Travail dans les ordures / Alice Kouao (Pdte du Rite-Ci) : "IL FAUT SAUVER LES ENFANTS D'AKOUEDO"

C’est demain, la Journée mondiale contre le travail des enfants, avec pour thème : droits de l’Homme et justice sociale. En prélude à cet évènement, Mme Alice Kouao, présidente du Réseau ivoirien de lutte contre la traite, le travail et l’exploitation des enfants interpelle sur le grave danger que courent les milliers d’enfants qui travaillent dans la décharge d’Akouédo.   


Qu’est-ce qu’est le travail des enfants ?
Le travail des enfants est l’utilisation et l’exploitation de personnes mineures  entre 5 et 17 ans. Il ne s’agit pas de l’enfant qui va aider sa maman à la cuisine ou son papa au champ pendant les vacances. Quand on parle de travail des enfants, il y a les notions de continuité, de l’horaire et de pénibilité qui sont là. Prenez l’exemple du travail des enfants dans la cacaoculture. Ces enfants travaillent dur, pendant de longues heures, dans des positions qui ne sont pas adéquates et avec des produits nocifs. Ceux qui se livrent à des travaux ménagers, se lèvent parfois à 6h du matin et se couchent  à 2h. Ce sont des exemples de travail des enfants.

Pouvez-vous en citer d’autres ? 
La liste des travaux dangereux en Côte d’Ivoire a été divulguée par le ministère de l’Emploi, des affaires sociales et de la solidarité. Il y a entre autres, les travaux dans les mines,  les travaux dans les décharges.  Le travail d’employés de maison. Il y a aussi la vente de papiers mouchoirs sur les grandes artères…

Quelle est l’ampleur du phénomène ? 
Difficile de donner une estimation. Mais il prend de l’ampleur, notamment avec la crise que nous avons connue. Dans certaines communautés, le message est passé, la réaction des populations est favorable. Par contre, dans d’autres, ce n’est pas le cas.

Que faites-vous concrètement? 
En 2010, nous avons aidé à Daloa 2.300 enfants. Nous menons des actions de mobilisation, de sensibilisation dans les communautés où nous intervenons. C’est-à-dire à San Pedro, Soubré, Daloa, Abidjan.  Nous faisons des plaidoyers auprès des organismes internationaux pour qu’ils nous aident à réinsérer ces enfants et à mettre l’éducation  à leur portée par la création d’écoles. A Abidjan, nous prenons en charge, par exemple, des enfants qui travaillent dans la décharge d’Akouédo. 

Comment?
Nous faisons de la prévention. Nous sensibilisons les familles pour qu’elles évitent de laisser leurs enfants aller à la décharge d’Akouédo. Nous retirons de ce lieu malsain, plusieurs enfants. Nous leur donnons la chance d’être dans un centre où ils prennent des  cours d’alphabétisation, d’apprentissage en couture, des travaux champêtres. Nous envoyons les plus âgés d’entre eux chez des partenaires qui sont membres du réseau. Ils prennent ces enfants dans des activités professionnelles. Et depuis 2002, nous sauvons 100 enfants par an dans cette décharge.

On sait que la décharge est un nid de dangers. Avez-vous déjà connu des accidents avec ces mineurs?
Oui. Vous savez, quand le camion poubelle arrive,  par exemple, à la décharge, certains enfants se postent au niveau du pont-bascule. Et, lorsque le véhicule arrive à leur niveau, ils sautent à l’intérieur pour être les premiers à fouiller dedans.

Le chauffeur ne les voit pas ?
Dans ces circonstances, le chauffeur ne sait pas qu’ils sont dans le véhicule. En 2007, un enfant, après être monté dans le véhicule, a glissé et est tombé. Il a eu le crâne écrasé.  Dans la même année, nous avons recueilli un enfant qui a eu les pieds brûlés. La police avait saisi ce jour-là, des faux billets de banque et était venue les brûler à la décharge. Après son départ, il y avait encore des billets qui se consumaient.  Croyant avoir affaire à de vrais billets de banque, l’enfant est entré dans la cendre chaude pour essayer d’en extirper du feu. Nous l’avons soigné. 

D’où viennent ces enfants ?
Ils vivent chez leurs parents. Ceux-ci sont généralement pauvres. Ils envoient donc leurs progénitures chercher de l’argent pour nourrir la famille. Aujourd’hui, les mentalités ont changé. Ce n’est plus le parent qui va chercher de l’argent pour ses enfants, mais l’inverse. 

Combien peuvent gagner ces enfants par jour ?
Entre 1.000 et 2.500 Fcfa.

Y a-t-il des textes pour réprimer les fautifs?
Il y a la loi contre la traite et l’exploitation des enfants.

Quelles sont les peines que les coupables encourent ?
Entre 5 et 10 ans.

Des personnes ont-elles été déjà sanctionnées?
Nous n’avons pas le point, mais il y en a.  Vous savez aussi que notre culture fait qu’il est difficile de porter plainte pour un enfant qui travaille à un certain âge.


Interview réalisée par Raphaël Tanoh

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