont-ils ?  Des gnamboros (chargeurs à la gare), répond-il. Que gagnent-ils à proférer de telles menaces ? M.L pense qu’en empêchant les transporteurs et commerçants de s’installer à la Sogegar, ces personnes veulent les amener à prendre fait et cause pour eux: trouver une nouvelle gare pour tous. Exaspérés probablement par l’inefficacité des menaces verbales, les agresseurs sont montés d’un cran. Des groupes d’individus non encore identifiés s’en sont pris récemment à des commerçants et transporteurs. Inquiet de ces agissements, le maire de la commune, Adama Toungara, a animé une conférence de presse jeudi pour étaler ces pratiques malsaines sur la place publique. Selon lui, les individus en question s’introduisent quelquefois dans les domiciles des commerçants pour les agresser. L’un des commerçants aurait même perdu la vie après avoir été poignardé. Quand un autre a eu une oreille tranchée pour avoir décidé d’intégrer la nouvelle gare.


Des hommes en treillis….
 Adama Toungara ajoute que les parents des victimes ont porté plainte. Il n’est pas le seul à s’offusquer. Sanogo Souleymane, Sg de l’Union des syndicats de transporteurs et chauffeurs (Ustc) pense que les autorités devraient prendre ce problème à bras-le-corps. «Les soirs, si vous êtes de passage et que vous êtes seuls, ils envoient un groupe vous agresser avec des couteaux et des armes. Et ils sont souvent vêtus de treillis militaires», indique le syndicaliste. Ces exactions ont déjà fait six blessés graves, selon lui. Des éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) ? Il n’en sait rien. Des syndicalistes ? M. Sanogo parle plutôt de bandits. Pourquoi des bandits empêcheraient des commerçants d’intégrer la nouvelle gare ? Il n’y a pas de doute pour Abdoulaye Diabaté, un commerçant : c’est l’œuvre de ces syndicats qui rackettaient des millions aux vendeurs et qui ont vu leurs business s’écrouler avec le déguerpissement. «Certains étaient des Frci, ce qui explique qu’ils sont souvent en treillis», note-t-il. Des accusations totalement infondées, selon Moustapha Kamagaté, l’un des responsables syndicalistes à la gare d’Abobo. Il jure par tous les saints qu’ils n’ont rien à voir avec ces actes dignes de bandits de grands chemins. Il se dit d’ailleurs surpris du contenu de la conférence de presse du maire qui les a cloués au pilori. «Nous ne sommes pas contre l’installation des commerçants et transporteurs à la nouvelle gare. Tout ce que nous voulons, c’est que la mairie nous donne un autre espace», précise-t-il. Et d’ajouter qu’ils sont en négociation avec les services d’Adama Toungara sur la question. Avec cette réponse, on se demande qui d’autre gagne à empêcher les commerçants d’aller à la Sogegar ? A la gare d’Abobo, les attentions sont captées ce lundi par la suite du déguerpissement. Ce matin, la gendarmerie et un détachement des Frci ont fait une descente musclée pour chasser les commerçants qui avaient recolonisé certains sites. Le rond-point est clairsemé avec la grève des gbakas (véhicules de transport en commun). Ici, on a eu vent des cas d’agressions et de menaces. Et un nom revient : Traoré Toumani. Ce serait le manitou, l’homme tapi dans l’ombre, qui dirige les syndicats. Est-ce lui l’instigateur de ces attaques? Aucune réponse claire ne fuse. Où le trouver ? Mystère et boule de gomme. Personne ne veut aller plus loin dans ses réponses. En tout cas, qu’il soit l’instigateur ou pas, le commandement des Frci d’Abobo a sa technique pour contrer ce mouvement d’insécurité : la traque.

Raphaël Tanoh

Leg : Des personnes empêchent les commerçants d’intégrer la nouvelle gare.

Encadré

Jah Gao : «Nous avons arrêté une trentaine d’hommes»

«Nous allons nettoyer Abobo». Ces mots du commandant des Forces républicaines d’Abobo sont à prendre au propre comme au figuré. Informé des cas d’agressions dont sont victimes commerçants et transporteurs, Gaoussou Koné alias Jah Gao, dit avoir mené sa chasse. Ce sont une trentaine de personnes qui ont été arrêtées. Ce, depuis le 15 octobre, début des menaces. La traque continue. Et le chef des militaires à Abobo se veut catégorique quant à l’identité des fauteurs de troubles : ce sont des syndicalistes de la gare. Certains, dit-il, se procurent les treillis militaires pour commettre leurs forfaits. «Depuis le début du déguerpissement, j’ai indiqué à leur porte-parole que nous n’allons pas reculer», ajoute-t-il avec fermeté. Cette défiance à l’autorité est, selon le chef militaire, inacceptable.
RT

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