Sécurité routière: LES MENSONGES DU RADAR






On connaît les plaintes des usagers de la route concernant l’inexistence du radar ou le racket autour de ces appareils. Mais on ignore  ce que vivent les agents de  l’Office de la sécurité routière (Oser) chargés de contrôler les limitations de vitesse sur le terrain.

C’est un jour comme tout autre  sur le pont De Gaule. Des agents de l’Office de la sécurité routière (Oser) viennent de siffler une luxueuse berline qui a dépassé largement les 60km/h, la vitesse règlementaire en agglomération. Surprise ! C’est un ministre, dont nous tairons le nom, qui met pied à terre. Il est surtout furieux parce qu’on a brisé son élan. Il demande  la raison pour laquelle les agents de sécurité routière l’ont arrêté. Ceux-ci lui disent qu’il vient d’être pris par le radar. Il nie les faits et veut voir la preuve de son infraction. Ses interlocuteurs lui expliquent qu’ils n’en ont pas sur le terrain et qu’il lui faudra se rendre à la station de lecture de l’Oser. C’est ainsi que fonctionnent les nouveaux radars numériques. Mais, mal leur en a pris. Le ministre est convaincu qu’il a affaire à des agents véreux. Il menace et appelle son cabinet. Le directeur de l’Oser est saisi par appel téléphonique. Motif : le ministre demande que soit apportée dare-dare la preuve de son infraction, sinon…L’affaire est grave. C’est la carrière de certains agents  qui est en jeu, mais plus encore, la réputation de l’office. Le directeur de l’Oser rentre en contact avec ses hommes qui ont osé arrêter le véhicule du « manitou ». Ces derniers sont plutôt calmes. Ils ont déjà téléchargé les données du radar dans la base de données de la station de lecture.

Un ministre prit par le radar

Grâce à la technologie, ils sortent un fichier. C’est une photo qui montre le véhicule du ministre avec sa plaque d’immatriculation, la vitesse ainsi que  l’heure de son infraction. Tout est mis dans un dossier et apporté à son cabinet.  « Je me souviens qu’il est resté confus », se rappelle encore Maïga Ousmane, le chef de service des interventions. Il est en quelque sorte le responsable des radars. Selon lui, cette anecdote illustre le quotidien des agents de l’Oser sur le terrain. Le discrédit jeté sur la corporation avec l’affaire des « radars fictifs » a beaucoup hanté Maïga. Des agents véreux qui préfèrent  traiter avec les chauffeurs plutôt que de délivrer les papillons, l’ont assommé. Mais depuis l’arrivée d’Aka Désiré, le nouveau patron  de l’Oser, ces pratiques ont baissé, dit-il. Ce matin, en nous faisant visiter les locaux de la station de lecture, il fonde beaucoup d’espoirs sur les réformes promises par leur supérieur. C’est une petite salle d’environ 60 m², et elle n’a rien d’extraordinaire. Un monsieur, la quarantaine, travaille devant l’écran d’un ordinateur connecté à un disc dur. Il s’agit de M. Gbonké Gérôme, l’opérateur de la station de lecture. Il est chargé de recueillir les données des radars lorsque ceux-ci reviennent du terrain. Il trie ensuite et renomme les fichiers déchargés, en fonction de l’immatriculation des véhicules. Le fichier contient déjà l’heure et la vitesse à laquelle l’infraction a été commise. « Lorsque ces fichiers sont renommés, tout devient facile. Dès qu’un plaignant arrive, nous n’avons qu’à taper l’immatriculation de son véhicule pour que le fichier apparaisse et qu’il voie qu’il était en erreur », explique-t-il. Grâce à un projecteur, Maïga nous fait une démonstration. Sur le mur de la pièce, des images de véhicules en infraction captées par les radars numériques, défilent. Cependant, avec l’expérience, Gbonké a appris que les preuves ne suffisent pas souvent à convaincre certains conducteurs.  « Il arrive que quand nous leur montrons ici la preuve de leur faute, ils ne veulent rien savoir et cela tourne parfois à la dispute ». Alors, Maïga nous demande de déduire: si certains refusent de croire qu’ils sont en faute malgré la preuve, imaginez à quoi peuvent être confrontés les agents de l’Oser sur le terrain. Il se souvient de cette autre anecdote: « un jour, des agents ont arrêté sur l’un des ponts, le général Philippe Mangou parce qu’il avait dépassé la vitesse autorisée. Il est descendu de sa voiture et a demandé à vérifier qu’il était vraiment en infraction. En ce moment, nous avions les radars analogiques qui flashaient et il était possible d’apporter la preuve de la faute sur le terrain. Alors, nous l’avons conduit vers le radar où il a pu voir qu’il était effectivement en infraction. Il était content parce que mes agents avaient bien fait leur travail. Il leur a même donné de l’argent » Cette anecdote, selon Maïga, vise à démontrer que tout le monde discute lorsqu’il est pris par le radar. Les plus coriaces n’hésitent pas à griller le barrage quand ils sont sifflés. Pour ne pas créer des accidents, consigne a été donnée aux agents de ne pas les poursuivre. Sinon, on risque d’assister à des séquences de « fast and furious » (Ndlr : le film de Rob Cohen sur les courses d’automobiles). C’est pour cela que seulement 40% des infractions au radar sont réprimées. C’est un calvaire pour ces hommes de l’Oser. Les 60% des automobilistes en faute, préfèrent prendre courageusement le large ; ceux qui sont arrêtés protestent d’abord avant de coopérer. Par exemple, cet  automobiliste arrêté alors qu’il se rendait avec une malade à l’hôpital. « Il a d’abord nié, avant de reconnaître qu’il fallait qu’il se rende vite à l’hôpital avec sa pauvre maman malade… ». Finalement, entre le radar et les automobilistes qui dit la vérité ?  
Raphaël Tanoh
Leg : Maïga en train d’expliquer le mode de fonctionnement des radars dans la station de lecture.  

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