CES ETUDIANTS DEVENUS IMAMS

Depuis la fermeture des universités publiques, certains étudiants se sont trouvés une occupation saine et pieuse : la lecture du coran.

Il arbore fièrement la vingtaine. La mosquée est son lieu de prédilection ; le coran, un «gagne-pain». Pourtant, Sirima Sanogo est un garçon très ordinaire. Pas de boubou, pas de pantalon coupé, aucun bonnet sur la tête. Et sans son regard ingénu et la marque pieuse sur le front, on pourrait presque le confondre à un de ces jeunes insouciants venu se débarrasser de la «zourh» dans cette petite mosquée de la Riviera 2.
Pendant que les fidèles quittent le lieu saint, après la clôture de la prière, il attend à côté d’un vendeur de corans, installé devant la mosquée. Ce n’est pas un hasard. Sirima fait la lecture coranique à domicile et à la mosquée, depuis 3 ans. Et il fait partie de la crème des jeunes choisis à la mosquée pour poser cet acte de dévotion, délicat et respectueux. Ce qui pourrait expliquer en partie cette expression d’innocence qui anime permanemment son visage. 

Aeemci

Baptême, décès, mariage…Sirima rend visite avec ses camarades, aux familles musulmanes qui sollicitent leur aide dans les moments de joie ou de tristesse, dans la vie ou la mort. Il a toujours assuré. Comme la plupart des «pros» de la chose, il ne se limite pas à la récitation de «Ya sin» (sourate 36 considérée comme le cœur du Coran), pendant les séances de lecture coranique. Mais à une lecture complète du livre saint.  Et ce, malgré son titre de jeune étudiant qui prépare sa licence d’histoire-géographie à l’université de Bouaké. Cela peut paraître curieux, mais pour Sirima, il n’y a rien de plus normal. Il est membre de l’Association des élèves et étudiants musulmans de Côte d’Ivoire (Aeemci) qui a établi son siège à la mosquée de la Riviera 2. Avec la fermeture des universités publiques pour les travaux de réhabilitation, la lecture coranique est devenue son gagne-pain (?). 

Ablutions
Il n’est pas le seul étudiant à avoir pris goût à cette activité. Diakité Kalifa, celui que ses pairs surnomment le «coordonnateur» (il leur a tout appris, ndlr), prépare une licence en droit dans la même université. Ce lundi, il s’attèle à laver ses vêtements là où les fidèles prennent leurs ablutions. Contrairement à Sirima, il montre plutôt une expression de coriace. «Nous faisons les lectures coraniques à domicile pour deux choses. D’abord, la récompense divine, puis la récompense financière», clarifie-t-il. Avant d’ajouter que lorsqu’ils se déplacent chez les familles, ils n’exigent rien en retour. C'est à l’hôte de leur donner ce qu’il désire. Souvent, c’est de la nourriture. Mais, en général, ce sont des liasses de billets de banque qu’ils reçoivent pour avoir fait le déplacement. En frottant ses habits dans le sceau d’eau, Kalifa raconte : récemment, un fidèle de la mosquée leur a donné 125.000 FCFA après la lecture coranique. Mais ils étaient 5. Chacun a donc empoché 25.000 francs.

 Quelquefois, c’est l’imam de la mosquée qui, débordé, leur demande d’y aller, ou bien propose qu’ils y aillent ensemble. Mais dans beaucoup de cas, les invitations sont directes. Pour ce qui est du déplacement, c’est l’intéressé le plus souvent qui vient les chercher avec ses propres moyens. Mais en général, ils sont obligés de s’y rendre par leurs propres moyens. A côté de lui, Bamba Saliou, un autre étudiant, explique qu’avec la réouverture des universités publiques, ils pourraient stopper ce travail pour se consacrer aux études. Cependant, une question revient. Où ont-ils acquis leurs connaissances en lectures coraniques ? Réponse de Sirima: «à Bouaké avec mes amis des medersas». Kalifa : «c’est dans le tas que j’ai appris à lire le Coran». Ils sont nombreux à la mosquée à faire ce travail à leurs temps perdus. Quant à savoir s’ils le trouvent lucratif, Kalifa reste prudent: «je laisse le soin aux gens d’apprécier».

Publié le 2012-08-15

Raphaël Tanoh                                                                                                                              

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